Restaurant Toqué!
« Montréal: Normand, le Québécois magnifique »
Il est né à Kamouraska il y a cinquante ans, accompagne le mouvement des mouvements des choses dans son pays, est installé depuis une décennie sur la place Riopelle au rez de chaussée de « là où les Québécois laissent leur argent » (ie: la Caisse de Dépôt et Placement du Québec) dans un lieu vaste et moderne, il s’amuse à revoir le produit local à sa façon agile, légère, fraîche et drôle.
Lui? C’est Normand Laprise. Né et formé au Québec, passé au Marie-Clarisse et au Café de la Paix, stagiaire en France, chez Jean-Pierre Billoux à Dijon (« j’ai eu plus froid là bas l’hiver, l’hiver, qu’au Québec », dit-il en riant), il est le maestro de la cuisine de sa Belle Province nouvelle manière. Un service mi français mi québécois, habillé en chemise à carreaux façon trappeur chic, énonce avec ferveur les mets du jour et de la saison.
Cela se nomme langue de cerf braisé avec pancetta, échalote, laitue vapeur, vinaigrette à l’érable et moutarde de Dijon (ses deux amours!), terrine de foie gras avec vinaigrette de cidre et de miel, chutney de courge, bette à carde, matsusake ou encore salade tiède de légumes racines, betteraves glacées, topinambours confits, carottes et purée de céleri rave. Il y a encore les pétoncles Princess marinés à l’eau de vinaigrier, avec sa mousse de vinaigrier, huile de fenouil et framboises ou la divine crème d’oursin de la Gaspésie avec sa brunoise de daïkon, concombre, gingembre et soja bio.
Ensuite, de splendides plats de résistance poissonniers (flétan de l’Atlantique avec pâte et caramel de tomate, daïkon glacé, purée de poivrons rouges) ou carnassiers (magret de canard au jus de framboise, caviar d’aubergine, pommes pailles et bolets, suprême de pintade et saucisse avec « relish » maison – autrement dit le confit de cornichon – , purée d’ail rôti et carottes confites), sans omettre de superbes clins d’oeil italiens (cavatelli avec foie gras, champignons sauvages, huile de truffe blanche),; histoire de montrer que le québécois garde toujours l’oeil ouvert vers ailleurs.
Les vins, choisis avec malice par un sommelier aux airs de joyeux rocker, pourront venir de la vieille Europe, de France, comme de l’Ontario et de Californie. Mais il faut garder ici de la place pour les desserts, rappelant que les locaux ont le bec joliment sucré. Crème glacée à la courge avec mousse de chocolat ivoire et yogourt, plus graines de citrouille et de courges rôties, ou encore poire rôtie au miel avec crème au vin jaune, olives séchées, plus caramel d’olive et lait glacé au poivre long font l’exemple de deux issues québécoises nouvelle vague.
Mais le sorbet à l’ananas et poivre long, plus dacquoise safran et crème noix de coco plus sucre de menthe, sous l’apparence étonnante d’une assiette blanche donne le sentiment de redécouvrir l’usage du dessert frais, léger, sapide, digeste. On cite encore la craquante tuile au chocolat avec glace tiramisu et ganache pralinée plus pommes en se disant que tous ces « plats sucrés », mais pas trop peuvent s’assortir avec des vins liquoreux ou non d’une finesse insigne. Bref, notez bien le nom de Toqué et ce sacré Normand sur vos tablettes montréalaises. En sachant qu’il y a là une balise gourmande à ne pas louper.