Les Cocottes
« Le Bistrot du mois – Paris 7e : des Cocottes qui durent »
Qu’est ce qui bon, franc, sympa, pas trop cher, ouvert tous les jours, situĂ© non loin de la Tour Eiffel et crĂ©Ă© jadis par Christian Constant ? Les Cocottes, Ă©videmment. RachetĂ©, comme le voisin Violon d’Ingres, par le discret Bertrand Bluy, ce bistrot qui ne chĂŽme guĂšre continue sur sa lancĂ©e, et accueille, depuis une quinzaine d’annĂ©es dĂ©jĂ , les gourmets et gourmands de bonnes choses qui viennent ici se sustenter sans briser leur tirelire.
Aux commandes des fourneaux, le jeune Louis Lasfargeas, natif de Montauban, formĂ© par le gars Christian dans son bistrot de bord d’Ă©cluse, Ă Montech (Tarn et Garonne), qui sait garder au lieu et aux mets leur bel accent d’origine teintĂ© Sud-Ouest. On se doute que le gars Bertrand, qui arbore une solide carrure de rugbyman, possĂšde toujours les Papilles dans le 5e et travailla notamment comme pĂątissier au Taillevent, au Bristol et chez Troigros, veille la maison avec coeur et tendresse, jouant l’esprit d’Ă©quipe cher au grand Midi, celui du ballon ovale.
Ce qui est servi lĂ , en cocotte Staub bien sĂ»r, car, Ă l’origine, la maison fut une sorte de « joint venture » instillĂ© entre le fondateur de la maison Staub – Francis Staub de Colmar – et l’excellent Christian Constant, nĂ© Ă Montauban et ex chef du Crillon, mais aussi propagateur d’une certaine bistronomie avec ses amis Yves Camdeborde (qui crĂ©era la RĂ©galade), StĂ©phane Jego (l’Ami Jean rue Malar), Thierry Faucher (l’Os Ă Moelle), Thierry Breton (chez Michel, la Pointe du Groin), sans oublier Eric Frechon et Jean-François PiĂšge, prĂ©sents l’un au Lazare, l’autre Ă l’Epi d’Or et la Poule au Pot, est d’une probitĂ© sans faille.
Le bel esprit gastronomique avĂ© l’assent, instillĂ© jadis par cette fine Ă©quipe et son maĂźtre d’Ă©quipage, on les retrouve ici mĂȘme dans ce lieu intemporel oĂč l’on grignote Ă toute heure, au comptoir sur chaises hautes, mais aussi sur tables conviviales, disposĂ©es dans la salle toute en longueur. Et les plats qui s’offrent font autant de mets riches, gĂ©nĂ©reux, rĂ©confortants. Il sont Ă©ternels, « tradi » et sans faiblesse.
Ainsi les oeufs mimosa, les splendides escargots de Bourgogne au beurre d’herbes, la « vĂ©ritable » salade CĂ©sar, celle du Ritz, telle que l’apprit jadis Christan Constant, avec son condiment aux anchois, sa romaine, son parmesan rĂąpĂ©, la bisque de homard avec sa crĂšme lĂ©gĂšre safranĂ©e, ses croĂ»tons et parmesan, ses fameuses et mĂȘme lĂ©gendaires pommes terre farcies aux pieds de cochon- archĂ©type ici du plat « canaille chic » – , la daube de bĆuf, avec ses pommes grenailles, carottes, champignons et oignons grelots ou encore la belle longe de thon mi-cuit et sa vĂ©ritable basquaise font mouche sans coup fĂ©rir.
En citer, c’est forcĂ©ment en oublier. D’autant que les mets se renouvellent. Reste que la maniĂšre, elle, demeure. Ainsi la « fabuleuse tarte au chocolat » de Mamy Constant, toujours imitĂ©e, jamais Ă©galĂ©e, chef d’oeuvre du « sucrĂ© mais pas trop« , prisĂ©e des amoureux du chocolat comme des desserts d’enfance. Plus la crĂšme brĂ»lĂ©e vanillĂ©e pile comme on l’aime, onctueuse et parfaite, ou la riche brioche façon pain perdu, avec granola et glace vanille.
On y ajoute des vins de soif qui se boivent Ă la rĂ©galade, dans tous les vignobles, avec des trouvailles cĂŽtĂ© Sud Ouest, conseillĂ©s avec ardeur par le directeur de salle, le dynamique et souriant Damien Ferreira, qui a l’oeil Ă tout. Ainsi cette cuvĂ©e dite des « 2 vaches rouges », qui, au pays du Madiran et issu du domaine Laplace Ă Aydie, fait figure d’archĂ©type du vin de soif, tarifĂ© ici avec sagesse.
On ajoute que la maison ne se contente pas de vivre sur son succĂšs, mais renouvelle sa palette et ses plaisirs avec ardeur. La clientĂšle Ă©trangĂšre d’Est et d’Ouest, qui adore ce bistrot pas comme les autres, se bouscule volontiers au comptoir oĂč l’on parle toutes les langues. Et les touristes d’Asie ou d’AmĂ©rique, envoyĂ©s souvent ici par les palaces des abords des Champs-ElysĂ©es ou par des guides oĂč cette demeure rare est rĂ©fĂ©rencĂ©e avec louange, se mĂȘlent lĂ avec aise aux habituĂ©s du quartier, composant une atmosphĂšre joyeuse de « melting popote » assez unique en son genre. Longue vie aux Cocottes !