Les Bons Enfants
« Les enfants sages de St Julien-du-Sault »
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Ce n’est pas un restaurant, pas un bistrot, ni, encore, une maison d’hôtes: un peu tout cela à la fois, gouverné avec charme par François-Pierre Lobies. Cet éditeur, imprimeur, natif du village, a fait de l’ancienne auberge d’ici un lieu délicieux et sage. Il reçoit avec alacrité, sourit sans se forcer, sème des mots poétiques sur une carte agile qui se lit comme un sonnet. « Le plaisir de prendre un repas autour d’une table aimablement dressée, accompagné de convives charmants, dans le but de se rassasier d’une cuisine à la fois sans histoires et riches de souvenirs, de temps à autres, ce bon moment très simple, on aimerait lui donner les habits du dimanche« . On le cite avec plaisir car on a été peu habitué à ce genre de prose délicate et enlevée, qui, en liminaire, d’un menu vous aiguise l’esprit en vous ouvrant l’appétit.
Bref, il y a du Brillat-Savarin chez François-Pierre Lobies que je connus jadis chez Meneau à Vézelay, lors d’une fête de la saint cochon. Il imprima longtemps les menus des autres, avant de promouvoir et d’éditer le sien propre. Je suis revenu le voir en compagnie des Lorain, qui sont ses grands voisins amicaux de Joigny et j’ai retrouvé le personnage drôle, amical, convivial, facétieux, comme le révélait cet été un bel article de mon confrère François Hauteur dans le Figaro, au cours de sa série sur « le Bonheur d’être français ». François-Pierre Lobies a l’originalité de faire vivre son beau village dans ses quatre demeures réunies à côté de l’hôtel de ville et de l’ancienne collégiale. Il fait travailler en cuisine des émigrés d’un genre un peu particulier, japonais, passionnés de cuisine, venus ici perfectionner leur style. Son dernier chef – il vient vraiment d’arriver cette semaine – se nomme Tomonori Okubo. Il est jeune, vif, a travaillé au Myabi à Sens, chez Patrick Gauthier, ainsi qu’au Fantin-Latour de Stéphane Froidevaux à Grenoble. Deux feux follets de la cuisine moderne.
Il pratique, à l’enseigne des Bons Enfants un classicisme de bon aloi: terrine de poivrons, avec bulots, moules, crevettes, roses pris en gelée, saumon mariné aux algues et citron, suprême de volaille à la chair de tourteau et balsamique ou escargots à la bourguignonne, dans leurs petits pots au beurre aillé, dits Mamita. Il y a encore le paleron de boeuf braisé à la grenobloise avec beurre noisette lié au jus de cuisson, citron et câpres, tartare de boeuf de Charolles à l’oeuf Onsen, dit parfait, filet de canard nantais à l’orange ou rascasse comme à Antibes aux pommes de terre écrasées, olives noires, tomates, légumes méditerranéens.
C’est bon, simple, ménager, sans autre prétention que de faire, comme le précise lui même François-Pierre Lobies dans son épître en liminaire, plaisir à tous. Peu importe qu’il y ait une sous-cuisson sur le porc noir de Bigorre ou une sur-cuisson sur le canard. Car la musique d’ensemble est bonne, le lieu ravit, comme les desserts bons enfants, justifiant l’essentiel: tarte amandine aux figues et glaces vanille, vraies profiteroles, petits pots de crème vanille, caramel et café. Pour accompagner ces agapes, Lobies qui a le coeur large voit plus loin que chablis ou irancy: un santenay blanc, un côte du jura un brin oxydé ou un faugères solide et charpenté jouent les escortes solides. On passe là, vous l’avez saisi, au fil de salles toutes différents, plus restaus que bistrots, ou en terrasse, un moment heureux au coeur de la douceur française. C’est là une belle maison.