Taillevent

Le ballet du service au Taillevent © GP

Je ne vais pas vous faire le coup d’ignorer l’évidence: bref, Taillevent possède toujours le meilleur service de Paris. Aux commandes, Jean-Marie Ancher, 36 ans de maison, qui remplace feu Jean-Claude Vrinat – parti si discrètement il y a deux ans et demi, qu’on pense qu’il va revenir dans sa demeure sur la pointe des pieds – avec discrétion, efficacité, mimétisme.

Tarte fine au caviar © GP

Un repas ici est toujours une approche de la perfection. On va disserter sur l’amuse gueule brillant du moment (mousse de saumon fumé à la crème de raifort), le morceau de bravoure de l’heure (une formidable tarte fine au caviar, avec également saumon fumé et raifort, mais ça n’est poins redondant), les pâtes et riz en vogue (risotto d’épeautre du pays de Sault aux champignons, fregula sarde au homard et palourdes), les viandes délicates (selle et côte d’agneau de Lozère frottées à la sarriette, mignon de veau aux girolles), les poissons au petit point (rouget en écaille saux oignons caramélisés à la tapenade, bar aux radis noir et huîtres plus une sauce mousseuse au persil): bref, on sent qu’on radote déjà en livrant des compliments inutiles.

Voilà une maison qui réclame le silence, les yeux ouverts. Pour la joliesse du décor, des boiseries douces, des banquettes en gris tendres, des beaux luminaires, du service comme un ballet. On oublie les desserts en mouvement (tarte renversée au chocolat et café grillé, mille-feuille dit épicurien à la vanille, croustillant de fruits rouges au Campari avec sorbet citron vert). J’en omets encore. Comme le blanc chassagne-montrachet blanc 1er cru clos st jean de Niellon 2003, le chambolle musigny domaine de la Vougeraie 2004, plus le muscat du cap Corse d’Antoine Arena.

La magicien Soliveres joue les hommes de l’ombre, le deus ex machina. On prend là une leçon de choses, j’allais dire d’art de vivre. C’est cela même: comme un regard poli sur la vie.