Vranken-Pommery-Monopole: pour fêter dix ans de bonheur
Il était un aventurier belge en quête de la Champagne. Il est devenu un des grands de ce vignoble fermé. Qui ça? Mais Paul-François Vranken, empereur de la Demoiselle, magnat de Pommery, patron de Piper-Heidsieck, qui fêtait ce jour le 10e anniversaire de son rachat du grand château Tudor abritant les plus belles caves de Champagnes aujourd’hui dédiées non seulement à la magie du vin blond mais à l’art contemporain sous toutes ses formes, sonores ou visuelles. Vranken chez Pommery? Une histoire d’amour et une conquête intrépide autant que passionnée.
Il crée son entreprise en 1976, développe son goût du vin de plaisir, frais, ludique et léger à partir de 1978, imagine sa cuvée Demoiselle en 1985, jouant le grand flacon de prestige. Il est aussi au Portugal (Roses), en Camargue (Listel), en Provence (la Gordonne). J’oublie au passage l’aventure de Lucas Carton à Paris et je n’omet pas la rénovation splendide de la Villa Demoiselle, pile face au Château Pommery et dans le prolongement des Crayères. Ce véritable palais Art nouveau rénové avec brio, revu à l’identique de ce qu’il fut jadis, reconstitue la vie d’une belle demeure 1900 dans le goût de l’Ecole de Nancy, avec l’aide des Métalliers Champenois et de la Cristallerie Saint-Louis.
C’est là que Paul-François Vranken et Nathalie, sa muse, faisait leur dix ans de Pommery. Au cours d’un magnifique déjeuner orchestré par Thierry Voisin, qui fut le successeur de Gérard Boyer aux Crayères et qui officie aujourd’hui à l’Impérial de Tokyo. Il était, avec sa brigade franco-japonaise, plus le coup de pouce du grand Gérard, venu là en « chef surprise ». Pour un parterre brillant et nombreux, ce fut là une prestation royale, sans faute, témoignant d’une grande maîtrise, sans chichi, mais non sans traits de génie.
Au programme: une mousse de lait montée au champagne, avec une note de gingembre et une jolie langoustine, histoire de faire honneur à la cuvée Diamant – finesse, fraîcheur, élégance, vivacité – servie en magnum.
Puis, cette trilogie unissant une sardine fraîche au sudashi et légumes croquants, puis le même poisson en royale au basilic, servi dans sa boîte « clin d’oeil », avec son croustillant à l’olive, enfin les têtes en mini bouillabaisse avec sa rouille au sansho. Une mise en scène grandiose, vive, iodée, qui se mariait avec habileté au vin phare de la maison: le Clos Pompadour 2002 avec sa dominante chardonnay (75%), son nez beurré, noiseté et toasté, sa finale ample et fraîche: une merveille qui vous ouvrait l’appétit en beauté.

Sole rissolee au gingembre © GP
Ensuite la sole rissolée à l’arête au beurre de gingembre, sa carotte nouvelle condimentée, fine et ferme à la fois, avec son accompagnement piquant, sur laquelle la cuvée Diamant 2002 en magnum jouait l’escorte éclatante avec son nez minéral, sa belle acidité.
Enfin, la ballotine de pigeonneau au lard gras et truffe sur une purée de negi (ce fin poireau japonais), sa cuisse en fin pâté. Avec, en contrepoint, le champagne Pommery grand cru millésimé 2002, avec ses notes vives et joliment végétales.
Deux intermèdes: le brie de Meaux très crémeux farci généreusement de ses lamelles truffes noires et fraîches (sur lequel un magnifique porto Rozes 1947 au nez chocolaté réalisait un mariage de rêve) et le « mochi » japonais au thé au jasmin pour la note exotique.
Enfin, une jolie finale très champenoise: la mousse au biscuit rose de Reims, ses fruits rouges au jus des mêmes fruits, plus une note joliment acide de yuzu et son sorbet champagne rosé, sur lequel le millésime d’or Vranken Rosé 1985 en magnum jouait le compagnon espiègle.
Léger, frais, fou, magique: voilà le type de repas unique qu’on peine à raconter, sachant qu’on pourra juste faire rêver le lecteur. Et qui mérite cependant d’être immortalisé. Mais qui sait, au détour d’un voyage à Tokyo, à l’Impérial, on pourra retrouver les saveurs aiguisées du magicien Thierry Voisin.
Bonjour et Bravo pour ce magnifique article à l’un des grands messieurs du champagne…
Le menu avait l’air délicieux…la fête superbe.
Juste un petit rectificatif, qui a son importance:
C’est la famille Descours qui est propriétaire de la maison Piper-Heidsieck, la famille Vranken possédant, elle, la maison Heidsieck Monopole.
Bien cordialement
Cécile Bonnefond
Présidente des maisons Piper-Heidsieck et Charles Heidsieck.
Merci Gilles pour ces commentaires passionnants…au plaisir de vous accueillir chez nous à l’Impérial à Tokyo.
Thierry
Remarquable description, qui nous met l’eau à la bouche, qui nous donne envie d’aller à Tokyo à défaut de Reims pour retrouver toutes ces merveilles. Félicitations à Paul Vranken et au chef Thierry Voisin. Vive la cuvée diamant et merci à Gilles Pudlowski pour son talent.