Badeschiff
« Vienne: Christian Petz et son bateau gourmand »
On l’a connu en chef gourmand, étoilé, créatif et malicieux au Palais Coburg. Christian Petz, ce natif de Grein sur le Danube, formé à l’Aubergine d’Eckart Witzigman à Munich, au Plaza sous la houlette du vieux sage Werner Matt à Vienne, enfin au Post à Lech en Arlberg, avant de devenir chef du Palais Schwarzenberg, puis de Julius Meinl, le Fauchon viennois, est, depuis peu, son propre patron, dans un bateau gourmand amarré sur le canal du Danube. Le lieu est relax, la salle sans apprêt.
L’été, la maison fait piscine (Badeschiff signifie « bateau piscine »), l’hiver, on n’ouvre que le soir, pour des agapes bien vues qui mettent en scène la « nouvelle cuisine viennoise », suivant le titre de son livre récent. De fait, tout ce qu’il sert ici est une sorte de symphonie de clins d’oeil en l’honneur de la Vienne d’avant, celle des Habsbourg et des divers peuples qui composaient l’Empire.
On goûte aussi des mets fusion, des idées de saveurs justes, épicées, envolées, qu’on accompagnent de vins locaux. Les betteraves avec leur raviolis de pommes de terre et la crème aigre au raifort font des clins d’oeil au bortsch de mon enfance (ma grand-mère, née à Lemberg, se flattait « d’avoir appartenu à l’empereur François Joseph » et me composait une soupe de betteraves de derrière les fagots). La soupe de poissons au calamars et curry rouge fait accomplir un voyage plus lointain jusqu’en Thaïlande.
On y ajoute la carpe argentée avec sa choucroute au paprika, comme une référence à la cuisine hongroise, celle de la puszta et des tziganes, fort délicieuse, le cabillaud avec ses carottes au yuzu, les jolis tripes aux baies acidulées de sorbier des oiseaux avec leur ravioli de langue, sur un registre rustico-canaille et aigre-doux, qu’on affectionne ici, qui sont d’autres morceaux de bravoure.
Les prix sont doux, les desserts, comme la quenelle de fromage au ragoût de quetsche et poire avec son parfait glacé au gingembre ou encore la sphère au chocolat, délicats et fins. On glisse encore sur les Grüner Veltiner et autre Blaue Zwiegelt servis au verre. Voilà, on l’a compris, la table tendance et gourmande du moment à découvrir à Vienne.