Mes fragiles de Jérôme Garcin

Article du 2 février 2023

Jérôme Garcin, on croit le connaître. Mais il garde toujours la part d’ombre. Il nous a conté la mort de son père (« la Chute de Cheval »), celle de son jumeau (« Olivier »). Voici celle de sa mère, croyante et chrétienne fervente, qui pratique le stoïcisme avec une abnégation sans faille, et puis celle de Laurent, son jeune frère « hors norme », atteint de ce syndrome familial et dégénérescent qu’est l’X fragile, et que Jérôme transmet à ses semblables sans le savoir. Sa famille est là, ses enfants nombreux, y compris l’aîné Gabriel, converti au judaïsme, qui récite, kippa sur la tête, le kaddish sur le lit de mort de sa grand-mère, mystique comme son ami Michael Lonsdale et paroissienne fidèle de Saint-Séverin la gothique flamboyante. Jérôme (pardonnez moi de le nommer ici par son prénom – nous avons partagé six ans jadis le même bureau aux Nouvelles Littéraires, il y a quatre décennies) raconte tout cela avec un mélange de précision blanche et de tendresse ouatée. Il nous bouleverse sans jamais élever la voix, ni hausser le ton au point de provoquer les larmes en parlant de joie en fin de vie pour ces voyageurs inconsolés qu’ont été sa mère, jeune veuve, et son jeune frère, craintif et peu à peu monstrueux, seul face à lui-même. L’émotion ici affleure entre les lignes. Cette poignée de pages a la densité de deux vies qui se brisent dans un assourdissant silence.

Mes fragiles, de Jérôme Garcin (Gallimard, 112 pages, 14 €).

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Publié le 2 février 2023 par
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