Dans le blanc avec Sylvain Tesson
Un livre d’hiver, par excellence, de randonnée à ski, d’escalade au piolet, de marche forcenée avec ses temps forts, ses (rares) moments de repos, entre Menton et Trieste. Avec le guide de montagne au nom prédestiné (Daniel du Lac), plus un compagnon de hasard découvert sur le chemin (l’attachant Rémoville), Sylvain Tesson nous conte son voyage chaotique dans la brume et le blanc, la neige et la tempête, entre risques d’avalanches et refuges sinon douillets du moins providentiels. De 2018 à 2021, en trois hivers, bravant les interdictions liées au Covid, Tesson et ses deux amis marchent, glissent, montent. Et le premier raconte avec sobriété, chaleur et charme, devisant de l’éternité durable comme du présent tourmenté, baguenaudant au fil des livres dénichés dans les chalets, avec quelques bons auteurs, de Proust à Cendrars et de Stendhal à Pascal. Ils traversent le Queyras, le Val d’Aoste, les lisières du Simplon, du Cervin et du Tessin, abordent à l’Engadine sur les pas de Nietzsche, virent vers les Dolomites, le Sud-Tirol, les Alpes Juliennes, la Slovénie et Kobarid, avant Trieste et le souvenir de Morand. Alpes grandioses, chemin noueux et escarpés, fortes montées et réflexions à l’emporte-pièce font ici bon ménage. On y apprend que « Dieu est suisse » et que les pics des montagnes ressemblent aux emballages de Toblerone. Une saine lecture pour temps froids et tourmentés.
Blanc, de Sylvain Tesson (Gallimard, 236 pages, 20 €)