Les chuchotis du lundi : les débuts de Christophe Bacquié en Luberon, Deny Imbroisi en Corse, les délices d’Adrien Brunet dans le Ventoux, les facéties créatives de Vartivar Jarkezian, l’empire de Mathieu Desmarets, les années Yvan, Léopold Imbert et Hippolyte Talaya lancent Griffes, adieu à Georges Schmitt

Article du 15 mai 2023

Les débuts de Christophe Bacquié en Luberon

Christophe et Alexandra Bacquié © GP

Ils l’ont dit et l’ont fait. Dès le 27 avril, Alexandra et Christophe Bacquié, qui ont quitté leur « cage dorée » du Castellet dans le Var après quatorze ans de présence, fort de ses trois étoiles et de ses 160 employés, recevaient leurs premiers hôtes dans la paix d’une demeure cosy en pleine nature au coeur du Luberon. Leur Mas les Eydins, avec ses cinq chambres et deux suites sur la commune de Bonnieux, avec son vaste jardin planté d’oliviers, de cerisiers, de lavande et de romarin, est, bien sûr, appelé à devenir l’une des grandes tables de la région. Il y a le charme des chambres douces et le bonheur du parc avec piscine. Chaque soir, du mercredi au dimanche, Christophe, MOF 2004, deux étoiles à la Villa à Calvi, puis trois au Castellet, démontre son savoir-faire à travers un menu unique à 200 €. Tuile de petit épeautre, taureau, anchoïade, tartelette ail noir, anguille fumée, tartare de gambon écarlate, caviar osciètre et salicorne, aïoli moderne, légumes de nos maraîchers, poulpe de Méditerranée, raviole de langoustine, petits pois verveine, dos de turbot, morilles farcies au jus d’oignon, pigeonneau excellence Mieral, jus au vinaigre de myrte, pommes soufflées, faisselle de chèvre de Goult au fenouil sauvage, fraises du Roussillon tout en fraîcheur, madeleine au miel de lavande, moelleux à la noisette de Corse, mitonnés avec soin minutie et patience par une petite équipe aux aguets, sont servis en table d’hôte ou individuelle pour un maximum de 22 couverts.

Une table © GP

Deny Imbroisi en Corse

Denny Imbroisi © GP

On l’annonçait chez Cosi, le restaurant corse de la rue Cujas, qu’il avait le projet de racheter après le départ d’Olivier Andreani de Cateri. Mais le loyer avait doublé… Voilà donc Denny Imbroisi, ex candidat star franco-italien de Top Chef, qu’on a vu chez Ida, Marlo, Epoca, qui a travaillé notamment chez Alain Ducasse (au Jules Verne) et chez Nadia Santini (au Dal Pescatore de Canneto-sul-Oglio), en Corse, reprenant Mare et Gustu à Bastia, avec son ami Julien Duboué, landais amoureux du pays basque. Au programme : une cuisine franco-italienne, avec des idées de la mer et des inclinations sud ouest et évidemment basques, mixant vitello tonnato, ttoro (la soupe des pêcheurs basques revue façon corse), linguine aux couteaux, risotto d’espadon, rigatoni cacio e pepe et aziminu (bouillabaisse locale) au safran corse.

Les délices d’Adrien Brunet dans le Ventoux

Adrien Brunet © GP

Ce Berrichon, qui a appris le goût du terroir et du respect de la nature à la table familiale de ses parents et grands parents qui tenaient une exploitation agricole proche de Bourges, est devenu le plus provençal des cuisiniers du Ventoux. Adrien Brunet  chef de Crillon le Brave depuis trois printemps, ancien du Club à Cavalière et de l’Amphitryon à Colomiers, demeuré cinq ans dans l’ombre du MOF Jean-Luc Rocha, au château de Cordeillan-Bages, enfin au Saint-James à Paris, où il remplacera ce dernier comme chef, délivre désormais une cuisine provençale éco-responsable, proche du terroir à la Madeleine, la belle table gastronomique de Crillon-le-Brave. Le lieu a du chic, la terrasse avec vue sur le « Kilimandjaro provençal » est une promesse de bonheur. Le service est aux aguets, sous la houlette de la directrice et sommelière Faustine Bernard, qui a la haute main sur une carte des vins richissime dans tous les vignobles. Le menu unique à 130 € est d’une séduction sans faille. On citera deux plats : le duo d’asperges vertes de Provence, avec huître grillée de Camargue, panée, avec basilic et marjolaine, et aussi la truite d’Ardèche présentée comme un croque-monsieur, enserrée dans son pain croustillant avec citron caviar d’Aubignan et aneth. On vous parle vite de la suite.

Les facéties créatives de Vartivar Jarkezian

Vartivar Jarkezian © GP

Campelli ? Créée par le charmeur Jorge Monteiro d’origine portugaise, cette table en longueur avec ses tables sans nappes, dont l’une en étain gravée charme sans mal. On y découvre la cuisine expérimentale du jeune Vartivar Jarkezian. Ce libanais aux racines arméniennes, âgé de 28 ans, formé dans de bonnes tables à Djeddah, en Arabie Saoudite, qui travailla trois chez Shabour l’étoilé israélo-parisien de l’équipe de Ma’hné Yehauda, avec Assaf Granit, Dan Yosha et Uri Navon, fait montre d’un bel esprit ouvert. Ses menus qui proposent ses idées en séquences de trois à sept plats se proposent comme des expériences. Ainsi le bel amuse bouche sur le thème de la betterave, revue en espuma au cumin, avec noix de cajou, pickles de fenouil au curcuma et pousses de moutarde, ses calamars pimentés, avec chorizo, chimichuri, mayonnaise pistache, shizo, ses raviolo autour du champignon en plusieurs textures, notamment en bouillon un brin amer donnent envie de faire ici étape.

L’empire de Mathieu Desmarets

Mathieu Desmarets © GP

Le nouveau prince gourmand d’Avignon ? Mathieu Desmarets. Ce jeune ancien de Bocuse et Anton, qu’on connut jadis à l’hôtel de l’Europe, a transporté son Pollen dans une ancienne cour du vieil Avignon (ce fut Cinq Sens créé par un MOF traiteur) et a racheté l’ancienne compagnie des comptoirs des frères Pourcel qui se nomma le 83 Vernet. Il y fait à la fois bar à cocktails, snacking et bistronomie au jardin. Ses deux domaines – gastro, bistrot, avec ses à côtés événementiels – lui assurent une assise neuve dans la ville des papes.

Les années Yvan

Michou avec Yvan © DR

Il était le symbole des années de fête, au temps où Paris n’était qu’un rêve insouciant, l’oiseau de nuit, l’ami des stars, le chef des nuits arrosées au champagne, l’ami de Michou, l’élève de Pierre Romeyer à Bruxelles, de Jacques Manière et d’Olympe à Paris, qui nous épata, aux Champs Elysées, rue Jean Mermoz comme en Tunisie où nous le suivîmes pour des agapes de grande classe. Eternel jeune homme, galopin en veste blanche, Peter Pan de la cuisine classico-moderne qu’il savait détourner à coups de pied de nez à la tradition du Nord, comme ces « moules frites en clin d’oeil » qui étaient l’un de ses plats signature. Natif de Bruxelles, formé à l’école hôtelière de Namur, Yvan Zaplatilek alias Yvan tout court a été célébré avec émotion par ses amis chefs et stars du show biz la semaine passée lors de sa cérémonie d’enterrement à l’église Saint Roch à Paris. A 61 ans, il est parti, on s’en doute, trop tôt. On te regrettera, cher Yvan.

Léopold Imbert et Hippolyte Talaya lancent Griffes

Léonard Imbert et Hippolyte Talaya © GP

Ils ont déjà fait florès avec Sables, une table, sise rue Jean de La Fontaine à Paris 16, dédiée aux poissons. Les voici désormais – ce sera début juin – à l’enseigne de Griffes, quelques pas plus loin, toujours dans le 16e, côté Auteuil et tout près de la maison de la Radio, avec un bistrot dédié à la viande. Léopold Imbert, le petit frère de Jean, star de Top Chef et du Plaza-Athénée, qui a travaillé, en salle, aux « Bols de Jean », puis avec Laurent de Gourcuff pour Paris Society, avec son ami d’enfance et associé Hippolyte Talaya, ex du Crillon côté gestion, ont racheté le P’tit Chêne des frères Dufour, rue Gros, un bistrot de tradition qui se nomma, il n’y a pas si longtemps, Chaumette. Affaire à suivre.

Adieu à Georges Schmitt

Georges Schmitt en 2009 © Maurice Rougemont

Il était le seigneur de Phalsbourg, le roi de l’An II, avait imaginé, pour baptiser sa table fétiche, l’aventure d’un soldat mythique des armées napoléoniennes dans la lignée des contes d’Erckmann-Chatrian, les deux écrivains régionaux, auteurs notamment de l’Ami Fritz. Georges Schmitt, qui était à la fois fin lettré, homme de l’art, décorateur et herboriste, était devenu restaurateur et chef autodidacte par passion. Ses « marqueurs » ? Sa petite tarte flambée servie en amuse-bouche, son foie gras « en habit d’or » (en gelée à la mirabelle, fruit d’or de la Lorraine) et puis tous ces mets de tradition qui faisait, comme sa ville d’élection, la jonction entre la Moselle et l’Alsace. Trait d’union, homme d’amitié, de recherche et de belles traditions, Georges était ce hobereau gourmand qui recevait chez lui comme un prince médiéval. Sa table ce Soldat de l’An 2 phalsbourgeois, longtemps étoilé, qui fut membre des Relais & Châteaux, avec 7 chambres et une suite, bluffait tout le monde par son raffinement, son côté chatoyant, sa faconde. Le minimalisme et la demi-mesure, ce n’était pas son truc. Georges recevait avec joie, cuisinait, épaulé par son chef Michel Didelon, avec amour. Il figurait, bien sûr, dans le livre dédié aux « Grandes Gueules et (à) leurs recettes » que nous avions consacré, avec mon complice photographe Maurice Rougemont, aux forts tempéraments du monde de la restauration. Un peu grognard, beaucoup râleur, il ne mâchait guère ses mots, pestait contre les modes du temps, avait son franc-parler. Voilà qu’il disparaît à l’âge de 80 ans et nous laisse un peu plus seuls. Un monde sans Paul Bocuse, sans Bernard Loiseau, sans Georges Schmitt n’aura évidemment pas la même couleur. Tu nous manqueras, cher Georges.

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Publié le 15 mai 2023 par

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