C’est une histoire croisée, deux destins, un même chant qui les unit (« Ami entends tu... »), des liens de famille, deux vies dans le siècle, proches, opposées, deux destins: celui de l’oncle Jef et du neveu Maurice, fils de son jeune Lazare désperé et suicidé. Vingt ans les séparent, des liens de sang les réunissent, une sympathie naturelle les rassemble, l’histoire les unira. Ils sont à Londres du côté du Général, écrivent « le chant des partisans », sur le même rythme et un air emprunté à Anna Marly, qui sera entonné à voix forte par Germaine Sablon, la maîtresse de Jef, qui aura traversé auparavant avec tous deux, la frontière espagnole, auront leur vie à eux, leur gloire, leur oeuvre. Jef est l’aventurier, le bourlingueur, noceur, grand buveur et bourlingueur, à l’aise dans la steppe russe, comme avec les cavaliers d’Afghanistan, poursuivant la piste du lion en Afrique. Maurice sera le Goncourt grand bourgeois des « Grandes Familles », le maestro chef d’orchestre des « Rois Maudits », Game of Thrones avant la lettre, best seller mondial (23 millions d’exemplaires en Russie et un certain Vladimir Poutine qui fait la queue à Moscou pour acheter le tome 4), homme du monde d’allure british, puis le ministre de la culture très contesté de Pompidou. Deux destinés opposées? Mais l’Académie Française – dont Maurice sera le secrétaire perpétuel – les réunira encore. Ils seront tous deux, chacun à leur manière, des séducteurs, des hommes à femmes. Jef, qui cumule les conquêtes et conserve ses fidélités successives et parallèles, n’oubliant pas Michèle, l’ultime, en proie à l’alcoolisme. Maurice, poursuivant ses rêves de noblesse, d’une aristocrate l’autre… Dominique Bona, à laquelle on doit tant de belles biographies, dont celle dédiée à Berthe Morisot les réunit ici avec brio, ferveur, passion. Kessel est évidemment plus sympathique que Druon – même si elle a fréquenté ce dernier jusqu’à un séjour dans l’abbaye de ce dernier en Gironde, dont elle nous livre quelques détails cocasses (le petit déjeuner en peignoir…). Mais tous deux retiennent et leur vie passionne. Entre eux, des femmes, des aventures, des péripéties, des histoires, la grande avec un « H », la présence du Général, plus la littérature avec un grand L. On lit moins « les Grandes Familles » ou « les Rois Maudits ». On relit avec passion « le Tour du Malheur », « le Lion », « les Cavaliers », « Terre d’Amour et de Feu », « Hong et Macao », « Tous n’étaient pas des anges » ou « Belle de Jour » : de vrais romans, des reportages et des portraits, devenus des livres, passionnants comme des romans et des nouvelles. Sans doute, Jef a gagné le match haut la main contre Maurice. Mais y a-t-il eu match? Dominique Bona nous livre là une double biographie d’un genre à part.

Les Partisans, Kessel et Druon une histoire de famille, de Dominique Bona (Gallimard, 528 pages, 24 €).