Chaque mois, en partenariat avec le Marché International de Rungis, Gilles Pudlowski dresse le portrait d’un Chef qui a fait le pari de la qualité et nous livre ses secrets en matière de produits et de sourcing. Au programme : la Crème de la Crème ! Produits, Passion, Savoir-Faire, Anecdotes pour une immersion dans cet incroyable et incontournable écosystème du goût et du bien-manger.

La Crème de la Crème – Bruno Guéret : « au Fouquet’s, produit rime avec fraicheur et saisonnalité »

Article du 15 février 2023

Bruno Guéret, Stéphane Tendero, Michel Bruneau et l’équipe de TerreAzur © MR

Il est le breton conquérant qui gère la table historique des Champs-Elysées, chargée de légendes, ouverte chaque jour, qui épouse son temps sans laisser tomber la manière classique. Ce Fouquet’s qui trône comme une perle à l’angle de la « plus belle avenue du monde » et de l’avenue George V, deux artères prestigieuses dont cette brasserie historique est comme une balise. Bruno Guéret, natif de Rennes, longtemps passé en Hollande, côté Amsterdam, à la Rive avec Robert Kranenborg et à l’Hôtel de l’Europe, est relayé côté brasserie par le jeune Emmanuel Sibileau, ancien de Philippe Etchebest à Saint-Emilion, Philippe Legendre au George V, et Pierre Gagnaire au Balzac à Paris, et a soin de suivre les directives de ce dernier qui signe la carte.

Saint-jacques normandes © MR

Mais c’est bien le gars Bruno qui veille aux produits ici traités pour une carte néo-classique et changeante qui a le bon goût de suivre le rythme des saisons. « Pour moi, dit-il, produit rime avec fraicheur et saisonnalité » La source de ses choix ? Le MIN, bien sûr. « Rungis, j’ai toujours aimer y aller la nuit, lorsque les produits viennent d’arriver, que l’effervescence se fait sentir. Sans oublier, le charme de « l’after » qui constitue probablement l’un des meilleurs moments » Et de préciser: « C’est une chance extraordinaire. On a tout à portée de main, à seulement quelques kilomètres. Il nous suffit de passer un coup de fil et les fournisseurs sont là. Pour bien travailler, c’est à mon sens essentiel de s’appuyer sur une réelle relation de confiance entre le fournisseur et le cuisinier. J’ai mes fournisseurs de prédilection mais au quotidien, je me dois aussi de faire jouer la concurrence et mes partenaires le savent. On a une « mercuriale », un indice de nos prix de produits, et on compare. On regarde toujours la qualité d’abord, puis le prix »

Salades de Terre Azur © MR

Ce Rennais rieur confesse ainsi sans réserve avoir trois poissonniers et tout autant de partenaires pour les fruits et légumes, représentant pour lui l’assurance d’avoir toujours le meilleur produit au bon moment. Preuve de son attachement au MIN comme au terroir tricolore : « Quand j’étais à Amsterdam, tout arrivait de Rungis! J’y tenais mais il fallait prévoir ajoute-t-il. On s’organisait avec deux arrivages hebdomadaires » Le Fouquet’s, c’est aussi la table de l’hôtel Fouquet’s Barrière – contigu de la brasserie historique – et le « Joy » où Bruno lança le défi de servir des produits 100% français : « je suis un passionné de produit et le projet du Joy résulte d’une démarche très personnelle : un véritable défi qui m’a immédiatement attiré et me plait toujours énormément, avec cependant son lot de complexité au quotidien. On a des fenêtres de tir extrêmement réduites pour travailler certains produits. La saisonnalité en produits français est souvent très courte, de trois semaines à un mois. Ce qui est intéressant, c’est que le processus est inversé, on sollicite et on questionne d’abord le fournisseur pour connaitre ses disponibilités puis élaborer la carte en conséquence ».

Poisson, champignons et saint jacques du jour © MR

« Outre le café ou le chocolat qui sont par essence difficiles à trouver sous nos latitudes, un exemple parlant : les agrumes, que j’adore travailler. Il n’y en avait pas lorsqu’on a lancé la première carte du Joy après le Covid ». Un défi et des contraintes qui impliquent donc réactivité, relations étroites avec des fournisseurs triés sur le volet ainsi qu’une bonne dose de créativité pour remanier une idée ou une recette si tel ou tel produit n’est finalement pas disponible. Aujourd’hui, même si le restaurant ne revendique plus le 100% français de manière systématique, le parti pris culinaire et les convictions restent identiques. Grâce à un sourcing pointilleux, l’engagement de Bruno Guéret, épaulé par le chef du Joy, Mathieu Méchéri, ancien du Mini-Palais et du Cristal Room Baccarat, consiste à offrir au moins une proposition entièrement composée de produits français pour chaque étape du menu (entrée – plat – dessert) ainsi qu’à intégrer le maximum de références hexagonales au sein de l’ensemble de la carte.

Bruno Guéret et la pêche du jour © MR

Dans cet écrin chic et raffiné parsemé de bibliothèques dont la terrasse privilégiée se pare actuellement d’un jardin d’hiver éphémère griffé Veuve Clicquot, on ne manque pas de goûter les superbes cocktails et créations liquides de Stéphane Ginouvès, MOF barman, n’hésitant pas à convoquer spiritueux et liqueurs tricolores sans omettre fruits frais et touches locales. Du Fouquet’s au Joy, l’un des partenaires de prédilection se nomme ainsi TerreAzur. Cette filiale du Groupe Pomona qui dispose d’un entrepôt de 10 000m2 à Rungis, s’affirme comme un spécialiste de la marée et des fruits et légumes frais, valorisant la pêche durable et les petits bateaux côté poissons ainsi que l’ultra-local et les circuits courts en s’appuyant sur des partenariats avec de nombreux petits producteurs et des exploitations locales et variées.

Bruno Guéret hume son produit © MR

« Le Fouquet’s est un client historique avec lequel la société collabore depuis bientôt dix ans », indique Yann Rondin, responsable commercial chez TerreAzur qui fournit également l’établissement Barrière d’Enghien. L’entreprise déniche, sélectionne et distribue une palette de producteurs variés, souvent de taille modeste ou intermédiaire, insistant sur l’éco-responsabilité et le local et ayant à coeur de promouvoir trouvailles exclusives ainsi que sa gamme de produits dits « régionaux » c’est à dire issus d’un rayon de 200km autour de Rungis. Bruno Guéret entretient ainsi une relation quotidienne avec ce fournisseur de confiance lui dénichant les meilleurs poissons au plus proche de la marée et de la pêche du moment « Tous les matins, j’ai Grégory, mon interlocuteur chez TerreAzur, au téléphone. Il me dit ce qu’il a reçu avant 9h. Ils préparent pour le lendemain et on anticipe pour les gros événements comme par exemple actuellement le déjeuner des Césars ».

Bruno Guéret et Stéphane Tendero, directeur du restaurant © MR

Ainsi cette superbe truite de Landres – produite dans un rayon de 100km autour de Paris – et en provenance de la pisciculture de l’Eure située à Acquigny. Cette truite, nourrie à la main, élevée dans des bassins à faible densité, se travaille ici en gravlax avec un gel de clémentines, de la grenade sans omettre un soupçon d’oxalis du Paysan Urbain, autre trouvaille signée TerreAzur, apportant une fine note acide et piquante. Dans les filets de TerreAzur, Bruno Guéret vante encore les belles Saint-Jacques normandes fraichement arrivées ce matin là et signées Bely Marée à Dieppe  – que l’on retrouvera par exemple au Joy en croûte de pain de mie et escortées de topinambour et de café.

Saint-jacques normandes, topinambour sur café © MR

Tout ceci se complète de lotte, merlu bretons de la Maison Furic, institution familiale installée sur le port de Saint-Guénolé dans le Finistère côté pays bigouden, privilégiant au maximum la pêche de ligne.  On y ajoute les belles soles des cotes bretonnes pour lequel les équipes du Fouquet’s privilégient de généreux formats de 500 à 600g  « Au Fouquet’s, note Bruno, on ne travaille que les grosses soles ». Coquillages et huîtres dites « l’Excellence » griffées Poget en direct des marais d’Oléron – le « top du top » affirme Bruno – mais aussi praires, amandes de mer, moules dont TerreAzur lui déniche la meilleure version en saison, complètent sa panoplie marine.

Truite en gravlax, clémentines, grenade, oxalys © MR

Côté légumes, les paniers de TerreAzur sont également bien remplis. Avec les frais champignons de Paris signés Bruno Calegari, petit producteur dont la champignonnière, installée dans d’anciennes carrières du XVIIIe, s’étend sur plus de 20ha à Villers-Cotteret dans l’Aisne. Sans omettre, un bien joli cresson estampillé Bonifacy, exploitation familiale et BIO à Méréville dans l’Essonne, commune référence de cette salade. On y ajoute les carottes et salades signées Alain Guénot, producteur basé dans le Val de Loire, les pommes de Terre d’Orsonville dans les Yvelines ( « Le Fouquet’s est un gros consommateur de pommes de terre » nous glisse Yann Rondin, notamment pour ses fameuses « pommes coins de rue« .) Au sein de la ferme éponyme gérée par deux frères passionnés, la récolte a lieu à partir d’octobre et la production jusqu’à juin. Avec le stockage et le recours à une variété de transition – la Colomba – les besoins conséquents de Bruno et de ses équipes, qui la travaille sous toutes les formes, sont satisfaits quasiment tout au long de l’année.

Coing, vanille, écume fumée et sorbet aux coings © MR

Autre belle trouvaille et producteur « propulsé » par TerreAzur : Le Paysan Urbain. Spécialisée dans les micro-pousses et les fleurs comestibles, cette association engagée, notamment en matière de réinsertion professionnelle, emploie 35 salariés et est installée dans le 20e arrondissement de Paris. Ces « paysans urbains » bichonnent une serre bio-climatique de 6 500m2, implantée dans un paisible ilot de verdure et bénéficiant depuis ses débuts du soutien de la ville de Paris (Lauréat Parisculteurs). Oxalys, capucine, coriandre ou tournesol, cultivées sans intrant chimique, trouvent ainsi les faveurs de Bruno qui les utilise pour une petite saveur subtile, ajoutant ainsi une ponctuation végétale aux dressages. Ce qui ne l’empêche pas de faire également confiance aux Vergers Saint-Eustache des Charraire pour lui dénicher le meilleur de la saison en fruits et légumes.

Bruno Guéret sous le feux des photographes © MR

Pour la viande, son fournisseur principal est la BIF (Boucheries d’Ile-de-France) installée à Romainville chez qui il glane de « magnifiques » côtes de veau, filets de boeuf normands, joues de veau (qu’il travaille en blanquette ) ou encore de superbes volailles fermières signées de la Ferme de Luteau dans le Loiret. Bruno fait également régulièrement appel au Coq Saint-Honoré, spécialiste des belles volailles, vantant sans détour leurs « fabuleux canards » dont il fait son miel. Dans le cadre d’événements, fréquents dans cette institution des Champs-Elysées, Bruno ne manque pas de souligner l’aide apportée par Traiteur Barrière dont le laboratoire est basé à Pont L’Evêque en Normandie. Lors de banquets et autres RDV particuliers, cette filiale du Groupe met son grain de sel avec brio travaillant certaines mises en place en amont et en sur-mesure comme les amuses-bouche, les entrées ou les terrines de foie gras.

Saint-jacques normandes, topinambour sur café © MR

Baeri à l’honneur, le caviar est quant à lui signé Caviar de Neuvic en Dordogne. Bruno nous confie d’ailleurs procéder actuellement à des essais concluants afin de travailler l’esturgeon qui fera probablement son entrée à la carte en gravlax ou cuit à basse température. Si le foie gras est de longue date estampillé « Traditions & Gourmandises », expert du genre basé à Boissy Saint-Léger, Bruno et ses équipes ont pris le difficile l’engagement de ne plus le travailler, notamment en terrine jusqu’à nouvel ordre, depuis la grippe aviaire en avril 2022. Seule exception récente, une belle escalope de foie gras de canard chaude poêlée et agrémentée de chou rouge et raisins blonds et pommes gaufrettes qui trône à la carte comme une perle.

Bruno Guéret au travail © MR

Pour la truffe, Bruno se tourne volontiers du côté Truffe Extra France, spécialiste du genre et mené comme Alena Truffe, par Guillaume Gé à Bordeaux. Enfin dans la continuité de cette démarche tricolore et locavore guidant l’offre gastronomique du « Joy », Bruno insiste également sur cette superbe « burrata de Rambouillet », figurant en liminaire de choix et élaborée par Ottanta spécialiste francilien des mozzarella et burrata artisanales et bio. Du Fouquet’s au Joy, ce sont plus de 70 personnes qui officient dans les cuisines effervescentes de cette mythique adresse champs-élyséenne.

Bruno Guéret © MR

Bruno, qui a l’oeil à tout, insiste sur le respect et le soin minutieux apporté au produit optant volontiers pour la spécialisation au sein de ses brigades : quatre légumiers nettoyant champignons et ciselant les frites fraiches, un poissonnier uniquement attitré à la découpe et au portionnage… « Le succès, ajoute-il, c’est surtout du travail et de l’huile de coude. Un mythe, ça se travaille « !

Bruno Guéret : « un mythe, ça se travaille »! © MR

Le Fouquet’s

99 avenue des Champs-Elysées
Paris 8e
Tél. 01 40 69 60 50
Menus : 45 (déj., formule, sem.) €
Carte : 85-125 €
Horaires : 12h-15h, 19h-minuit
Fermeture hebdo. : Ouvert tous les jours
Fermeture annuelle : 28 juillet-25 août
Métro(s) proche(s) : George V

 

 

 

A propos de cet article

Publié le 15 février 2023 par

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !