Les chuchotis du lundi : Mathieu Guibert le bel outsider de la Plaine-sur-Mer, Thibault Nizard et le retour du grand classicisme à l’Aube, Paola Vialetto au Comptoir Canaille, à Saint-Nazaire la révélation Topaze, Cédric Moulot quitte Strasbourg, le retour de Takashi Aoki à Guérande

Article du 1 mai 2023

Mathieu Guibert le bel outsider de la Plaine-sur-Mer

Mathieu Guibert © GP

La rumeur enfle, se répand, prend de l’ampleur. Le prochain 3 étoiles – ou l’un des prochains, avec Alexandre Gauthier, Olivier Nasti, Jean-François Piège… – ce pourrait être lui, Mathieu Guibert, 42 ans, chef-patron, depuis sept ans déjà, d’Anne de Bretagne à la Plaine sur Mer (44). Cette vaste maison blanche face à la mer et au port de Gravette fut célèbre et célébrée du temps des Vétélé, Philippe et Michèle, qui lui donnèrent son aura, ses deux étoiles, sa manière de Relais & Châteaux conquérant, avec sa grande cave et ses menus iodés, hommages aux produits marins du pays. Mathieu, natif de Pornic, enfant de Saint-Michel-Chef-du-Chef, fils d’agriculteurs locaux, lorgnait la demeure tout gamin. Il en est désormais à la fois le propriétaire et le  valeureux cuisinier, créatif et magicien qui recrée à qui mieux mieux une cuisine du temps présent, au fil de l’iode, des arrivages et des marées, rivalisant avec ses voisins proches comme Alexandre Couillon et Grégory Coutanceau sur ce terrain. Ce brillant élève de Yannick Alléno (au Meurice), Christian Le Squer (chez Ledoyen), Philippe Mille (aux Crayères), Franck Putelat (à Carcassonne), est devenu à son tour un maître, dominant son sujet avec netteté, revoyant coquillages, crustacés, poissons de petite pêche, avec une virtuosité de grand bretteur. Un seul plat à citer ? Difficile… Mais les coquillages du pays de Retz en différentes textures, présentés dans une délicate et très tonique gelée faite d’un consommé d’échalotes, vif et sapide, ou bien  le risotto (un riz Vialone Nano) cuisiné à l’anguille fumée, additionné de langoustines bretonnes en épais carpaccio, avec une émulsion au parmesan – magnifiquement gourmand, avec ce contraste du cru, du moelleux, du crémeux, du craquant, simplement divin, donnent une belle idée de ce qui se trame là…

Thibault Nizard et le retour du grand classicisme à l’Aube

Elinor et Thibault Nizard © GP

On l’avait connu chez Drouant, où il avait pris la succession d’Emile Cotte. Thibault Nizard, 30 ans, jeune ancien du Chiberta avec Guy Savoy et du Taillevent époque Alain Solivérès, qui a également travaillé avec Gérald Passédat à Marseille avant de revenir à Paris au 110 de Taillevent, d’être sous-chef du Taillevent avant d’arriver à La Monnaie de Paris, avait régalé les Goncourt en novembre 2021. On peut désormais le découvrir à son compte dans une maison jadis fameuse à laquelle il redonne une identité classique, puisqu’il s’agit de l’ex-Pierre au Palais Royal, qui se nomma un temps Zébulon. Thibault y propose, sous le nom de l’Aube, dans un cadre chic, classieux et contemporain, une cuisine de son coeur dans « l’esprit Taillevent », histoire de retrouver l’étoile que la maison eut sur le mode tradi sous la férule des Nouyrigat. Foie gras et gelée de cidre, artichauts farcis de champignons, quenelle de volaille et cabillaud au sarrasin sont des leçons de choses. Son épouse Élinor, qui a travaillé dans les groupes Costes et Moma, assure un accueil de charme et le sommelier règne sur une cave déjà impressionnante. Voilà, à l’évidence, une future grande maison.

Paola Vialetto au Comptoir Canaille

Paola Vialetto et Yann le Pévédic © GP

Sur la photo, elle est discrètement à l’arrière. Mais en cuisine, c’est bien elle la cheffe. Paola Vialetto, native de Milan, qui a travaillé dans sa ville natale à l’étoilé Unico, mais aussi au San Regis à Venise, et en Sardaigne, et aussi au Fino Beach en Sardaigne, donne le ton du tout récent Comptoir Canaille, créé par Yann le Pévédic et Sébastien Guillo, deux natifs d’Auray, passés au Crillon, à l’époque de Dominique Bouchet, qui ont essaimé, à l’enseigne des Canailles d’abord rue La Bruyère dans le 9e, puis  à Ménilmontant. As du rapport qualité et primés comme tels au Pudlo 2013, ils ont repris l’ancien Uncino, table toscane jadis dédiée à l’île d’Elbe par Gabriele Muti au 31 rue la Bruyère. Dans cet antre pour copains gourmands façon bistrot de quartier anodin, vite bruyant et vite bondé, la vive Paola livre une partition franchouillarde (comme cette exceptionnelle terrine de lapin et ses pickles), additionnée de notes très italiennes, comme les bouleversants gnudi à la crème de brocoli, basilic et chèvre frais ou encore les asperges blanches, avec espuma de fior di latte et œuf parfait. A noter vite sur votre carnet de belles adresses parisiennes, bonnes et pas chères.

A Saint-Nazaire la révélation Topaze

Camille Châtaignier et Baptiste Bouilly © GP

Topaze ? Un « joyau culinaire » à l’exceptionnel rapport qualité/prix qui est la belle table de Camille Châtaignier et Baptiste Bouilly, deux anciens de William Ledeuil au Ze Kitchen Gallery, passés aussi à Vannes à la Tête en l’Air, qui font feu de tout bois dans un joli cadre contemporain avec un imbattable menu à 34 €. La première est en salle, conseillant les vins avec compétence. Le second, seul en scène, cuisine au gré de l’air du temps et des arrivages, faisant tout lui-même, y compris les glaces. Leur amuse-bouche du moment est une sorte d’hommage exquis à la manière Ledeuil, très fusion et un brin thaï : un bouillon « tomka », façon tom ka gaï », avec shitakés grillés, embeurrée de chou pointu, condiment gochujang, feuille de coriandre, citronnelle. Délicieux et frais ! Autant dire, une révélation à prix d’ange !

Cédric Moulot quitte Strasbourg

Cédric Moulot © MR

Il quitte Strasbourg après avoir créé un petit empire de bouche, le Crocodile, le Tirebouchon, le 1741, le Saint-Sépulcre, la Vignette, les Armes de Strasbourg… On en oublie au passage. Depuis vingt ans, Cédric Moulot a développé son groupement de tables gourmandes sur le thème de « la qualité pas la quantité« . Il avait cédé, entre temps, sa chaîne de burgers artisanaux, 231 East St., ouvert puis fermé sa table marine, créée avec une pléiade de MOF, dont les fromagers strasbourgeois Cyrille et Christèle Lohro et Gilles Goujon de Fontjoncouse, gagné un bib rouge cette année chez Yvonne et une étoile au Relais de la Poste à la Wantzenau. Associé des Burrus, de la Marquise de Sévigné, et de Salpa Restauration, Cédric Moulot les quitte en bons termes et va revenir à sa vocation première : celle d’aubergiste. Ce sera du côté d’Obernai, même si l’adresse est encore secrète. Il s’apprête à lancer en parallèle une gamme d’huiles essentielles avec son frère installé en l’île de la Réunion.

Le retour de Takashi Aoki à Guérande

Takashi, avec les Albaret et le sommelier Erwan © GP

Takashi Aoki ? On l’a connu chez Zebulon au Palais Royal avant qu’il ne parte pour La Rochelle rejoindre David Etcheverry. Le voilà désormais au cœur des marais de Guérande et à deux pas de la Maison des Paludiers à l’enseigne de « Brut », où il travaille les plats de saison et du moment en version esthétique et minimaliste. La demeure appartient à Florence et Éric Albaret qui gèrent l’albatros à la Baule et ont revu moderne et contemporaine une ancienne demeure du pays guérandais. Le sommelier Erwan Gouiffes, breton de Quimperlé, qui a travaillé en Bourgogne et à Londres, propose ici les vins de Loire et d’ailleurs avec sagacité. Au menu, des plats comme les langoustines mariées au fenouil et yuzu ou les palourdes aux asperges au tempura de seiche et miso démontrent le savoir-faire du technicien nippon expert. On en reparle…

 

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