Le beurre de Manako de Asako Yuzuki
Rika, jeune journaliste pour un magazine de Tokyo, cherche sa voie. Elle fouille la documentation, accumule les enquêtes, mais ne rédige pas. Ce travail est laissé à des hommes réputés plus compétents. La voilà qui va pouvoir changer la donne en se passionnant pour le cas de Manako Kajii, accusé du meurtre de ses amants de rencontre qu’elle a attiré à elle grâce à sa cuisine exquise. Manako accepte de rencontrer Rika en prison à condition que cette dernière essaye ses recettes, s’ouvre à elle, lui raconte sa vie. La meurtrière présumée va se révéler une manipulatrice hors pair. Et la vie de Rika, comme sa silhouette, dans un pays qui affectionne les femmes maigres, va changer, mais aussi celle de Reiko, son amie d’enfance, attirée également par la charmeuse et vénéneuse Manako. Rika qui poursuit l’enquête dans la famille de Manako et son univers secret va se révéler à elle-même, cuisinant au beurre – ce qui, au Japon, ne va guère de soi. Longue, passionnante, tortueuse, gourmande et sensuelle, la quête/enquête de Rika, qui débouchera sur une formidable dinde cuisinée avec amour et partagée avec tous ceux qui l’ont aidée dans sa nouvelle voie, nous donne un roman à la fois prenant, vif et troublant. Asako Yuzuki, qui fut pâtissière dans une vie antérieure, décrit ses scènes de cuisine avec un mélange de virtuosité technique et de sensualité voluptueuse très réussi. Inspirée par une affaire réelle (celle de Kanae Kijima, dite « la tueuse de konkatsu« -, condamnée à mort en avril 2012 pour avoir dépouillé puis assassiné ses amants, cette fiction très malicieuse balance avec verve entre le thriller et le roman social. La place de la femme au Japon, mise en cause ici avec hardiesse et pertinence, occupe une place importante de ce livre qui a connu un grand succès au Japon et devrait résonner d’un son neuf dans cette traduction hardie et vigoureuse.
Le beurre de Manako de Asako Yuzuki, traduit du japonais par Mathilde Tamae-Boulhon (Calmann Lévy, 22,90 €, 468 pages).