Primavera au Leonardo Plaza

Shalom Kadosh et sa brigade © GP

Il est l’un des personnages récurrents de ce blog, comme un diable – plutôt un bon dieu – sorti régulièrement de sa boîte. Dès qu’il s’agit d’Israël, sa voix et son visage s’imposent. Il est, depuis près de quatre décennies, le bon chef pédago du pays, plaidant pour la cuisine casher, rusant et usant de la cashrout, et de ses contraintes, pour en tirer des partitions vives et légères. Il a lancé maints chefs qui continuent ainsi, avec ou sans lui. Il y a deux ans et demi, pour son jubilé, au Leonardo Plaza, son hôtel, ex Sheraton Plaza, sur son esplanade dominant Jérusalem et la vieille ville, ils étaient tous là ou presque, à lui donner un coup de main en cuisine, tandis que de grands français et italiens lui avaient rendu hommage.

Shalom saluant les clients © GP

Les Aviv Moshé, Raphy Cohen, Yoram Nitzam, Yonathan Roshvelt, Yoran Shalev, Moshe Seguev, Golan Gurfinkel ou Ezra Kedam, sont ses petits cousins, ses neveux, ses fils, ses frères. Bref, Shalom, qui nous fait découvrir, à Jérusalem, les merveilles colorées du marché Ma’hané Yehuda, est aussi chez lui, le chef du Leonardo Plaza, où il cuisine « Glatt Casher », autant dire strictement réglé par les observances de la casherout. Pas de rigolade, ni d’échappatoire avec les rabbins qui surveillent tous les gestes en cuisine, se méfient des asperges aux ‘ »queues » prestement sortis de la terre, refusent, évidemment, le mariage de la viande et du lait, les poissons sans écailles comme les viandes non saignées rituellement.

Fish Kebab © GP

Bref, pour découvrir les prouesses de Shalom qui réalise une cuisine de goût dans l’observance de sa foi, il suffit de le suivre au rez de chaussée du Leonardo, à l’enseigne de Primavera. Sa table genre coffe shop net façon couloir chic joue la table franco-italienne de bon aloi.  Fish Kebab, crème de châtaignes aux topinambours (dont le nom anglais est, tiens, tiens, « artichauts de Jérusalem« ), tortelli de ricotta façon bonbon au potiron, presque comme chez sa copine Nadia Santini au Dal Pescatore de Canneto sul Oglio ou encore crêpe d’oignon doux aux champignons constituent du travail d’équilibriste agile et futé.

Tortellini de ricotta et potiron © GP

La manière est incontestablement française, le produit est israelien pur jus et pur cru, le goût net et précis, la main d’oeuvre exclusivement locale, jeune, enthousiaste, sous la conduite de ce maître d’école qui est un pédago-né. Bref, on n’oublie pas que Shalom Kadosh est né à Marrakech, a voyagé dans le monde entier, a accompli des stages et des tours en cuisine au Laurent du temps de Philippe Braun et à la Côte St Jacques de Joigny avec Michel Lorain, où je le connus jadis, il y a près de trente ans.

Dorade, tomates et asperges © GP

Sans omettre de copiner avec les grands de ce monde, les Robuchon, les Haeberlin, avec qui il organisa un fameux « banquet du roi David » rassemblant les grands chefs du monde dans sa ville trois fois saintes. Et aussi, bien sûr, qu’il fait partie du très sélect club des « chefs des chefs », cuisinant pour Shimon Peres, comme il le fit jadis pour Menahem Begin. Bref, Shalom connaît la musique.

Crepe aux oignons et champignons © GP

Témoin cette dorade sauce vierge avec tomate, asperges et huile d’olive, cuite sur la peau et digne des grandes tables de la côte. Les joli desserts à thème – style pomme verte fort rafraichissant ou amusant chocolat blanc et noir, moelleux, glacé et craquant, présenté dans son bol – rappellent que le gourmet israëlien a le bec sucré, non sans délicatesse. Quant au pinot noir Gamla, frais, vif, fruité, titrant 13 ° pas plus, produit par l’ardente coopérative Yarden sur le plateau du Golan, il accompagne le tout avec bonheur.

Pomme verte © GP