Le cas Dubois

Article du 25 octobre 2011

Après avoir lu ce livre, vous ne pourrez plus prendre l’ascenseur sans songer à une possible catastrophe. Vous ne pourrez plus aller à Montréal sans imaginer un homme seul promener des chiens et ramasser leurs crottes. Vous ne pourrez plus regarder votre fille, votre femme ou vos jumeaux de la même manière. Vous ne pourrez plus…

Mais si: vous pourrez reprendre une vie normale. Mais il vous faudra sans doute un temps d’adaptation nécessaire. Jean-Paul Dubois, ce romancier misanthrope, as de l‘humour noir, fan de John Fante,  est, depuis « Parfois, je ris tout seul », « La vie me fait peur » ou « Kennedy et moi » le plus habile de nos semeurs de catastrophes schizophréniques. Entrer dans son roman, c’est ouvrir une porte sur l’inconnu. Ou sur soi-même. Et ça va toujours mal chez lui, comme chez ses contemporains, même si, en apparence, tout devrait ou pourrait aller fort bien.

Ainsi, Paul Sneijder, natif de Toulouse (comme Dubois himself), exilé à Montréal, où il travaille au service des achats et approvisionnements de la SAQ (la Société des Alcools du Québec, qui détient un monopole d’achat et de distribution). Il y a suivi Anna, sa seconde épouse, dont il a deux jumeaux, avocats, demeurés en France. S’il s’ennuie profondément, elle a été absorbée et conquise par un poste de cadre d’envergure. Et voilà qu’il survit miraculeusement à un accident d’ascenseur dans un gratte-ciel, où décède sa première fille Marie. Il se réveille après un long coma, s’isole, vit entre son bureau, où il garde les cendres de cette dernière, et son nouvel emploi de promeneur de chiens.

Paul Sneijder est-il encore lui-même ? Absent aux autres, comme put l’être Paul Blick, le héros d’une « Vie Française » (Prix Fémina, 2004), il discute jardins et plantes avec le conseiller juridique de la compagnie d’ascenseur à laquelle il devrait, en bonne logique, intenter un procès, imagine partir pour Dubaï, afin d’emprunter l’ascenseur sujet à caution d’une des plus hautes tours du monde. Mais ce serait sans compter sans l’esprit rationnel de Marie, sa femme, et celui de ses deux jumeaux.

On s’en veut de tenter de résumer un tel livre. Dubois instille le mystère, distille l’angoisse, évoque l’absence à la façon d’un poison délicieux. Il écrit bref, sobre, zen, à l’économie. Ne s’embarrasse pas de fioritures inutiles. Il transperce, bouleverse. Le cas Paul, sa confession, celle d’un homme aux prises avec ses troubles, sa vie, son avenir brouillé, voilà bien le sujet de ce livre fort, troublant, obsédant. C’est peu dire qu’on n’en sort pas indemne.

Le cas Sneijder, de Jean-Paul Dubois (Editions de l’Olivier, 218 pages, 18 €).

A propos de cet article

Publié le 25 octobre 2011 par

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !