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Les chuchotis du lundi : Alain Ducasse à Rome, les Mahé « fidèles » à Saint-Malo, Benoît Vidal jette l’éponge à Val d’Isère, Alan Geaam crée Lémantine à Montreux, Anthony Jéhanno met la clé sous la porte à Auray, le nouveau Olivier Steiff est arrivé, Pierre Gagnaire et la passion du cinéma

Article du 29 mai 2023

Alain Ducasse à Rome

Alain Ducasse et Stéphane Petit © Romeo Collection

Il n’était pas revenu en Italie professionnellement depuis ses années en Maremme toscane à l’Andana. Alain Ducasse, dont on connaît l’amour des saveurs italiennes, ouvre une table (Il Ristorante Alain Ducasse) dans l’hôtel de la Romeo Collection qui devrait faire l’événement en octobre prochain dans le Palazzo Capponi, sis Via Di Ripetta, au coeur de Rome. C’est le 2e hôtel du groupe après le Romeo Naples. Le design sur le mode contemporain sera signé Zaha Hadid. La cuisine, elle, sera placée sous la houlette du disciple du grand Alain, Stéphane Petit, qui a notamment travaillé à Paris, Monaco (au Louis XV), Dubai, SaintTropez, Londres et Kyoto. Les produits viendront du Latium, autrement dit de la grande région de Rome, jouant le locavore, explorant le goût local frotté aux techniques françaises. Pour lancer cette nouvelle table, le restaurant du Romeo Naples, Il Commandante,  tenu par le chef italien Salvatore Bianco, proposera un menu scellant le dialogue avec Stéphane Petit. Des exemples de ce qui sera proposé ? Langoustines en gelée de citron et émulsion de coquillages, pâtes aux herbes et foie gras de Lombardie aux morilles, rouget et mayonnaise iodée, fraises de Basilicate, citron noir et lait de bufflone. Une alliance prometteuse.

Les Mahé à Saint-Malo et la bonne surprise de Fidelis

Ronan Mahé © GP

« Fidelis« , le nom de l’enseigne, est comme un hommage à la devise de Saint-Malo : “semper fidelis”, autrement dit “toujours fidèle”. Nous sommes chez Ronan et Solene Mahé, un couple de Rennais voyageurs, désormais installés dans la rue Jacques Cartier, après être passés au Jules Verne à Paris, du temps d’Alain Reix, au Crillon avec Jean-François Piège, chez Guy Savoy, puis chez Daniel Boulud au Daniel à New-York, ainsi qu’au Bonito à Saint-Barth, où on l’a rencontré. Ronan en a ramené des idées de mets épicés, vifs et ludiques. Tandis que Solène accueille avec le sourire dans cette salle d’angle mouvante et brillante, au cœur de Saint-Malo. Les épices latinos se marient aux produits bretons sur une carte pleine de surprise et le remarquable menu à 34 € constitue un excellent rapport qualité-prix. Bref, on découvre là, avec plaisir, le tartare de thon au guacamole, le velouté d’asperges épicé, comme les subtils tacos à l’araignée, guacamole, tartare de saumon, pico de gallo et crème. A découvrir dans la cité malouine !

Benoît Vidal jette l’éponge à Val d’Isère

Benoît Vidal © GP

Il pensait racheter à son propriétaire, la confiance était établie depuis ses débuts, la maison où il avait gagné ses deux étoiles. Mais ce dernier, qui lui avait pourtant signé une promesse de vente, a vendu à un promoteur, pour une somme, il est vrai colossale, annoncée vendredi matin sur France Inter de 9,5 millions d’euros. Benoît Vidal va donc fermer son atelier d’Edmond et son bistrot en fin d’année. Il s’en est expliqué très explicitement, la semaine passée, sur son compte instagram, en livrant un message désabusé et le chapeautant du titre musical « Money », très explicatif, signé des Pink Floyd : »Fin de cycle …  Je suis arrivé à la fin de cette belle aventure. Tout en y gardant mon âme.  Être un être passionnel et entier n’est pas toujours facile… Avoir été capable de faire briller 2 belles étoiles au-dessus de cet endroit.  Là ou c’était impossible reste pour moi une belle preuve de courage.  J’ai un profond dégoût pour les personnes qui se sont servies de moi et qui m’ont manipulé et utilisé. Après avoir bravé autant de difficultés et d’en sortir la tête haute me donnent beaucoup de force et de courage dans mes valeurs et mes convictions.  Je regarde le futur avec la fierté de ne m’être jamais trahi. Je tourne seulement une page… » Rappelons que, natif de Perpignan, formé chez Michel Guérard et Michel Trama, devenu le second de Régis Marcon à Saint Bonnet le Froid, puis passé chef au Mas des Herbes à Joucas en Luberon, Benoît Vidal avait fait de ce lieu discret, face au téléphérique du Fornet, dédié à un amoureux du paysage d’ici et du parc de la Vanoise, Jacques Leprivey, à son grand-père Edmond, jadis menuisier. son atelier de haute cuisine, savoyard et locavore. On regrettera, bien sûr, Benoît, sa manière de transmuer les produits locaux en pépites, tel un alchimiste des saveurs. Mais on le suivra dans ses prochaines aventures.

Alan Geaam crée Lémantine à Montreux

Alan Geaam © GP

Le suivre donne le tournis ! Alan Geaam est partout. A Paris, bien sûr, chez lui, rue Lauriston, dans sa table étoilée qui fait le pont entre Paris et Beyrouth, dans son bistrot Qasti au coeur du Marais, où il s’est créé un petit empire de bouche, avec un temple du shawarma (Qasti Shawarma & Grill), une épicerie libanaise (le Doukane), une boulangerie, un antre dédié à la galette (Saj), sans oublier sa table ancienne devenue étoilée avec le coup de pouce de Grégory Garimbey (Nicolas Flamel). Il achève son contrat à Marseille au New Hotel, était, cet hiver, à Courchevel, avec le groupe K2, pour lequel il a créé un restaurant libanais très gastronomique, Ainata, au K2 Altitude. Il est également devenu ambassadeur de la cuisine libanaise en version relaxe à Lausanne, sous l’enseigne de « Ô Beirut », en version « raffinée moderne », rue Bellefontaine. Sa nouvelle table helvète se nomme « Lemantine« , un pont et un clin d’oeil entre Levant et Léman. Ce sera, dès le 15 juin, dans le cadre luxueux du palace de Montreux. Au programme, freekeh d’épaule d’agneau, pavé de loup samke harra ou encore volaille façon taouk. Bref, du libanais raffiné avec quelques uns des mets mis en vedette dans sa table étoilée de la rue Lauriston comme le fameux « black falafel » marié à l’anguille fumée. On n’arrête pas Alan Geaam !

Anthony Jehanno met la clé sous la porte à Auray

Anthony Jéhanno GP

Il avait beaucoup voyagé, avait travaillé dans le groupe Ducasse, notamment à l’Abbaye de la Celle, à la Bastide Moustiers et au Spoon de Londres, mais aussi à la Green House de Mayfair avec Antonin Bonnet. Morbihannais bourlingueur, Anthony Jéhanno enraciné à Auray, entre Terre et Mer, dans l’ancienne Closerie de Kerdrain de Fernand Corfmat, a mis la clef sous la porte. Le lieu avait été rénové avec un chic sobre, très contemporain, de jolis luminaires et des salles pratiques pour les dîners de business, d’amis et de famille. Mais cela n’a pas suffi. La maison, qui avait perdu son étoile en mars dernier, a été placée en liquidation judiciaire. « On a essayé toutes les solutions mais, à un moment, on ne peut se battre contre une conjoncture, contre des choses qu’on ne maîtrise pas », note Anthony Jéhanno qui a mis ainsi au chômage ses onze salariés.

Le nouveau Olivier Steiff est arrivé

Olivier Streiff © Laurent Fau

Ceux, fort nombreux, qui l’ont vu à Top Chef, et dans ses diverses maisons, le Vista Palace de Roquebrune Capmartin, sa propre maison de Beaulieu sur Mer, à la Bastide de Saint-Tropez et enfin à Beaune, ne le reconnaîtront guère. Ce natif de Saint-Avold (Moselle), créatif de génie, souvent en quête de lui-même (on se souvient de cette miraculeuse mosaïque de légumes qu’il n’eut pas le temps de terminer en demi-finale de Top Chef…) est passé d’un look de « gothique » à la Marylin Manson en gentlemen 1900, un rien british. L’âge est passé par là et une certaine sagesse, indiquant qu’Olivier Streiff, magicien des saveurs, évolue au fil du temps. Son actualité : il revient en juillet à Paris, signant la carte d’un restaurant d’hôtel tout neuf du 10e arrondissement (« Bloom House ») : ce sera « Bloom Garden », qui proposera « une cuisine bistronomique aux accents ensoleillés« .

Pierre Gagnaire et la passion du cinéma

Pierre Gagnaire au cinéma © DR

Inspiré librement du classique de Marcel Rouff, réédité tout récemment chez « Menu Fretin », « La Vie et la Passion de Dodin-Bouffant, gourmet« , le film de Tran Anh Hung, « la Passion de Dodin-Bouffant », lauréé du prix de la mise en scène au festival de Cannes, conte l’histoire d’un gastronome passionné qui va cuisiner pour sa servante tant aimée afin d’être sûr de pouvoir la garder. Trônent au générique Juliette Binoche et Benoît Magimel. Et aussi, parmi les figurants un certain Pierre Gagnaire, passionné de cuisine autant que de cinéma – et l’inverse – qui a a supervisé – et revisité à l’aune ancienne – toutes les recettes du film. L’amour s’y lie à la cuisine, sous la houlette du réalisateur sensible qui se fit connaître il y a trente ans avec « l’Odeur de la papaye verte ». C’est bien l’occasion de méditer l’une des sentences clés de grand Pierre : « La cuisine ne se mesure pas en termes de tradition et de modernité. On doit y lire la tendresse du cuisinier »

A propos de cet article

Publié le 29 mai 2023 par

Les chuchotis du lundi : Alain Ducasse à Rome, les Mahé « fidèles » à Saint-Malo, Benoît Vidal jette l’éponge à Val d’Isère, Alan Geaam crée Lémantine à Montreux, Anthony Jéhanno met la clé sous la porte à Auray, le nouveau Olivier Steiff est arrivé, Pierre Gagnaire et la passion du cinéma” : 2 avis

  • Yannick Delormeau

    Mais Jean, où es-tu ?

  • Nahmias

    Gilles Pudlowski, toujours à la pointe de l’info. Une fresque hebdomadaire bien utile pour saisir le monde de la restauration.

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