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Les grosses ficelles de Pierre Lemaître

Article du 30 janvier 2023

Y a-t-il un éditeur chez Calmann-Lévy pour sauver Lemaître ? Existe-t-il , là-bas, un lecteur assez courageux pour expliquer à l’auteur d’Au-Revoir Là Haut que les titres de ses chapitres ( « il y avait autre chose », « il faut que je vous parle », « là bas ce n’est pas rien… ») sont non seulement inutiles, mais carrément ridicules, et que ceux-ci n’annoncent que les grosses ficelles qui suivent ? On avait pourtant bien aimé « le Grand Monde », premier volet de la saga des Pelletier (dites « les années glorieuses »), un brin reliée à son Goncourt- on le comprend en fin de volume. Le juste après-guerre, le Liban et le commerce du savon, l’Indochine et le trafic des piastres, les cruautés de la guerre, le tourbillon de la presse parisienne : c’était le programme de la première saison, comme on dirait d’une série télé. La presse parisienne encore, un village destiné à être englouti par un barrage, les avortements clandestins, l’essor des grands magasins bon marché : c’est les thèmes – qui s’entrecroisent assez lourdement – du second volet (dont le titre « le Silence et la Colère » n’a proprement aucun sens. Ou toutes les significations que l’on veut à la fois…) qui aborde le début des années 1950. On retrouve les enfants Pelletier, François, grand reporter à succès, amoureux de la mystérieuse Nine, belle, sourde, alcoolique et kleptomane, Hélène sa soeur, amoureuse et enceinte des oeuvres de son patron, qui va devenir à son tour une journaliste à succès et rencontrer à nouveau l’amour avec le jeune Lambert avec qui elle enquête, plus Jean dit « Bouboule », serial killer à ses heures perdues, qui, de vendeur de tissus calamiteux, va se muer en commerçant à succès, empêtré dans son mariage avec l’épouvantable Geneviève, qui élève, mal, sa petite Colette et supporte une seconde grossesse dont on apprendra vite qui en est le responsable. Plus papa Pelletier, au Liban, qui parie sur le succès de son ouvrier Lucien, englué dans un trophée de boxe dont il ne peut sortir vainqueur. Il y a encore l’ingénieur Destouches qui doit signer l’arrêt de mort du village de Chauvigny et qui cache un secret. On oublie au passage d’inspecteur Palmari, Javert au petit pied. Tout cela, on l’a compris: est caricatural à l’envi. Sans doute, le troisième volet sera-t-il meilleur que celui-ci… Ce ne sera pas difficile. En attendant, on sort un peu ahuri, étourdi, sinon ébouriffé, du moins largement désorienté d’une lecture somme toute épuisante, fastidieuse et inutile.

Le Silence et la Colère, de Pierre Lemaître (Calmann-Lévy, 582 pages, 23,90 €.)

A propos de cet article

Publié le 30 janvier 2023 par

Les grosses ficelles de Pierre Lemaître” : 2 avis

  • MR

    Eh bien à défaut de vous plaire ce roman vous aura inspiré, vous vous complaisez longuement à le démolir, rien de mieux à faire ?
    Et puis, en commentaire, « un roman écrit avec les pieds » ! Je vous souhaite d’avoir ne serait-ce qu’un petit orteil de Lemaître !

  • Patrice M

    Tellement d’accord avec cette critique! Tellement d’accord que je suis frustré qu’elle soit si courte. Ce romans m’a tout de même appris UNE chose: on peut écrire avec ses pieds.

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