La Place
« Rouen: quand Gilles voyage »
Gilles (à droite) et les siens, au comptoir © Maurice Rougemont
L’empire de Gilles Tournadre à Rouen? Il y a le grand Gill avec ses deux étoiles, sur le quai de la Bourse, le 37, au 37 de la rue St Etienne des Tonneliers, enfin le Gill côté Bistrot au 14 de la place du Vieux Marché. La Place? C’est tout bonnement, sur deux étages, la neuve maison de Gilles Tournadre avec ses tables hautes ou basses, son comptoir du rez de chaussée, sa mezzanine plus calme, son service alerte, son ambiance souriante et complice. Une jeune équipe, drivée par lui, mitonne sous sa houlette des mets vifs, fins, splendides et pourtant fort simples en apparence, qui jouent la cuisine fusion ou plutôt celle des voyages. Mais quand Gilles fait simple, c’est avec une rigueur totale. Et lorsqu’il voyage, c’est avec une précision louable, sans chichi ni fioriture d’aucune sorte. Ainsi le bento du jour, qui propose les idées du moment en mini-cocottes Staub, tout ensemble, ou les références aux mets de vacances : salade de thaï de bÅ“uf et cacahuètes, carpaccio façon Harry’s Bar, avec son condiment huile d’olive, Å“uf, lait, moutarde, vinaigre de xerès, burger en version originale, plus des pâtes et risotti à se délecter.
Tartare, carpaccio, burger, pizza © Maurice Rougemont
Il y a ainsi les salades amusantes et fraîches avec ses clins d’œil italiens (mozzarella, roquette, parmesan, tomate, poitrine de porc, fond d’artichaut), les fettucine au pistou, le risotto aux champignons, la pizza extra-fine (façon tarte flambée à l’alsacienne) et craquante, les nouilles thaï sautées ou encore la soupe pho au bÅ“uf qui jouent la cuisine du monde de drolatique et savoureuse façon. On ajoute les « pics nics » de mini sandwiches, le sauté de porc teryaki, le tartare haché au couteau, l’entrecôte servie avec ses frites plus les moules de bouchot de la baie du Mont St Michel ou le poisson du jour remettent les pieds sinon sur terre, du moins non loin des côtes normandes. En issue, on hésite entre le millefeuille, dont on sait que Gilles est un spécialiste, qui est ici meringué au chocolat et la crème brûlée à la vanille. Le choix de vins est bien vu, passe par tous les terroirs. Dans tous les cas, on ne se ruine pas, on délecte, on s’amuse et l’on a un avant-goût de vacances.
Comme Gilles Pudlowski l’a écrit, le chef rouennais Gilles Tournadre, 2 étoiles sur les quais de Seine, a ouvert trois annexes dans le Vieux Rouen. Comme ce citoyen du monde qui a mis un pied au Japon n’a pas que le canard rouennais dans le sang, il propose une fusion food réjouissante dans chacun de ses bistrots que j’ai visité tour à tour sur les conseils de notre blog favori. Après tout, ici, on a une vieille habitude des cuisines d’ailleurs. Pendant l’occupation anglaise au XVIème siècle, la ville a du s’avaler du gigot à la menthe pendant près de cinquante ans.
A La Place, deux menus à prix tout doux, Entrée, plat, dessert à 24,50, kir offert. Et pour 18,5O, E+P ou P+D, café offert. Prix imbattables pour la qualité.
Mon choix pour ma première incursion dans « le monde à Gilles »:
En entrée, sashimi de saumon, chantilly à la moutarde forte Wasabi, coupelle de sauce sucrée nippone Teryaki. Poisson bien gras, donc délicieusement moelleux, et comme il se doit tranché en petites lamelles épaisses, sauce sirupeuse rappelant par sa texture et son goût la meilleure importée en France, celle de la chaine de restaurants- boutique Matsuri, chantilly peut-être un peu légère en moutarde, sans doute pour ménager les papilles locales.
En plat, un filet mignon de porc Tandoori, petits cocos de Paimpol au chorizo. Très bon sauf que la viande dans l’assiette n’avait pas gardé ce souvenir rouge cuisant de la marinade au paprika, gingembre, cumin, coriandre, ail and co. propre à cet assaisonnement et que la crème épaisse nappant les morceaux avait plus le goût de la moutarde à l’ancienne que des épices indiennes.
En dessert, gâteau Craquant de la place au chocolat noir bien corsé, sorbet griottes, accompagné de non pas un mais deux « petits noirs stretto » offerts gentiment à la place du Kir.
Au final, malgré une timidité dans l’usage des épices venues de loin, sans doute voulue pour ne pas trop dénaturer le produit local ni trop dépayser la clientèle rouennaise, un très bon rapport qualité-prix, un service féminin gentiment primesautier, le tout dans un décor moderne à l’image de l’Eglise-St- Jeanne-d’Arc bâtie dans les années 50 avec son immense toit tout en ardoise en forme de coque de navire renversé tranchant avec le Moyen-Ageux des maisons à colombages de cette place du Vieux Marché.
Merci le Blog pour cette adresse.