Londres : qu’est ce qui fait courir Clare Smyth ?

Article du 22 janvier 2023

Clare Smyth © GP

Elle est native d’Irlande du Nord, est devenue la reine de Londres,  la première femme anglaise à détenir les 3 étoiles (la même année que sa consoeur française Hélène Darroze  au Connaught), a oeuvré dans quatre tables trois étoiles (le Waterside Inn de Michel Roux à Bray-on-Thames, la French Laundry de Thomas Keller en Californie, la table de Gordon Ramsay sur Chelsea Hospital Road dont elle fut cheffe exécutive quatre ans durant, le Louis XV de Monaco avec Alain Ducasse), avant d’ouvrir la sienne propre.

Amuse-bouche © GP

Une manière de rappeler que Clare Smyth n’est pas n’importe qui. Elle connaît le métier par coeur, sait faire le job, court vers la réussite avec talent et ardeur. Dans sa belle table claire et lumineuse de Notting Hill, au nord d’Hyde Park, elle ordonne la danse, instille le mouvement, communique son énergie et sa passion à tous ceux qui oeuvrent à son service. Une équipe vive, drôle, rodée, veille avec soin sur cette institution encore jeune qui donne comme des lettres de noblesse à la nouvelle cuisine british. Chaque produit est bien sourcé, aux cinq coins du Royaume Uni, expliqué avec un évident souci pédagogique par une équipe motivée, relayé de la cuisine à la salle par un trio de membres de l’équipe, avec un mélange d’enthousiasme et de gaité vite communicatif.

Service de la saint-jacques © GP

Bref, voilà une table où l’on se sent vite bien, où rien n’est laissé au hasard. Le cadre dans les tons blancs, les tables revêtues de cuir clair, la mise soignée, les fleurs et plantes qui ornent les assiettes, les serviettes pliées et les plats indiquent bien que chaque plat vient, en partie au moins, de la campagne anglaise ou des côtes proches, sinon du « coeur de l’Angleterre », comme’ dirait Jonathan Coe. « Core« , le nom du lieu, désigne le coeur, l’âme, le noyau, l’essentiel. Et c’est bien de cela qu’il s’agit avec des mets qui sont comme des démonstrations de force, de goût, de savoir-faire.

Pomme de terre et oeufs de truite © GP

Le menu dit des « classiques de Core » (« Core Classics« ) est bien une sorte de résumé anthologique de la demeure. Les plaisants amuse bouche se déclinent en gougère au potiron, gelée d’anguille et vinaigre malté, aile de poulet croustillante avec bière, miel et thym, parfait de foie gras et madère ou encore toast de caviar. Le tartare de Saint-Jacques de l’île Harris, en Ecosse, présenté dans sa coquille avec un consommé de légumes marins fait une entrée digeste et fraîche.

Cabillaud et crevettes © GP

Ensuite ? La fine pomme de terre bio d’un jardinier passionné,, mariée aux œufs de truite arc en ciel et de hareng, relevée d’un léger beurre blanc relevé à la dulse – un chef d’oeuvre de simplicité assumé comme tel et procurant une émotion rare – et encore le délicat cabillaud rôti, avec ses crevettes de la baie de Morecambe, au nord-ouest de l’Angleterre, ses bettes à carde au beurre noisette qui contribuent à donner l’idée tonique et fraîche d’une cuisine iodée et végétale à la fois, vive et dans le vent.

Agneau et carottes © GP

On embraye enfin sur le bel instant carnassier du tendre agneau braisé – une variation d’un raffinement extrême sur le thème du navarin d’agneau, présenté là avec ses carottes finement émincé, dans un jus sapide relevé d’un yaourt au lait de chèvre. Il y enfin le chevreuil de la ferme de Rhug au pays de Galles, servi avec un haggis, la panse de brebis farcie, selon une antique recette écossaise revue avec raffinement, plus orge perlée, whisky Lagavulin.

Chevreuil et haggis © GP

On adresse au passage un coup de chapeau à la splendide carte des vins du monde qui s’ouvre à tous les vignobles avec un choix de domaines dynamiques. Et on loue ainsi  les jolis vins au verre qu’un jeune sommelier breton doué d’humour vous fait découvrir avec verve : fin chablis 2021 de Marcelle et Blanche Fèvre-Fèvre séducteur pinot noir 2020 de Ridge Storm, à Hernel-en-Aarde, en Afrique du Sud.

Pomme Core © GP

Les desserts, eux – et on a bien de la peine à le noter – , ne sont guère au niveau du reste, jouant le déjà vu un brin démodé,  avec cette « pomme Core » (gelée de pomme un brin démodée avec mousse de vanille un tantinet collée à gélatine, eau de vie de cidre du Somerset), gentillette, certes, mais un brin balourde, qui évoque un tantinet la fine pomme croustillante du Pré Catelan ou une composition du genre de Cédric Grolet – mais en moins fin -, ou encore cette poire à la verveine, avec meringue, sorbet poire William, gelée de verveine citronnée, aux airs de fausse pavlova sans grand relief. On aime davantage les mignardises chocolatées qui s’harmonisent avec le café. Même si ces douceurs diaphanes vous laissent un tantinet sur sa faim. Surtout pour un amoureux des desserts …

Poire et verveine © GP

Core by Clare Smyth

92 Kensington Park Rd

Londres

Tél. : +44 20 3937 5086

Fermeture hebdo. : dim., lundi, mardi midi.

Menus : 145 (déj.), 195, 215 £.

Site : www.corebyclaresmyth.com

 

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Publié le 22 janvier 2023 par
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