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Les chuchotis du lundi : la cuisine au feu de bois de Gabriel Guinnebault, l’enchanteur Jordan Billan à Beaune, la nouvelle donne de la Flibuste à Villeneuve-Loubet, Julien Caligo en Vaunage, le neuf duo féminin du Drugstore, la 2e mort de Charles Barrier, Alexandre Taisne se lâche

Article du 10 avril 2023

La cuisine au feu de bois de Gabriel Guinnebault

Gabriel Guinnebault © GP

Il était sommelier et directeur de salle à l’Agapé dans le 17e parisien, aux côtés de Laurent Lapaire, l’ancien maître d’hôtel d’Alain Passard. Est devenu aubergiste dans le campagne jurassienne, non loin des vignobles d’ici. Avec sa compagne Léa Lobry, qui, elle, a créé un domaine viticole, Gabriel Guinnebault a racheté une ancienne grange, la revoyant en table ouverte avec ses fourneaux près de la grande cheminée où tout se passe. C’est à la fois une table d’amis, un QG gourmand nouveau style et un repaire gourmand d’exception. Les mets se construisent chaque jour avec les viandes de guère loin, les légumes des potagers voisins, les poissons en direct des côtes bretonnes d’un mareyeur sûr. On ajoute les vins chouchous de Gabriel qui a à coeur de faire partager ses découvertes en sortant de l’orbite jurassienne. Les produits sont d’une fraîcheur sans faille et les cuissons douces à la cheminée séduisent sans mal. L’idée d’un menu ici même ? Des choses fines, vives, légères, comme ces asperges à l’ail des ours et à l’anguille fumée ou l’endive braisée, sauce hollandaise au lard paysan. On en parle vite.

L’enchanteur Jordan Billan à Beaune

Jordan Billan © GP

La belle, grande et neuve table de Beaune, qui ne manque pas de perles du genre : celle du Cèdre. La table chic doublée d’un hôtel cinq étoiles appartient à Amaury Rostagnat, le neveu d’Olivier Ginon, le big boss de GL Events et du Sirha Lyon, qui est d’ailleurs actionnaire de la maison. Le chef ? Il est né dans la cuisine, a 31 ans, a déjà passé neuf ans au Cèdre, avec Christophe Canati, puis Christophe Ledru, a gagné l’étoile il y a deux ans, pourrait en gagner une deuxième. Le nouveau petit prince de la capitale du vin de Bourgogne ? C’est bien, Jordan Billan, ce Lyonnais discret, dont le père géra la Brasserie Georges à Lyon, et qui fait feu de tout bois aux fourneaux du « Clos du Cèdre », ancienne demeure vigneronne de 1876 joliment rénovée ayant gardé ses trumeaux, moulures, piliers d’époque, avec ses tables chics et bien nappées, sa verrerie de style, son service féminin à la fois souriant, efficace, pédago et charmant. La sommellerie ici est féminine, le choix de vins, dans la capitale des crus de Bourgogne, est un moment d’importance, mais la cuisine créative et enracinée, n’est pas moins charmeuse sous la houlette d’un jeune maestro qui règne sur une brigade de tout jeunes arpètes pleins d’enthousiasme et d’énergie. Le talent ? Il se révèle ici à travers un grand menu d’une bouleversante acuité. On peut citer, en tout cas, les jambonnettes de cuisses de grenouilles rôties avec croûtons aillés, sauce crémée moutarde estragon qui constituent comme un hommage modernisé aux légendaire jambonnettes de grenouilles à la purée d’ail de Bernard Loiseau. Pour tout savoir, cliquez là.

La nouvelle donne de la Flibuste à Villeneuve-Loubet

Anne Legrand, Roger Martins et Clio Modafferi © DR

On avait perdu de vue Clio Modafferi et Anne Legrand, qui avaient obtenu, en duo, une étoile à l’Innocence, dans le 9e arrondissement parisien, une salle à manger intime avec sa cuisine ouverte, où l’on connut notamment Daniel Rose et Raphaël Rego. Elles s’étaient notamment rôdées chez Hélène Darroze rue d’Assas, Christophe Pelé au Clarence et David Toutain rue Surcouf. Les voilà qui rebondissent sur la Côte d’Azur, remplaçant chez Roger Martins, à la Flibuste de Villeneuve-Loubet, Nicolas Thomas parti au château de Courban en Bourgogne. Rappelons que c’est à la Flibuste, en 2020, qu’Eugénie Béziat, désormais au Ritz, a gagné son étoile.

Julien Caligo s’installe en Vaunage

Julien Caligo © DR

Il nous avait épaté au Duende, de l’Hôtel Albar-Imperator, sous la signature de Pierre Gagnaire, à Nîmes, où il avait obtenu rapidement une puis deux étoiles. Le voilà qui quitte cette maison où il exerça trois ans durant pour créer, en Vaunage, entre Sommières et Nîmes, sa propre table. Ce sera une pure création, après rénovation d’une vieille demeure et la mise en place d’une cuisine ouverte sur la salle. Fort de son expérience dans de grandes maisons (l’Oustau de Baumanière aux Baux de Provence, le Castellet avec Christophe Bacquié dans le Var, la Villa Madie avec Dimitri Droisneau à Cassis, le Sketch à Londres), Julien Caligo peut légitimement guigner l’étoile. Il est remplacé au Duende par Masaki Nagao, venu, lui, du Clarence à Paris.

Le neuf duo féminin du Drugstore

Eric Frechon, entre Alice Kamioka et Léna Thiam © DR

Nouvelle donne au Drugstore Publicis Champs Elysées, toujours conseillé par Eric Frechon : ce dernier a mis en place un tout neuf duo féminin, avec la cheffe de cuisine Alice Kamioka et la pâtissière Léna Thiam. La première, experte en poissons, a travaillé au Bristol, avant le Saint-James à Paris et le George V avec Christian le Squer, tandis que la seconde, formée chez Fabrice le Bourdat au Blé Sucré, dans le 12e, va renouveler l’offre sucrée maison. Toutes deux mettent leur enthousiasme et leur expérience au service d’une cuisine méditerranéenne avec de belles idées de fusion et de saison. On en reparle vite.

La 2e mort de Charles Barrier

Charles Barrier et son équipe © DR

Le grand Charles (Barrier), né en 1916 à Saint-Mars-la-Pile, est décédé en 2009 à Saint-Cyr-sur-Loire. La table qui porte son nom – ce fut jadis « le Nègre »,  à partir de 1944, puis « Charles Barrier », revendu en 1996 à Jack Magord – , a fermé ses portes définitivement, en fin de semaine passée, rue de la Tranchée à Tours, où une station de tramway porte son nom.  MOF en 1958, titulaire de trois étoiles (le seul du genre en Val de Loire) en 1968, il fut l’un des premiers chefs à fumer son saumon et à fabriquer son pain. Compagnon de route de Paul Bocuse, d’Alain Chapel, des frères Troisgros et de Michel Guérard, lors de la fondation de la « nouvelle cuisine », « CB » fut une figure éminente de la grande cuisine française des années 1980 et fut notamment l’un des mentors de Joël Robuchon, qui venait chez lui prendre des leçons de cuisson de pain et de pied de porc farci au foie gras. Charles repartit au charbon à 70 ans, et reprit la maison où il se fit connaître en 1986, lorsque les gérants qui l’avaient reprise firent faillite l’année précédente. Le Michelin lui redonna alors directement deux étoiles. Cette fois-ci, après le dépôt de bilan et la liquidation judiciaire de la demeure, qui avait perdu sa dernière étoile en 2015, il n’est plus là pour reprendre la suite…

Alexandre Taisne se lâche

Alexandre Taisne en mars 2018 © Stéphane de Bourgies

Nommé en mars 2018 comme patron de la branche gastronomie et tourisme du Michelin, débarqué dès le mois de septembre de la même année, sans, du reste, que l’on ne comprenne ni comment ni pourquoi, Alexandre Taisne, passionné d’art, féru de communication, fut un météore très discret à la tête des guides rouges. Mais il aura laissé son empreinte au milieu qu’il fréquente toujours passionnément. Dans un post de son compte instagram, tout en invoquant son « devoir de discrétion », il évoque avec sévérité, la dernière édition du Michelin France, dont il semble regretter l’absence de « ligne éditoriale« , et fustige, en tout cas, avec netteté les rétrogradations surprises de Guy Savoy et de Christopher Coutanceau : « Je reste avec mon devoir de réserve s’agissant du @michelinguide car je sais l’engagement des équipes et leur sens de l’éthique. Mais je ne peux rester sans réaction face à la perte de cette 3e étoile. @guysavoy est un immense cuisinier, un chef présent en cuisine, un ambassadeur de l’art de vivre à la française et un gentilhomme au sens propre. C’est également un restaurant sublime, une équipe professionnelle et merveilleuse dans son sens du client. L’un de mes lieux de bouche préférés, sans hésitation, hier comme demain. Lieu de célébration où tant de souvenirs ont marqué ma vie et mon palais. Je l’ai tant recommandé et le recommanderai toujours, les yeux fermés mais tous les sens en éveil. Quant à tous vos messages d’incompréhension et vos questions… Le guide veut-il tourner la page d’une génération ? Veut-il tourner la page d’une certaine idée de la gastronomie française ? La réponse ne peut être que négative, tant la sélection se fait volontairement sur critères identifiés et sans ligne éditoriale. Pensée pour @christopher_coutanceau , son beau vaisseau, sa cuisine engagée et talentueuse. »

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Publié le 10 avril 2023 par

Les chuchotis du lundi : la cuisine au feu de bois de Gabriel Guinnebault, l’enchanteur Jordan Billan à Beaune, la nouvelle donne de la Flibuste à Villeneuve-Loubet, Julien Caligo en Vaunage, le neuf duo féminin du Drugstore, la 2e mort de Charles Barrier, Alexandre Taisne se lâche” : 2 avis

  • Philippe Sergent

    L’ancien maître d’hôtel d’Alain Passard, aujourd’hui à l’Agapé où oeuvra Gabriel Guinnebault s’appelle Laurent LAPAIRE

  • Depuis que Michelin s’est acoquiné avec ChioteAdvisor, ce guide n’est plus que l’ombre de lui-même ! Et pour répondre à la tendance actuelle, il privilégie la forme, une communication basée sur le buzz, au fond, la compétence de ses jeunes inspecteurs, dont certains sortent tout juste d’une école de commerce !

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