1

L'Aubergade

« Amiens/Dury: Boutté, le sorcier picard »

Article du 29 novembre 2011

Eric Boutté © Maurice Rougemont

Le chef star d’Amiens? Un discret nommé Eric Boutté. Ce natif d’Abbeville a un sacré parcours. Il est passé au Flambard à Lille, aux côtés de Robert Bardot, chez Delaveyne, puis Robuchon, le Divellec et Ledoyen, au temps de la belle et bouillonnante Ghislaine Arabian, à Paris, avant de devenir le lieutenant de Lorain à Joigny. Il est revenu, il y a une décennie, déjà, dans la Somme. A repris une maison à la réputation ancienne des abords d’Amiens et vient d’en bouleversant le décor sur le mode zen, clair, contemporain, lui redonnant une âme. On ajoute qu’il cuisine exactement comme on l’imagine d’un Picard bûcheur : « faiseux et non diseux ».

La façade © Maurice Rougemont

Ce  surdoué, sérieux comme un pape, né en 1968 à l’heure où les pavés se lançaient d’une barricade à l’autre dans Paris, n’est pas du genre à s’épancher. Sa carte des vins en est progrès – elle partait de loin! Son jeune service compétent trouve peu à peu ses marques, le soutenant avec ferveur, sous la houlette de la charmeuse Anne-Gaëlle. Bref, il y a là, dans cette demeure champêtre de grande banlieue amiénoise, une ferveur vraie, une authenticité qui sonne juste, une sincérité au plus près de sa vérité.

Anne-Gaëlle Boutté © Maurice Rougemont

Les produits sont tous hauts de gamme. Leur traitement exact et sans chichi au gré de leur fraîcheur, les menus généreux: voilà qui plaît sans discontinuer. On comprend que Boutté, qui n’est bûté,  fasse, en pays gourmand, quoique pas toujours gâté, aisément le plein. Foie gras chaud aux pistaches concassées et compote de panais, velouté de potiron et brochette de foie de lapin, bar de ligne rôti en pavé croustillant avec fenouil compoté et câpres, ris de veau braisé au chou rouge flanqué d’une crème Soubise aux oignons ou encore merveilleux chou farci avec sa farce de maigre de porc et de foie gras : voilà ce qui vous attend là, avec le ton de l’évidence.

Ris de veau/Sphère en chocolat © Maurice Rougemont

Classique dans l’âme, mais sachant œuvrer en magicien zélé, Boutté ne raconte pas, ne commente pas, ne provoque guère. « Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît », disait Michel Audiard. Cette formule qui vaut pour tout un pan de la cuisine contemporaine est à l’opposé de ce qui se trame ici. A Dury, en un pays fameux pour ses « gens durs au travail », d’où l’étymologie du nom de la commune, Eric est un emblème.

Mangue voilée d’ananas, Forêt Noire présentée en sphère craquante de chocolat noir, agrémentée de cerises confites et de glace pistache, sont du même (haut) niveau. Anne-Gaëlle, on l’a dit, veille son mari avec entrain et tonus, menant le service de salle avec une bonhomie souriante. Un sommelier malin conseille avec sûreté un chablis Vaucoupin premier cru de Gauthero ou un Pessac Léognan des Hauts Plantins qui escortent avec sérieux des agapes choisies. Voilà une grande petite maison picarde à laquelle il ne manque pas grand-chose pour être tout à fait grande.

Les essais d'Eric Boutté © Maurice Rougemont

L'Aubergade

78, route Nationale
80480 Dury
Tél. 03 22 89 51 41
Menus : 42, 60, 78, 85 (vins c.) €
Carte : 90 €
Site: www.aubergade-dury.com

A propos de cet article

Publié le 29 novembre 2011 par

L'Aubergade” : 1 avis

  • Effectivement Eric Boutté est un cuisinier discret dont le talent indéniable mérite d’être encouragé. Son menu du Marché à 42 € (39 € fin 2010) permet notamment de découvrir et d’apprécier une petite merveille de la cuisine classique, le « Véritable chou farci, hommage à Jean Delaveyne ».
    Côté fromages, vous avez oublié d’en parler, ils proviennent de Romain Olivier de Boulogne-sur-Mer, digne successeur de son père Philippe.
    Avec en plus, un excellent chef pâtissier comme David Bucamp et un sommelier efficace comme Jérôme Parcheval, la maison a vraiment de quoi se hisser à un niveau supérieur. Et tout ce petit monde évolue dans un décor moderne et lumineux conçu par Xavier Coornaert très réussi, un décor qui célèbre la nature, transforme le chanvre en béton, les graminées en marqueterie de paille naturelle ou encore cisèle les légumes des hortillons en dentelle de plâtre ou fils d’acier.

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !

L'Aubergade