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Le Carré des Feuillants

« Mon été indien chez Dutournier (Paris 1er) »

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Article du 25 octobre 2011

Alain Dutournier © Maurice Rougemont

Et si le meilleur chef de Paris, c’était lui? Bien sûr, je vous ai déjà fait le coup avec quelques autres. Et vous avez des tas d’idées en tête (pas de nom, pas de nom). J’aime la création jazzée et un peu dingue façon Gagnaire, les élucubrations légumières et le sens de la cuisson douce, comme de l’assaisonnement exact d’Alain Passard, le tempo bien tempéré de Jean-François Piège et les malices dociles de Pascal Barbot, le classicisme assumé de Bernard Pacaud et celui, serein et affirmé, de Guy Savoy. J’en oublie? Ah, oui, il y a les mercenaires des grands palaces, tels les Ducasse, Alléno, Briffard, Fréchon, l’esthète Anthon, le ciseleur Solivérès, l’orfèvre Le Squer, la muse Darroze…

Le service © Maurice Rougemont

Là, je n’oublie personne, il y a le « top quatorze »du Pudlo Paris. Je suis fidèle en amour,  en amitié, comme en gourmandise, avec rigueur et sans concession aux effets de mode. Les vogues et les tendances du temps, Alain Dutournier, lui, les effleurent avec docilité. Il sait moquer de ce qui est trop au goût du jour. Cet enraciné de Cagnotte dans les Landes, que je connus il y a trente ans au moins à Paris, sait raconter la cuisine de son époque, de ses voyages et de ses passions, sans jamais oublier d’où il vient. La démarche de ce Gascon obstiné, qui a choisi de garder son bastion de la rue Taine (il faudra que nous parlions un jour du Trou Gascon) tout en se rapprochant et s’enracinant au coeur de Paris, est unique en son genre.

Le décor © Maurice Rougemont

A ce niveau de cuisine, de qualité de produits, de service aussi, dans un cadre contemporain qui confine à l’épure, il propose un balancement circonspect entre ce qu’il nomme – et ce que je désigne comme tel – le « devoir de mémoire » et les réalités du marché. Bref, tout ce que vous goûterez au Carré des Feuillants sous la gouverne de ce sexagénaire en pleine forme, auquel le Michelin ne donne que deux étoiles alors qu’il en vaut trois depuis quinze ans au moins, a du sens.

Le patio © Maurice Rougemont

Hier, midi, dans une lumière douce, un peu terne sans doute, un brin « couvre feu », qui va donner une « mauvaise » vision des plats ici photographiés par votre humble serviteur, tout confinait au sublime. Le bouillon de châtaignes à la truffe blanche d’Alba et poule faisane, manière de saluer l’automne qui vient, le coeur de saumon sur sa marinade cuite de cèpes avec son pressé de saumon sauvage et ses noix de saint jacques, comme cet incroyable exercice sur le thème du bouillon d’écrevisses pattes rouges en infusion parfumée avec ses huîtres spéciales d’Arcachon (obstinément, Alain Dutournier, demeure fidèle au Sud Ouest) en noires ravioles de chair de saint-jacques faisaient autant de mets inventifs, vifs, techniques, enracinés et si légers.

Bouillon de châtaignes, truffe blanche, poule faisane © GP

Coeur de saumon sur marinade de cèpes, pressé de saumon et saint jacques © GP

Infusion d'écrevisses, spéciales en raviole de chair de saint jacques © GP

Le miracle d’un repas, chez Dutournier, on ne le dit pas assez, c’est que rien ne pèse. Lorsqu’arrive « l’histoire autour du cèpe », avec le dit champignon royal de nos forêts du moment présenté mariné à cru, le pied en petit pâté chaud, le chapeau poêlé, avec sa pulpe mousseuse, séché au four, on a envie de faire une balade dans les bois. De humer les blancs d’exception qu’on sert ici à tarif complice et qui font ici des escortes de grande classe, avec leurs nez noisetés, miellés, jouant le champignon et les lisières sylvestres: mercurey blanc du château de Chamirey la Mission Monopole 2007 ou encore saint joseph blanc le Berceau de chez Bernard Gripa du même millésime.

Le cèpe mariné, le pied en pâté, le chapeau poêlé en pulpe mousseuse et séché © GP

Le lièvre en deux apprêts, filet aux épices, mijoté en royale © GP

Puis, vient l’instant carnassier du repas, comme une sorte d’hommage princier à l’été indien qui, hier encore, semblait, s’éterniser sur Paris: un lièvre en deux apprêts sinon cuissons: les filets frottés d’épices servis rosés ou encore mijoté au sauternes et proposé en « prestigieuse » royale avec truffe et foie gras, que je fis escorter, ce qui ne vous surprendra guère, car vous me connaissez bien déjà, et j’ai le don de radoter pour les bonnes choses, d’un Roc de Cambes, côtes de bourg exceptionnel des Mitajvile (ceux de Tertre Roteboeuf), encore merveilleux de fruit, dans sa plénitude en 2002.

Le service des fromages © GP

J’abrège, mais je ne fais pas ici l’impasse sur un plateau de fromages où un livarot affiné à coeur jouxte le plus fruité, le plus terreux des saint nectaire, le plus rare et le plus délicat des bleus de Termignon et j’achève sur un dessert de grand style, ou plutôt deux, car je suis gourmand de sucré et Dutournier est un expert du genre: perles de Mangoustan, marrons glacés « Mont Blanc », parfait vanille et gelée de rhum ou/et encore parfait craquant de chocolat Conception avec poire pochée au Lapsong Souchong et sa (formidable) glace au caramel salé. Avec cela, je goûte le rivesaltes ambré du domaine Piquemal cuvée l’âge de Raison, et j’adoube Alain Dutournier digne de figurer de son vivant au Panthéon des cuisiniers français.

Perles de mangoustan, marrins glacés "mont blanc", parfait vanille, gelée de rhum © GP

Parfait craquant de chocolat Conception, poire pochée, glace caramel © GP

Le Carré des Feuillants

14, rue de Castiglione
Paris 1er
Tél. 01 42 86 82 82
Menus : 58 (déj.), 78, 92 (avec vins), 178, 200 €
Carte : 150-220 €
Fermeture hebdo. : Samedi, dimanche
Métro(s) proche(s) : Tuileries
Site: www.carredesfeuillants.fr

Le Carré des Feuillants” : 6 avis

  • J’ai beaucoup aimé la cuisine d’Alain Dutournier,mais pour moi l’expérience ne vaut pas 3 étoiles,il est vrai que je n’ai eu autant d’ingrédients nobles car c’était au menu déjeuner,mais je pense y retourner.

  • Nina

    Bonjour, j’avais lu cet article et j’étais impatiente de dîner avec mon mari au Carré des Feuillants. Hélas ce restaurant est loin de mériter deux macarons. Les plats qui nous ont été présentés étaient de qualité médiocre, plutot tiède avec des cuissons mal maîtrisés.. Et niveau fraîcheur moyen. Les desserts sont passables, voir sans intérêt… À plus de 190 euros le menu ont s’attend à beaucoup mieux et à plus de rigueur et de maîtrise dans les cuissons. On est loin d’un deux étoiles!

  • michel szer

    à olivier,je ne mets pas en doute les produits le gout la qualité picturale je m’élève tout simplement contre le foutage de gueule des portions je viens de retrouver un livre de courtine des années 😯 époque ou le cholestérole la goutte et la suite n’était pas de mise.Lire mon premier commentaire sur chez Benoit.Voila il n’y a aucun rapport avec Dutournier et c’est cela qui est amusant n’oublions pas l’histoire mais il est vrai que grace à certains chefs nous avons découvert d’autres saveurs d’autres horizons.A bientot,j’aime ce site et surtout la courtoisie des gourmets gourmands.

  • olivier

    Comme dit michel Rostang il y à deux catégorie de client : ce qui viennent et aprécie la soirée le cadre et la cuisine qu’on leur sert et ceux qui on tout fait et qui conaisse tout et qui sont la que pour critiquer ! je pense que vous faites partit de la seuxième catégorie! Alain dutournier est plus que généreux dans ces portion à moin d’etre un éléphant !!! Bien sur il y des petits défauts comme dans tout les restaurant mais pas ceux citez ! La cuisine est escise comme la qualité du service il faut juste savoir aprécié et être ouvert si vous conaissez déjà tout n’aller plus au restaurant !

  • michel szer

    cher roustit,ce fut le meme topo en 76,la seule différence ce fut notre sans gène quant à la fin du repas nous avions demandé à Dutournier l’adresse d’un autre resto.Il n’y avait rien dans l’assiette quoi si peu lorsque l’on a 30 ans.Je vois qu’il n’a pas changé et les critiques non plus,il avait 19 au gault.Et voila le travail,c’était l’époque de la rue taine,mais je n’ai pas le meme appétit mais pour mes plus de70 ans je ne supporte pas le carpaccio de betteraves à 65 euros et le foutage de g…..A bientot de vous lire.

  • Roustit

    Adepte de vos coups de cœur et jamais déçu jusqu’ici (il fallait bien une première fois), à la lecture de votre article et devant organiser un repas entre amis le mercredi soir, toujours en liste d’attente chez Apicius, je n’ai pas hésité à réserver au Carré des Feuillants. Bien qu’ayant appelé le mardi j’ai pu réserver pour un dîner le lendemain. Ce fut l’une des seules bonnes surprises de cette soirée.

    Au vu du contenu de votre article la déception du repas d’hier soir n’en fut que plus grande.

    Je passe sur les amuses gueules, dans la norme sans plus ni moins, si ce n’est une réserve réelle sur le traitement et la cuisson du petit filet de limande sole…

    Haut les cœurs : En entrée, le pâté en croûte de palombe façon Rossini, chou tendre et truffe fraiche de bourgogne laissait augurer du meilleur et une fois de plus, je mis en avant la justesse de vos conseils. L’Infusion d’écrevisses était également délicieuse.

    Par la suite, l’un de nous a pris le quartier d’agneau des Pyrénées – le carré rôti, l’épaule au four, les ris confits dans l’argile (effet assuré avec la présentation du cube d’argile). Ce fut le plus chanceux à l’exception de la cuisson des ris mal maitrisée.

    Nous avons été deux à choisir les noix de ris de veau poêlée – girolles étuvées au vin de voile – fricassée d’artichauts violets. Trop de sel, la bouche emportée par le poivre, des ris trop cuits, la déception fut totale. Elle le fut d’autant plus que ne finissant ni l’un ni l’autre notre assiette pour délivrer un message en cuisine et pour que cela ne soit pas trop subliminal en l’indiquant au serveur, personne au Carré n’a pris le soin de venir s’inquiéter de notre insatisfaction. Au final, c’est plus la forme que le fond qui nous a laissé sur notre faim. A l’unanimité nous avons décidé d’aller prendre un Armagnac ailleurs, ce que je ne pouvais que regretter en admirant la collection de bouteilles présentées dans l’entrée…

    Sans être un mauvais coucheur, votre « Coup de cœur » serait plutôt pour moi un « Coup de gueule »… Il est vrai que pour la cuisson des abats, le meilleur chef de Paris est certainement Jean–Pierre Vigato…

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !

Le Carré des Feuillants