La Signoria

C’est une demeure comme un rêve, un Relais & Châteaux à quelques pas de l’aéroport, non loin de la mer – où l’on vous mène en navette -,  qui fait face aux montagnes enneigées au début de printemps et à la grande forêt de Bonifato. Une sorte d’univers enchanté et coloré sur lequel veillent avec amour Jean-Baptiste et Marie Ceccaldi, issus, tous deux, de familles d’aubergistes.

Ce domaine enchanté, qui fut celui du marquis Murat de la Serprière sous Louis XV, est leur bébé. Il a retrouvé vie dans la verdure, au milieu de plantations de rosiers, de pins, d’eucalyptus, de palmiers, d’oliviers. Les chambres et suites font le coup du charme avec leurs vieux meubles chinés, leurs voûtes, leurs rez de jardin, leurs chromatismes joyeux. Le service a les grâces d’un cinq étoiles corses – genre rare. Et la cuisine enchante sans nul effet de manches.

Elle joue la discrétion, la politesse, l’hommage diversifié à l’île de Beauté et à la Balagne en particulier sous la houlette du jeune Thomas D’Arcangelo. Ce natif de Marseille, aux racines mi-corses, mi-italiennes, rallié aux vertus de l’île, a tout pigé de l’esprit d’ici, faisant confiance aux pêcheurs de Calvi, au veau de Jean-Louis Jaonninchi à Zillia, comme au cabri de Jean-Christophe Savelli. Légumes et huiles d’olive sont bien d’ici. Et tout se trame délicieusement sous le regard bienveillant de Marie Ceccaldi qui, elle, a créé une ligne de produits de beauté bio, Casa Negra « made in Maquis », aux couleurs d’ici.

Ce que l’on goûte là, servi par un personnel aux aguets, avec les vins d’entre Patrimonio, Porto-Vecchio, Ajaccio et la Balagne, est un hommage à toute l’île. Il y a les ravioles d’araignée au bouillon corsé avec sa légère (et salée) chantilly de mascarpone, la déclinaison de thon rouge de palangre (mi-cuit, escalopé, tartare), l’huître Nustrale de l’Etang de Diane en tartare au cédrat à la crème de citron, le saint-pierre cuit au plat avec blettes sauvages et épinards, plus jus de volaille ou encore les langoustes du Cap Corse au riz vénéré façon risotto et sa crème de crustacés.

Le cabri est cuit à basse température, flanqué de jeunes légumes mijotés aux herbes du maquis. Le chocolat (sablé, tuile au grué, mousse amère) est en déclinaison comme le brocciu en « révélation » (biscuit joconde, croustillant feuillantine, gelée de framboise, mousse de brocciu). Bref, dans une salle à manger avec verrière, aux tons rouges, plaisamment aristo, avec les crus signés Clos Colombu, Arena ou Raoust, on fait le dîner le plus rêveur qui soit dans une Corse de carte postale. Une demeure, la Signoria? Plutôt un songe…