La Crème de la Crème – Antoine Daccache : le Liban est une fête gourmande !
Le petit roi discret de la gastronomie libanaise à Paris ? C’est bien lui: Antoine Daccache, apôtre gourmand du pays du cèdre, oeuvrant avec sureté dans son royaume d’Al Mankal, avenue de New-York, face à la Tour Eiffel, figurant l’une des plus authentiques ambassades levantines de la capitale. Dans cette affaire de famille, initiée il y a un quart de siècle, déjà, cet aubergiste affable, autodidacte des fourneaux, reçoit avec coeur, s’activant à réactualiser le meilleur du répertoire libanais en compagnie de sa soeur, Nouhad, de son épouse Raimonda. On ajoute qu’avant d’être le repaire privilégié des gourmets ambassadeurs voisins et de la fine fleur de la diaspora beyrouthine, le lieu fut un restaurant chinois de haut luxe…
De nos jours, la grande salle, décorée avec sobriété et dévoilant ses tables bien nappées, sans omettre l’avenante terrasse-jardin sur la calme rue Debrousse, reçoit initiés, gourmets amateurs des saveurs du pays et célébrités de passage tels Stevie Wonder (dont les clichés figurent au mur) ou encore le québécois Robert Charlebois (inconditionnel des lieux) venus se régaler d’une partition libanaise subtile, vive et raffinée. Salades dans tous leurs états, mezzé chaud et froid, desserts généreux et parfumés: le choix est vaste faisant se côtoyer classiques du répertoire libanais – à l’instar de la délicieuse salade fattouch au sumac, des sambousseks, des makaneks, des kebbé à la viande ou au fromage – et une palette de spécialités signatures qui font figure d’anthologie du genre. Ainsi tabouleh, labneh citronné ou ce fabuleux houmous, au sommet de ce met galvaudé, tandis que les exquis falafels avec leur texture craquante et aérée possèdent un franc goût de revenez-y. La recette de ce sérieux sans faille ? Savoir-faire, générosité, préparations minute et, bien sûr, un sens aigu du bon produit doublé d’une fraicheur de tous les instants.
Pour Antoine, acheteur rigoureux aux besoins variés, Rungis est un eldorado essentiel aux allures de rituel hebdomadaire. « Il y a 24 ans, un an pile après la création du restaurant, j’ai découvert le MIN en demandant des bons tuyaux à des amis libanais », note-t-il ajoutant « j’ai immédiatement été impressionné et séduit par la grandeur, le choix, la variété, les différentes qualités et les prix ». Pour ce fin connaisseur des allées du « Ventre de Paris », le jeudi constitue le jour des courses. Une nuit avec lui dans la joyeuse effervescence du MIN débute invariablement vers 3h au Pavillon de la Marée où il fait confiance à la Maison Blanc. Chez son mareyeur de coeur, Antoine met le grappin sur les colinots ou les fins rougets de Méditerranée, privilégiant les petits calibres pour la friture, qu’une fois revenu avenue de New-York, on trempe allègrement dans le délicieux aïoli maison. On retrouve également dans le casier du chef d’Al Mankal les beaux bars de Bretagne ou des côtes atlantiques, qu’il se plait à cuisiner dans leur plus simple vérité : grillés au charbon, relevés d’un peu de citron, de sel, de poivre et escorté d’aïoli et de crème de sésame. Un pur régal !
Après les emplettes iodées, place à la viande. Le boucher complice qui l’accueille avec le sourire et une chaleureuse poignée de main ? Christophe Deplanche à la tête de l’entreprise presqu’éponyme (Deplanche – Lauberye) chez qui Antoine va soigneusement glaner le meilleur de l’agneau français. Côtelettes ou agneau entier, le chef d’Al Mankal scrute, caresse, soupèse, veillant à choisir les pièces les plus à propos en nous glissant : « Souvent l’agneau est trop gras, ou pas assez, il faut trouver un juste milieu en conservant un peu gras ». Son astuce consiste à laisser s’attendrir la viande et les filets trois à quatre jours avec une marinade au frigo. Aux côtés des pièces entières, rôties au four, désossées et servies en brochettes, il en tirera une autre de ses spécialités : le kebbé nayeh, où l’agneau est servi cru, haché très fin, avec herbes, glaçons, aïoli et accompagné de blé concassé.
Des achats carnassiers qui se complètent, pour la volaille, chez Avigros, où le chef d’Al Mankal porte une attention toute particulière au poulet. Dans sa besace, des pièces d’1,2kg – ni plus ni moins – afin d’obtenir une cuisson optimale, « bien cuit à l’intérieur et pas sec à l’extérieur ». Une chair encore une fois attendrie et parfumée, 2 à 3 jours, grâce une marinade composée d’ail, d’oignons, d’oranges et de citron, sans omettre de la harissa, et qu’il utilisera, entre autres, pour la confection de ses délicieuses brochettes au poulet (le chich-taouk). Avec Antoine, le Liban est bien une fête gourmande !
Sur le volet végétal, Antoine prend sans hésitation le chemin de chez Desmettre, mené par son patron Jérôme Desmettre, acteur de référence du Pavillon des Légumes. Au milieu du ballet des cageots, il veille à garnir avec soin son panier d’oignons, de tomates et bien sûr d’ail, ingrédient essentiel à nombre de ses mets (à l’image de son exquise moussaka, de l’aïoli ou plébiscité pour les nombreuses marinades sus-citées). Antoine y ajoute des épinards que l’on retrouvera notamment dans les fatayers (ces délicieux chaussons aux épinards) pour lesquels il fait revenir ces derniers, lavés, équeutés et finement émincés, avec oignons huile d’olive, un peu de poivre et de citron. Autre produit fétiche du cuisinier d’Al Mankal ? Ces jolis navets avec lesquels il réalise une entrée apéritive prisée des connaisseurs, en les faisant mariner avec vinaigre, sel, piment et un peu d’ail cru, nous glissant « Tout le monde en réclame un deuxième ».
Le festival de mezzés d’Al Mankal ne serait pas complet sans un assortiment d’herbes et d’épices « aux petits oignons ». Sur ce terrain, il s’adresse à l’expert Sipatex chez qui il pioche marjolaine, menthe, coriandre, persil roquette, salade ou encore ce frais origan avec lequel il confectionne cet exceptionnel « Zaatar », une salade de sarriette et origan constituant l’une de ses spécialités originales. Quant à tous les produits plus spécifiques, qu’ils soient libanais ou étrangers, Antoine fait confiance au spécialiste Chirag qui le ravitaille notamment en tahini et pois chiches, ingrédients de fondation de son subtil houmous. S’y ajoutent un exquis miel de Grèce, un épatant halloumi qu’il sert grillé et la fine fleur de l’huile d’olive crétoise ou libanaise en fonction des arrivages, sans omettre, bien sûr la pistache qui peut provenir de Grèce ou d’Iran, utilisée pour l’agneau farci, les baklavas mais aussi pour tous les desserts dont l’irrésistible glace achta.
Enfin, au registre des fruits, bananes, fraises, mangues (avec « l’Avion », plus ferme et à la couleur orangée, comme variété de prédilection) sont glanés chez l’expert Alix, chez qui Antoine pioche également au passage fruits secs et amandes. Des fruits au meilleur de leur forme avec lesquels il compose une salade légère et colorée permettant d’achever tout en fraicheur ce savoureux voyage au pays du cèdre pour lequel son fils Roland, notamment formé auprès de Yazid Ichemrahen, qui a pris en charge la partie sucrée s’affaire avec talent et enthousiasme. Vivent Al Mankal, le Liban gourmand et les délices de la famille Daccache !
Al Mankal
8 avenue de New York
Paris 16e
Tél. 01 40 70 01 45
Menus : 20 (déj., sem.), 30 €. Mezzès: 20, 54, 65 (pour deux) €
Carte : 45-75 €
Fermeture hebdo. : Dimanche soir
Métro(s) proche(s) : Alma – Marceau
Site: www.almankal.fr
Ce restaurant me rappelle mon pays de naissance. J’irai faire un tour quand ça sera possible.