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Nantes, la belle insulaire

Article du 20 octobre 2011

Depuis l'Ile de Nantes, la maison Jules Verne et la statue de Sainte-Anne © Maurice Rougemont

Il ne pleut plus sur Nantes. Les nuages ont lavé le ciel. Voilà qu’il fait soleil sur le port. Ce qui fut jadis une suite de hangars vides a été transformé en une symphonie de cafés design, gourmands et gais, de brasseries sobres, de cabarets. On domine le fameux hangar 21 qui fait figure de star branchée, face à la maison/musée de Jules Verne, de l’autre côté du fleuve.

Sur l'Ile de Nantes, un éléphant mobile est l'attraction des enfants © Maurice Rougemont

La ville est là, ancienne et futuriste, éternellement moderne, c’est à dire fidèle à elle-même et  solitaire. On la croit maritime ou terrienne, alors qu’elle est insulaire, tournée au nord vers la Bretagne, dont elle fut la capitale, lovée près des Charentes et de la Vendée. La Loire figure la ligne de partage. Au nord : l’ardoise bretonne et ligérienne, le granit, la couleur grise. Au sud : la verdure vendéenne, le pays de Retz, ses maisons basses, ses toits de tuile, sa terre de vigne. Pays de campagnards enracinés, arrière-pays de marins qui lorgnent vers l’Amérique.

Ile de Nantes: les anneaux de Buren sur le bord de Loire © Maurice Rougemont

Nantes est, elle-même, une suite d’îles. Le voyageur non averti s’en rend compte à peine. La Loire a été recouverte par le bitume, la terre asséchée. Les quais ne brassent plus d’eau visible. Ils longent des avenues et des cours.  Sur la vaste île de Nantes, Beaulieu, la mal nommée est devenue un centre économique et commercial avec ses tours modernes.  L’île Feydeau, témoin majestueux et historique, ses maisons de négriers, ses hauts murs, ses balcons ouvragés, ses mascarons, ses cours nobles.

Dans l'île Feydeau, les mascarons © Maurice Rougemont

Nantes est d’abord la  belle de l’Ouest. On la veut XIXe, autour de la piétonne rue Crébillon et du magique passage Pommeraye. Elle se montre médiévale avec superbe, près de la cathédrale, de la place de l’ancien Pilori, du château des ducs de Bretagne. A quelques mètres, elle a le pied dans le XXIIe siècle. Les derniers lieux où l’on vit, boit ou chante?

Sur l'Ile de Nantes une grue devient une oeuvre d'art © Maurice Rougemont

Le « hangar à bananes », sis dans l’île du port. Un immense projet a revu les 337 ha de ce qu’on nomme « l’île de Nantes », avec ses 7000 logements, ses 300000 m2 d’activités économiques. L’île fut désertée de ses chantiers. Elle est habitée désormais suivant une succession de projets mis en place sous la houlette d’Alexandre Chemetoff. Jean Nouvel a conçu un palais de justice moderne tout en verre. Daniel Buren, l’homme des « colonnes du Palais Royal » à Paris, et son complice Patrick Bouchain ont imaginé des anneaux qui revoit la perspective du port et de la ville.

Au bout de l'île de Nantes © Maurice Rougemont

On s’amuse à jouer « Barbarella » ou « Modesty Blaise »  à l’IDN Café (IDN pour « île de Nantes), on prône les vins naturels, les produits bios ou ceux du Commerce Equitable à « l’Alter Café ». On se « gastronomise » classiquement et en douceur mais dans un cadre tout en béton qui évoque tour à tour Amsterdam et Hambourg, Copenhague et Stockholm, bref un grand port d’ailleurs, face à une grue immense, désormais classée, au « Cargo ». C’est Nantes branché, qu’il faut découvrir.

La tour LU devenu "Lieu Unique" © Maurice Rougemont

Il y a aussi le « lieu unique », imaginé dans les anciennes usines Lu, rebaptisées, mais ayant gardé ses initiales, dont on a rebâti la haute tour symbolique. Bar, restaurant, librairie, lieu d’exposition et de spectacle, en des murs inachevés: c’est la source d’une « movida » nantaise. On y a conservé, enfermés dans des boîtes de métal et consignés par les Nantais eux mêmes, des souvenirs qui ne seront ouverts qu’en janvier 2100.

Magasin de cycles des années 1950 © Maurice Rougemont

C’est « le Grenier du Siècle » et le signe que Nantes dérive sans cesse entre passé et futur. Entre le XIXe, siècle d’or de sa beauté, et le XXIe, où elle vit présentement, elle refuse de choisir. On peut aller se recueillir au Musée Jules Verne, sur l’enfant visionnaire de la ville, face à la statue de Sainte Anne, protectrice des travailleurs de la mer, depuis la terrasse ayant vue sur le port.

Le château des ducs de Bretagne © Maurice Rougemont

Au musée des Beaux Arts – hélas tout récemment fermé pour rénovation sine die, mais sans doute jusqu’à 2014 -, riche de ses trois la Tour (dont le Vielleur et de ses  Cribleuses de blé de Courbet, des trésors méconnus de la fin XIXe (le Coin de Vigne de Debat-Ponsan, la Petite Glaneuse du suédois Hugo Salmson, le Sorcier Noir d’Herbert Ward) jouxtent les Monet, les Dufy, les Laboureur, mais aussi les Hélion (« Nature Morte à la Citrouille »), Kandinsky, Martial Raysse, Hartung, Tinguely ou Dubuffet.

Réclame peinte pour les biscuits LU © Maurice Rougemont

Jamais trop moderne, Nantes fit longuement rêver les surréalistes. Mandiargues consacra une nouvelle étrange, dans le Musée Noir, au passage Pommeraye, Breton y situe Nadja: « Nantes, où certains regards brûlent pour eux-mêmes de trop de feux, … où un esprit d’aventure, au-delà de toutes les aventures, habite encore certains êtres, Nantes, d’où peuvent me venir encore des amis« . Gracq, qui y fut longtemps professeur, a tracé son portrait en creux dans la Forme d’une Ville. « D’où vient, se demande-t-il, que cette ville qui n’est pas immense, ingrate pour le regard, dénaturée dans son assise primitive sur la Loire par des comblements artificiels, restée sans mouvance sûre, au débouché d’un fleuve qui s’obstrue, donne si fortement le sentiment d’une « grande ville« ? »

Le Passage Pommeraye © Maurice Rougemont

Le TGV atlantique l’a rapproché de Paris. Son moderne centre des congrès lui a apporté un complément de visiteurs qui la découvre, avec surprise, belle, grise, lumineuse et poétique. Et voilà qu’elle se montre aussi gourmande. D’abord avec ses produits de tradition : fromage dit « Curé Nantais », berlingots ou « ‘rigolettes », chocolats amers chez Castelanne, ou chez Gautier, dans une admirable échoppe XIXe où on les propose au muscadet, gâteau nantais, qui est une gênoise imbibée au rhum, couverte d’une pellicule de chocolat blanc, chez Debotté.

Opéra de Nantes, place Graslin © Maurice Rougemont

Le marché Talensac vaut celui de Lyon. Ses poissonniers proposent le plus frais des ports du Croisic et de la Turballe. Ses maraîchers envoient ici les beaux légumes des jardins d’Erdre et de Loire. Ses hommes de bouche vedettes (le boulanger Déperiers, le fromager Beillevaire, le pâtissier Guerlais, les poissonniers Moreau ou Corbineau) sont quelques des meilleurs de France dans leur catégorie.

Jean-Charles Baron et le poireau nantais © Maurice Rougemont

Sa gastronomie est le reflet de son environnement : légère comme un jardin, subtile comme un beurre blanc, nourrie d’épices, parfois, ramenés, comme jadis, des pays lointains. Ses tables sont simples, joviales, civilisées, délicieuses, comme la Brasserie Félix, l’Abélia, Jean-Charles Baron de la maison Baron-Lefèvre, David Garrec à l’Océanide ou Jean-Yves Guého de l’Atlantide. Ses chefs ne jouent pas les vedettes, fuient toute starisation et se contentent de nourrir délicieusement le chaland sans éprouver le besoin de le ruiner.

La Cigale © Maurice Rougemont

Sa table fétiche est une brasserie, toute proche de l’aristocratique cours Cambronne, qui fait songer à St James Square à Londres. Nantes, sur la théâtrale place Graslin, s’y livre telle qu’en elle-même, entre stucs Modern Style et miroirs. C’est la Cigale où Jacques Demy y immortalisa Anouk Aimée réincarnée en « Lola ».  Et l’on songe encore à André Breton qui confiait dans « Nadja »: « Nantes, la seule ville de France avec Paris où j’ai l’impression que peut m’arriver quelque chose qui en vaut la peine« .

Carnet de Route

Y aller

Paris-Nantes en TGV direct depuis la gare Montparnasse en 2H ou 2h20 (arrêts au Mans, Laval, Angers).

Se Renseigner

Nantes Tourisme, 3 cours Olivier de Clisson (île Feydeau, ange rue Kervégan). 10h (jeudi matin: 10h30)-18h.  Fermé dim. Tél. 0892 464 044 (0,34 € mn de France). Tél. + 33 272 640 479 (de l’étranger).

www.nantes-tourisme.com ou www.levoyageanantes.fr

Y Dormir

Hôtel la Pérouse © Maurice Rougemont

La Pérouse, 3, allée Duquesne. Tél. 02 40 89 75 00 47 ch. 69-149 €. Charme minimaliste dans une demeure moderne conçue par des architectes locaux.

Hôtel de France, 24, rue Crébillon. Tél. 02 40 73 57 91. 74 ch. 89-115 €. Grand hôtel d’avant-hier avec son porche classé, son hall sous verrière et le souvenir de Jacques Vaché.

L’Hôtel, 6, rue Heni IV. Tél. 02 40 29 30 31.  31 ch. 72-90 € . Petit hôtel de charme pratique et accueillant, non loin  de la gare et face au château. Belle vue depuis les derniers étages.

Hôtel Pommeraye, 2, rue Boileau. Tél. 02 40 48 78 79.  50 ch. 47-87 € Moderne, central, un brin minimaliste avec son hall bibliothèque, à deux pas du mythique passage Pommeraye.

Hôtel Graslin le salon © Maurice Rougemont

Hôtel Graslin, 1, rue Piron. Tél. 02. 40.69.72.91.  www.hotel-gralin.www.   Ch.89-135 €. Rénové, pratique, avec son salon rouge, ses chambres revues nettes et design, en centre-ville.

A lire

« La Forme d’une ville » de Julien Gracq (José Corti), « Nadja » d’André Breton (Folio), « le Musée Noir » d’André Pieyre de Mandiargues (Gallimard) « Bretagne » (Guides Verts et Guides Bleus).

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Publié le 20 octobre 2011 par

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