Willy Ronis, une poétique de l'engagement, à la Monnaie de Paris
« Adieu à Willy Ronis »
La poétique de l’engagement, celle du voyage ou les vertus du hasard: voilà les thèmes sur lesquels il est bon de disserter lors de l’exposition Willy Ronis à l’hôtel de la Monnaie à Paris. Celle-ci s’achève le 22 août. La queue s’allonge (45 mn en moyenne aujourd’hui dimanche), mais le jeu en vaut la chandelle. On a pris Ronis pour un demi-frère de Doiseau, un cousin de Brassaï, un copain d’Izis. Pas seulement.
Les Amoureux de la Bastille, les Fondamente Nuove à Venise, le Petit Parisien avec son pain, le nu au pull rayé, la toilette au soleil de Gordes, dans la pénombre d’une pièce sobre: les instantanés sont là, la vérité du récit aussi. Ronis, appareil au point, observe, provoque, raconte, voyage. Ce Parisien, dont le père, juif d’Odessa, possédait lui même un magasin de photos, allie l’oeil aiguisé, la technique, la sensibilité à fleur de peau. A plus de 90 ans, il s’agitait encore.
Ce que livre, la rétrospective pour son centenaire de l’hôtel de la Monnaie: la beauté d’un monde fuyant. Qu’il s’engage aux côtés des ouvriers d’avant le Front Popu, explique le pourquoi des grèves, parte en Allemagne de l’Est, comme en Angleterre, à Prague et en Italie, il garde son sens critique. Une gourgandine qui attend le chaland sur un boulevard New York, un enfant nu qui regarde, naïvement, une fanfare très vêtue, près d’une plage de l’Allemagne du Nord, une foule sur Picadilly Circus, un solitaire, le défi à l’oeil, à Noël, à Paris, trois gosses en pélerine, en 1954, sur un chemin de campagne, en Lorraine, en hiver, et c’est un roman qui s’ébauche.
La poésie de l’oeil, la vérité de l’objectif, des pavés luisants de pluie, une nuit à Montmartre, tandis qu’un taxi attend: tout Willy Ronis est là. Il nous a quitté, paraît-il, le 11 septembre dernier, à 99 ans. Moi, je crois bien qu’il est toujours là.