Les chuchotis du lundi : Fabien Ferré au Castellet, Bruno Chastagnac à Toulon, Bastien Cathala à Saint-Cyr-sur-Mer, Nicolas Sintes à Cassis, Hideki Nakamura chez Cena, Joey Starr à la Coupole du Printemps, l’équipe de Paul Chêne rue du Cherche Midi

Article du 27 mars 2023

Fabien Ferré au Castellet

Fabien Ferré © GP

Il a, on le sait, la lourde tâche de reprendre les fourneaux de la table trois étoiles du domaine du Castellet. Celle-ci qui devait dans un premier temps se nommer Lavinia, va changer son fusil d’épaule pour éviter toute confusion avec la grande cave succursaliste et d’origine espagnole du même nom. C’est donc à l’enseigne de « la Table du Castellet », que Fabien Ferré, bourguignon natif d’Autun (en Saône et Loire), passé trois ans chez Troisgros à Roanne et rallié aux vertus provençales sous la gouverne de Christophe Bacquié, avec qui il est demeuré dix ans, va oeuvrer et repartir au combat étoilé. Sa table doit rouvrir le 15 avril et proposer deux menus :  » Expression Végétale  » et   » Expression Marine « . Issu d’une famille d’artisans pâtissiers et de grands-parents agriculteurs, fasciné par le travail des producteurs, Fabien Ferré leur rendra hommage à travers ses créations, comme ses asperges blanches du Ventoux au citron brulé et lard marin ou son artichaut de Provence rôti à la livèche et sorbet caviar. Passionné par la délicatesse des produits de la Méditerranée, poissons et coquillages, il sélectionnera ses propres poissons tous les matins au marché de Sanary-Sur-Mer, à seulement 20 mn du Castellet. Ouverture prévue de la Table du Castellet : le 15 avril.

Bruno Chastagnac à Toulon

Bruno Chastagnac © GP

Bruno Chastagnac ? On avait connu ce bon chef sérieux, natif d’Orange, ancien des frères Pourcel à Montpellier, du Mas des Herbes Blanches à Joucas et de la Tante Claire à Londres, au temps où il exerçait son talent à l’hôtel de l’île Rousse à Bandol. Il y a demeuré quinze ans durant, avant de rallier Toulon et d’oeuvrer d’abord pour un restaurant de place. Voilà qu’il s’est installé avec discrétion, avec  son épouse Pascale, à deux pas du port et non de l’arsenal, dans un minuscule endroit qui ne peut contenir que vingt couverts et se nomma jadis chez Mimi. Cela s’appelle le Pastel, les menus sont bien équilibrés et sans forfanterie, les assiettes sont soignées, les prix des vins sont sages. Au programme, des choses fines, nettes, condimentées avec minutie et précision. Ainsi les asperges, avec leur caviar de rogue de hareng fumé, aïoli léger à l’ail noir, l’exquise quenelle de seiche au naturel, avec sa fine soupe de favouilles, (les crabes verts de Méditerranée), des moules à la flamme ou encore ce velouté de petits pois à la menthe qui accueille des ravioles de carotte au cumin,  avec gingembre et copeaux de porc salé. Bref, on comprend que, inconnue au Michelin, qui pourrait lui accorder son bib gourmand, l’adresse fait un tabac midi et soir.

Bastien Cathala à Saint-Cyr-sur-Mer

Bastien Cathala et Sacha Brunette © GP

L’Es/pacio sur le port de Saint-Cyr-sur-Mer : la belle table de Bastien Cathala, qui travailla six ans à la Chassagnette d’Arles, où il fut le second d’Armand Arnal. Ce natif du village est revenu au pays, avec sa compagne Sacha Brunette qui s’est mise bravement en cuisine à ses côtés, avec le service alerte et guilleret de ses deux associés Florian Vera et Emmanuel Tomatis. Le lieu a du chic, jouant le bois soigné de jolies tables et chaises le midi, le nappage en blanc le soir, les serviettes en tissus, les clins d’oeil à l’art moderne au mur. Et côté menu, cela « envoie » sec de bien jolies assiettes. On peut grignoter d’emblée, partager, se faire plaisir, avec les topinambours frits (comme des pommes frites), servis sur une fine crème (« thonnée ») façon vitello tonnato, ou encore la salade de lentilles blondes et mousse scarmoza fumée. Entrées, plats et desserts (ricotta émulsionnée avec cerises amarena et »oreillette ») sont du même bel acabit. Les tarifs sont raisonnables et la carte des vins une mine de bonnes choses (provençales) à petits prix.

Nicolas Sintes à Cassis

Nicolas Sintes © GP

Ce n’est pas lui que l’on attendait aux Roches Blanches à Cassis. On avait tort. Nicolas Sintes nous avait bluffé cet hiver à Megève, aux Fermes de Marie, avec un menu-dégustation qui constituait une ode splendide à la Savoie, ses traditions, ses produits, ses idées, ses artisans. Mais ce Cannois voyageur, formé à la Villa des Lys avec Bruno Oger, puis passé au Juana à Juan-les-Pins, avec Christian Morisset, tous deux lauréés de deux étoiles, avant le Mirabeau de Monaco avec le MOF Didier Aniès, mais aussi en Suisse (chez Denis Martin à Vevey et au Beau Rivage à Lausanne), demeuré quatre ans durant chez Daniel Boulud à New-York, avait envie de revenir au pays azuréen. On l’avait connu jadis à la Bastide de Saint-Tropez. Entre temps, il était le chef de la Ferme d’Augustine. Voilà qu’après six ans et demi en Savoie chez les Sibuet, il fait un retour à ses sources aux Roches Blanches, à partir du 1er avril. Ce bel hôtel de bord de mer possède trois tables : les Belles Canailles, Rocco et enfin le Loup Bar, où il pourra donner sa mesure créative et guigner l’étoile qui lui pendait au nez à Megève.

Hideki Nakamura chez Cena

Hideki Nakamura et David Lanher © GP

Rue Treilhard, dans une rue gourmande où les bonnes tables abondent à deux pas ou quasiment en face du marché de l’Europe, Cena, la maison de Laurent Plantier et de David Lanher (ce dernier gère, entre autres, le Bon Saint-Pourçain, Racines, Anima, la Crémerie, le Caffé Stern), joue sa carte avec brio. Il y eut là Alban Chartron, 32 ans, jeune lyonnais surdoué passé au Bristol, au Louis XV, chez Pic et l’hôtel de ville à Crissier, puis, assez longuement, pour un intermède qui précéda l’ouverture retardée de leur Astrance, le duo Rohat/Barbot. C’est désormais le nippon tout bon Hideki Nakamura qui s’y colle. Cet ancien du Passage 53, avec Shinishi Sato, qui dirigea les fourneaux de la maison devenue la Table 53 et dont l’épouse dirige l’étoilé Benaton à Beaune, joue ici le jeu d’une cuisine française bourgeoise, revisitée avec une légèreté toute japonaise. Son équipe de cuisine est d’ailleurs 100% nippone et le registre franco-français est d’une délicatesse sans faille, ni anicroche. Le midi, on choisit à la carte. Par exemple, la sériole grillée, avec radis, fromage blanc, vinaigrette aux agrumes, la truite aux endives, orange sanguine, granité fruit de la passion ou encore les encornets taillés en lamelles façon spaghetti avec céleri rave, pancetta et œuf fumé en guise d’entrées séductrices. Et tout ce qui se propose là avec des vins adéquats, suggérés au verre, est du même bon ton. Le soir, il y a un menu surprise à 95 €. Cher ? Sans doute, mais le voisin et nouvel étoilé Maison Ruggeri affiche des tarifs bien plus élevés (200 et 300 €, pas moins). Et la maison est pleine midi et soir. Alors ?

Joey Starr au Printemps

Joey Starr au Printemps © Vincent Blocquaux

Joey Starr aux fourneaux ? On aura tout vu ! Mais le rappeur/compositeur/comédien (de « Polisse » et tant d’autres), co-leader de NTM avec son ami Kool Shen, est aussi le gastronome sans oeillères de « Bistronomik« , son guide éclectique, et le créateur du magazine gourmand « Five Starr ». Ce sont bien ses valeurs gourmandes, à la fois traditionnelles et novatrices, diverses et bigarrées, qu’il entend défendre au restaurant Bleu Coupole du Printemps à Paris. Au 6e étage du grand magasin « Printemps Femme » du 58 boulevard Haussmann, Didier Morville alias Joey Starr signe sa première carte de restaurant, élaborée avec le chef à demeure, Clément Blondeau. Au programme: une certaine idée – la sienne – du « manger vrai » avec l’aide des produits de saison de petits artisans enracinés. Le tout est illustré par une série de mets sans tabous ni frontières : soupe de crabe au lait de coco, taloa et ceviche de maigre, maquereau farci et lardé à la pomme de terre ou encore saucisse purée avec pesto à l’ail des ours et copeaux de tomme de brebis. Le tout peut s’achever avec un pain perdu façon « route du rhum ». L’expérience qui se présente comme une curiosité alléchante doit s’achever le 15 juin. Mais elle peut être reconduite en cas de succès.

L’équipe de Paul Chêne rue du Cherche Midi

Charly Laborde avec Adrien et Sébastien Dufour © GP

On n’arrête pas les frères Dufour ! On les connaît déjà chez Paul Chêne, rue Lauriston à Paris 16e, en lisière du « Troca », au Petit Chêne rue Gros, tout près de la Maison de la Radio, ainsi qu’au Comptoir des Chênes, rue de Lübeck, à deux pas du palais Galliera et du musée de la mode. Sébastien l’aîné, Adrien le cadet, qui paraissent travailler en s’amusant – ou l’inverse – ont réussi à recréer des lieux comme avant, façon « bistrots de toujours à la parisienne« , reprenant la belle leçon apprise à l’école des frères Dumant à l’Auberge Bressane, aux Marches ou au Paris Seize. Ces deux joyeux lurons ont de qui tenir – leurs parents possédaient l’emblématique Brasserie Lorraine place des Ternes. Eux, qui ont tout compris des envies classiques du moment d’une clientèle joyeuse et très parisienne qui aime sortir sans forcément casser sa tirelire, ont fait de l’oeuf mayo, du filet de boeuf au poivre et des vraies frites croustillantes (et maison!) leur credo, le tout dans de beaux décors à l’ancienne joliment retrouvés. Et c’est très exactement ce qu’ils proposent, rive gauche désormais, ouvrant,  au 79 rue de la rue du Cherche Midi, en lieu et place de l’ancienne Cantine du Troquet, un tout neuf bistrot qui a l’air déjà vieux, savoureux, vif, ludique, avec sa nuée d’habitués jeunes et drôles, traversant juste pour eux la Seine. Avec leur associé dans cette nouvelle affaire, Charly Laborde, ils débouchent les bouteilles de beaujolais et de bourgognes à qui mieux mieux sur un zinc beau comme un camion pour une clientèle de joyeux drilles qui en redemandent. Et c’est le bistrot parisien du moment à découvrir !

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Publié le 27 mars 2023 par

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