Bons baisers de Bayonne

Article du 28 juillet 2010

Vue depuis l’hôtel Loustau © GP

L’arrivée à Bayonne c’est toujours une entrée au pays basque. St Esprit fut jadis les Landes. Ici les frères Péreire bâtirent leur gare, sur le modèle de la Gare de Lyon à Paris. La synagogue n’est pas loin, je vous écris depuis l’hôtel Loustau, face au fleuve.

La capitale du pays basque ? C’est bien elle, avec son marché, ses corridas, ses venelles anciennes, sa cathédrale Sainte-Marie, son musée basque, ses quais de la Nive, sa belle ambiance, ses artisans de choix,  ses tables savoureuses.

C’est une vraie ville, animée toute l’année, joyeuse et travailleuse, butineuse et artiste, docile et hospitalière. La plus basque d’entre toutes ? Si Saint-Jean-de-Luz est un port coloré, si Anglet joue le rôle de cité-dortoir et Biarritz celui de plage mondaine et de centre de congrès, Bayonne assume pleinement sa fonction de capitale. Elle est non seulement la porte d’entrée du pays basque, mais aussi sa vitrine et la gardienne de son identité.

Souffre-t-elle de ne pas avoir de front de mer? Mais elle vit sur sa réputation de grand port, fait mirer sa vieille ville et ses remparts, le mignon quartier du petit Bayonne, très animé la nuit, montre sa cathédrale revue par un élève de Viollet-le-Duc, son cloître d’un gothique très pur, ses fiers remparts, son hôtel de ville inspiré d’un palais italien du XVIIe, ses halles façon Baltard, ses maisons à colombages qui se penchent sur la Nive.

Bayonne, la basque basquisante, a le port noble. Ses demeures XIXe à mascarons valent celles de Nantes et de Bordeaux. Ses ruelles sont montueuses. Ses caves gothiques nombreuses, ses cours anciennes et secrètes, ses cages d’escaliers XVIIe et XVIIIe fort belles. Que lui manque-t-il alors pour faire parler d’elle et se mettre au premier plan? Ni l’aéroport – tel celui de Parme, qui est sur le territoire d’Anglet et que l’on nomme Biarritz-Parme, alors qu’il est autant le sien.

Ni le sens de la fête. Elle est la première ville française pour les corridas, la plus proche de l’Espagne. Elle se montre fière de ses arènes : millésimées 1893, revues dans les années 20, avec ses portes néo-mauresques, son acoustique merveilleuse qui en fait une magnifique salle de concert en plein air.

Demeures anciennes © GP

Demeures anciennes © GP

Au mois d’août, c’est pile maintenant, les « fêtes de Bayonne » , qui durent cinq jours, attirent de 300 à 500000 personnes, sacrent le roy Léon, mêlent braderie et pelote basque, concerts, course de vaches, chant choral, grand pique-nique pour les enfants, cavalcade, corridas, danses, tanborrada et défilé de géants, instaurant une atmosphère de bonne humeur. Mais non sans rigueur. Les participants aux festivités sont invités à se vêtir de blanc, avec un foulard rouge. Cette discipline vestimentaire boute hors la ville les débraillés et les dérangeurs de tout poil. Signe qu’on  sait faire la fête, en folie, certes, mais pas sans ordre.

Gourmande? Bayonne l’est formidablement: autant, sinon davantage que ses voisines. De fait, le trait constant de ses tavernes, de ses bistrots avenants, de ses tables rieuses, est la sagesse alliée à la qualité. La bonhomie est sa seconde nature, la gourmandise son particularisme. Les bons pâtissiers, comme les savants chocolatiers sont des techniciens de haute volée, des maîtres de leur art, des orfèvres du sucré. Ils sont nombreux qui pratiquent autant le fin gâteau basque à pâte sablée, avec sa crème pâtissière à l’amande « rhumée » ou à la confiture de cerises noires d’Ixtassou ou d’ailleurs, comme le russe praliné, les éclairs au café et chocolat et les viennoiseries de haute volée.

Jean-Michel Barate lors des fêtes du chocolat © GP

Jean-Michel Barate lors des fêtes du chocolat © GP

La capitale du jambon compte des interprètes de choix, au marché et dans leurs échoppes – je pense à Chabagno, alias Ibaialdé et à Montauzer. Mais Bayonne est d’abord une formidable ville de gâteries, une métropole de douceurs, qui a soin de protéger ses appellations. Jean-Michel Barate, de chez Daranatz, préside ainsi une guilde des chocolatiers de Bayonne revendiquant une tradition, une méthode, un souci de rigueur, avec ses collègues affiliés, comme il en existait déjà au XVIIe siècle. Leurs belles vitrines mettent en avant le chocolat, qu’importèrent jadis les juifs du quartier Saint-Esprit . Au point que Bayonne apparaît d’abord, avant le jambon ou les corridas, comme la capitale du cacao sous toutes ses formes.

Ville ouverte, grand carrefour, petite capitale du pays basque (même si Pau est le chef-lieu de son département 64), elle est une porte d’entrée dotée de solides éléments culturels. Si on vient la visiter le nez en l’air, en admirant le confluent de la Nive et de l’Adour, en admirer les toits qui se groupent en troupeau autour des clochers de la cathédrale (la nuit, depuis le pont Saint-Esprit, le spectacle est splendide), on montre patte blanche dans deux musées qui, pour eux seuls, valent le voyage ici même.

Oeuvre de Ramiro Arrué © GP

Oeuvre de Ramiro Arrué © GP

Le musée basque, dans l’ancienne maison Dagourette, dont on a retrouvé l’ancien profil Renaissance, ses grandes fenêtres à meneaux, sa vue sur la Nive, n’a pas fini de faire parler de lui. Ouvert fin juin 2001, regroupant un ensemble de collections important, allant de l’archéologie rurale aux beaux arts, évoquant autant l’histoire de Bayonne que l’identité basque dans son ensemble, il peut paraître, froid, abstrait, intimidant. Tant qu’il garde son tour neuf, il intriguera avant de séduire.

L’essentiel? Qu’on admire l’antique sagesse basque préservée à travers ses traditions, du makila, que l’on fabrique toujours, avec le bois de néflier dans le haut de la vieille ville, à la pelote, des stèles discoïdales, que l’on admire dans les cimetières de Sare et d’Arcangues et qui ont été ici placés sur des supports modernes, aux danses d’antan. Les tableaux de Ramiro Arrué et de Pierre Ribeira dit Périco évoquent la vie du pays avec une nostalgie vivante.

Sur les bords de la Nive, au seuil du « petit-Bayonne » aux rues étroites, ce musée ne laisse pas indifférent. Il y a aussi le plus classique musée Bonnat. Avec sa noble et haute façade grise, sa belle galerie intérieure, ses Ingres, ses Rubens, ses Goya, tous issus de la riche collection personnelle de Léon Bonnat, qui fut le portraitiste de la bonne société fin 1900, il impressionne. Ce dernier revint dans sa ville natale, fit école, posa avec ses élèves. Il donne une image de Bayonne 1900 centre du monde artistique de son temps.

La ville, qui fut d’un dynamisme portuaire important, attira dès le XVIe siècle, dans le bourg alors landais de Saint-Esprit, juste de l’autre côté de l’Adour la « nation portugaise ». Ce terme pudique désignait les juifs expulsés d’Espagne et du Portugal qui vinrent ici trouver refuge. Leur communauté compta 3500 âmes, dont une belle synagogue de 1837 et un immense cimetière témoignent de l’importance.

La gare, dont je parlais en liminaire, construite à l’initiative des banquiers Péreire sous Napoléon III, conduira au rattachement de Saint-Esprit à Bayonne. C’est de là, depuis les rives de l’Adour, près de l’hôtel Loustau, qui fut jadis la riche demeure d’un banquier israélite, que se découvre le plus beau point de vue sur Bayonne, la silhouette des hautes demeures jaunes groupées en troupeau autour de la cathédrale et de ses deux tours, du grand théâtre, mais aussi des demeures à colombage qui flirte avec la Nive. Ou encore sur le terrain de pelote du Rail Bayonnais, derrière lequel se trouvait jadis le premier cimetière juif.

Oeuvre de Périco Ribeira © GP

Oeuvre de Périco Ribeira © GP

Ville ouverte et cité carrefour, refuge hospitalier et carrefour de fête, Bayonne se donne à voir en toutes saisons. Les mauvaises langues disent qu’il y pleut davantage qu’à Brest, mais que c’est pour cela que le pays basque est si vert. Les températures n’y sont jamais basses. L’air y est toujours doux. Les collines du Labourd sont à deux pas, où courent les moutons en liberté, offrant le plus champêtre des arrière-pays.

Et tout le pays basque, à commencer par Urt, son port sur l’Adour, et la Bastide de Clairence, où se découvre la moderne abbaye de Belloc, s’offre comme une terre de cocagne. Les porcs noirs élevés dans les fermes donnent la matière première des admirables jambons à goûter sur place. Bayonne est là comme une balise, une capitale bonhomme, où la vie est paisible, le rythme des jours sans stress et la gourmandise reine, donnée de nature.

Se renseigner:

Office du Tourisme de Bayonne, pl. des Basques. 64100 Bayonne. Tél. 05 59 46 01 46. Fax 05 59 59 37 55.
Sitewww.bayonne-tourisme.com

CDT, 4, allée des Platanes, BP811. 64108 Bayonne Cédex. Tél. 05 59 46 52 52. Fax 05 59 46 52 46.

Pour dormir (malgré la fête):

Hôtel Loustau © GP

Hôtel Loustau © GP

Hôtel Loustau, 1 pl. de la République. Tél.  05 59 55 08 08.
Fonctionnel, sous sa façade ancienne, face à l’Adour, avec une vue superbe sur le fleuve et la vieille ville, ce bon hôtel classiquement rénové fait une étape pratique au cœur des choses.
Chambres: 92-145 €. Menus: 15, 25, 32 €.
Sitewww.hotel-loustau.fr

Le Grand Hôtel, 21, rue Thiers. Tél. 05 59 59 62 00.
Cet hôtel de tradition, sérieux et propret, est une halte sereine, plein centre. Parfaite pour explorer la ville. Chambres nettes, joli salon feutré, petits déjeuners servis dans une salle sous verrière.
Chambres: 77-153 €.
Site
: www.legrandhotelbayonne.com

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Publié le 28 juillet 2010 par

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