La Cuisine au Royal Monceau
« La Cuisine (Paris 8e): un an après »
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Bon, c’est vrai: ce n’est pas le restaurant le meilleur marché de Paris. Mais c’est un lieu ouvert, drôle, beau, chic, coloré, baroque, jouant modernisme et tradition, tout ensemble, signé Philippe Starck avec malice. On est vite gagné là par son air de galerie composite, cousinant avec la cuisine ouverte, la vitrine de bouteilles lumineuses, les fauteuils de cuir marron façon lounge british. Bref, c’est le type même du lieu pour « fashion victimes ». On vous en parlé au moment de l’ouverture. Pile un an après, le lieu a pris de la patine, se donne des airs de club pour « happy few », avec ses cadres baroques, ses photos en noir et blanc, ses tableaux contemporains, ses colonnades, ses tables hautes ou basses. Bref, son atmosphère qui n’est qu’à lui.
Le service est impeccable, le sommelier Jonathan Bauer-Monneret, qui n’a pas oublié ses racines strasbourgeoises, vous déniche, au verre, un splendide condrieu de l’artiste des côtes du Rhône du Nord Stéphane Montez, tout de fruit et de fraîcheur, un marsannay de Jean et Jean-Louis Trapet absolument à fondre, avec ce nez framboisé imparable, sans omettre, au moment du dessert, le gewurz « vt » Fronholz d’Epig du copain André Ostertag qui combine épices et acidité, fraîcheur et opulence, sans jamais peser. Bref, du plus que parfait distillé ici sans effets de manches…
La style maison joue lui le classique chic sans ostentation, sous la houlette du très sage et très discret Laurent André. Ce quadra bienveillant, qui veille sur l’ensemble de la restauration de la demeure, avec maestria, travailla longtemps avec Alain Ducasse, au Spoon de Londres, mais aussi au Relais du Parc dans le 16e, sans omettre de passer à la Grande Cascade, sous la gouverne de Jean-Louis Nomicos, et, bien sûr, au Louis XV monégasque, mais aussi chez Alain Chapel à Mionnay. Son « truc »: mettre le produit en vedette et en exergue, jouant la cuisine de saison, les légumes au mieux de leur forme, les belles viandes et les plus frais poissons, sans chichi d’aucune sorte.
Ainsi, le superbe pâté de canard en croûte façon damier truffé au canard et dit « illustre », avec ses échalotes confites au vinaigre de barolo, qui cousine avec le fameux « pâté comme à Vieu », cher à Lucien Tendret, tel que le pratiqua jadis Ducloux chez Greuze. Ou encore l’oeuf de poule cuit mollet avec ses écrevisses mijotées, ses jolis ailerons de volaille avec leur peau croustillante, leur fin jus « exprimé » avec adresses et les cèpes de saison en marmelade. Voilà des entrées fines, riches, royales, savoureuses comme des mets de hobereaux pour princes paysans.
Il y aussi le saint-pierre en filet brodé d’épices, nacré au sautoir, avec son épeautre en risotto onctueux, ses légumes façon « cuisson d’un tajine »: à fondre. Comme le bel exercice sur le thème du quasi de veau de lait du Limousin, ses légumes du moment (navets, pommes de terre, oignons), son jus façon blanquette.
Les desserts, signés Pierre Hermé, qui a imaginé là tout un répertoire généreux et docile, jouent le sur mesure (millefeuille pistache et griottes avec son craquant feuilletage arachnéen) ou le prêt à l’avance (comme ce joli saint honoré de pâtissier au chocolat avec sa crème au beurre un brin figée et ses noisettes craquantes). Bref, un lieu à part, beau, chic, cher, bon, drôle, ouvert tous les jours…