En juillet prochain, elle fêtera ses quinze ans de présence à Londres avec un succès qui ne se dément guère. Si elle joue plus régionale et plus Sud Ouest à Paris, Hélène Darroze est, sans nul doute, plus aérienne, on allait dire méditerranéenne, au Connaught, même si ses fruits de mer et poissons viennent tous des côtes anglaises. Avec une équipe largement italienne, le duo de charme formé par le maître d’hôtel romain, Robin Tola, en salle, le chef vénitien, Marco Zampese, présent ici depuis neuf ans, au Calandre des Alajmo à Rubano près de Padoue, mais aussi au Quadri, sur la place Saint-Marc, fonctionne à merveille.

Le cadre lui-même a été rafraîchi, modernisé, sans outrance, par Pierre Yovanovitch. Avec ses tables en bois, sans nappes, ses nuances de couleurs, en coussins et banquettes, tout en douceur, insufflant un air de jeunesse au bon vieux Connaught où jadis le MOF franco-anglais Michel Bourdin pratiquait la cuisine Escoffier, le consommé Prince of Wales et le pâté de turbot sauce pudeur. Le menu dit « Taste of Winter » (goût d’hiver) reflète bien le style maison, très franco-british dans l’air du temps.

Les petits canapés de départ, la tarte de maquereau au potimarron, citron d’Amalfi et la tuile de betterave avec son parfait de foies de volaille au poivre long et vinaigre de xérès, comme le céleri, vacherin mont-d’or et truffe noire disent assez ce qui va se tramer là. Du bon, du frais, du créatif, mais sans outrance. Ainsi le caviar Kristal qui fait un fait un formidable accord avec la crème oursin, sobacha et chou fleur.

On adore également les langoustines du Devon, crues, à peine marinées, avec radis, citron et poivre Voatsiperifery (Hélène Darroze raffole des poivres et épices en tout genre, qui relève les plats à point, sans les matraquer). Et on se régale encore des topinambours avec guanciale (bajoue de porc), main de bouddha – zestée et râpée, plus jus au café du Kenya. Tonique, en vérité!

On y ajoute ces deux morceaux de bravoure que constituent le turbot de Cornouailles au caviar Baeri, oignon catalan (« calçot« ), couteaux et aneth et encore le chevreuil  présenté sous croûte en Wellington – et cuit à la perfection-, flanqué de chou, coing, sauce Grand Veneur qui permet au service de réaliser un bel exercice de découpe stylée au guéridon.

On n’oublie pas au passage de saluer les vins au verre (franco-français), choisis avec pertinence par une jeune sommelière native de la vallée du Rhône et qui se montre éclectique avec ce splendide puligny-montrachet de Vincent Girardin, joliment beurré et noiseté, qui fait réaliser de jolis accords iodés, comme le flatteur pomerol château Nenin aux nuances sauvages et forestières, en bel accord avec le gibier.

Les desserts ne déçoivent pas, passant de la vanille de Tahiti fumée à la banane, mangue, maïs et citron au baba à l’armagnac (ceux de la famille Darroze dans trois millésimes) avec agrumes et thym, sans omettre le chocolat de Madagascar, ail noir et sobacha et le bouleversant paris-brest présenté comme une « mignardise » d’importance avec le café. Une grande maison !

 

Hélène Darroze at the Connaught