Chaque mois, en partenariat avec le Marché International de Rungis, Gilles Pudlowski dresse le portrait d’un Chef qui a fait le pari de la qualité et nous livre ses secrets en matière de produits et de sourcing. Au programme : la Crème de la Crème ! Produits, Passion, Savoir-Faire, Anecdotes pour une immersion dans cet incroyable et incontournable écosystème du goût et du bien-manger.

2

La Crème de la Crème – Romain Van Thienen : « Je reste obstinément fidèle à mes fournisseurs ».

Article du 15 décembre 2022

Romain et X-A de Foïard de la Poularde St Martory © MR

Il est jeune, rigoureux, passionné. Natif du Berry, passé chez Cyril Lignac, puis au Peninsula, à l’Allénohèque avec Yannick Alléno dont il fut le chef à Beaupassage, Romain Van Thienen est un fou de gibier qu’il veut remettre à l’honneur dans ce temple de la cuisine bourgeoise, qu’est Drouant. « Le canard colvert est arrivé à la carte la semaine dernière, le faisan suivra bientôt. J’ai voulu mettre le chevreuil, mais je crois que la clientèle anglo-saxonne n’était pas encore prête à passer le pas ». Il ne cuisine pas seulement pour les académiciens Goncourt, qui se réunissent chez lui non seulement en novembre, mais chaque mois. Le midi de nombreux habitués du quartier et des bureaux proches de l’Opéra sont là, qui cèdent la place le soir à une importante clientèle anglo-saxonne.

Colvert de chasse © MR

« Depuis mon arrivée chez Drouant, dit-il, je suis très sollicité, mais je tiens à rester coûte que coûte fidèle à mes partenaires de confiance : ce n’est pas 1 ou 2 € de moins (comme on me le propose souvent) qui changeront la donne.  » Une conviction perceptible lorsqu’il évoque son rapport aux fournisseurs : « Ce que l’on achète, ce n’est pas simplement un produit, c’est un tout : expertise, écoute, sérénité, réactivité. Confiance et qualité de service n’ont pas de prix». Son terrain de chasse privilégié pour les produits : « Rungis (qui) est une ville, un paradis du goût où l’on se perd ».  Ainsi il raconte avec une étincelle dans les yeux sa première visite au Marché. « J’y suis allé la première fois avec Yannick Alléno pour voir la boucherie Metzger. A l’époque, Olivier nous a fait accomplir une visite mémorable du Pavillon des Viandes avant que l’on aille goûter leurs beaux morceaux au restaurant l’Aloyau. J’en garde un souvenir ému. Quand j’ai rejoint Drouant, j’ai tenu à emmener avec moi mes amis et fournisseurs privilégiés. Ils viennent étoffer la liste des partenaires historiques de la maison»

Perdreau rouge © MR

Romain évite ainsi de multiplier les fournisseurs « . Je suis assez pointilleux et ai souvent des demandes spécifiques et « un peu » personnelles selon les produits (découpe, poids, esthétique). Lorsque je trouve quelqu’un qui travaille bien, passionné, sérieux, à l’écoute et capable de s’adapter à mes petites « extravagances » je reste avec lui. » Il apprécie le fait de ne pas jongler entre de multiples interlocuteurs et de privilégier des achats chez des partenaires qui ont fait leur preuves pour se simplifier le quotidien. Il ajoute « Le produit a un caractère de vérité. Je fais partie de ceux qui pensent que l’on ne peut pas tricher et considère que la clientèle qui paye cher pour manger au restaurant mérite qu’on lui serve des produits de qualité.  Je prends souvent l’exemple des jus auxquels j’accorde une grande importance et que je fais tous maison. Tout comme les sauces, ce goût de la technique au service du goût, c’est un peu mon héritage Alléno. »

Romain et les St-jacques au naturel, poivre de Timut © MR

Ses fournisseurs à Rungis ? Les Halles Trottemant – pour tous les fruits & légumes – en ce moment : topinambours, artichauts, plus « les beaux épinards de Viroflay » (« dont ils proposent la meilleure version») mais aussi les cèpes, les champignons et toutes les herbes : laurier, thym, ail… qui viendront farcir le chapon star des menus de fête « J’ai ma commerciale attitrée là bas : Mounia. Elle est extra. Je peux l’appeler à la dernière minute, le soir à minuit pour le lendemain, et elle fera toujours son maximum pour me trouver ce dont j’ai besoin. Sans oublier Yamen, mon contact dans les entrepôts qui m’a filé un sérieux coup de main quand c’était la crise des cèpes » ajoute-t-il. Il y aussi la boucherie Marguerite pour les viandes (jarrets de veau, boeuf, côtelettes d’agneau de lait) . «  j’ai régulièrement des demandes spécifiques pour certains morceaux. Exemple : les jarrets de veau pour lesquels je veux un poids bien précis – 1,2 kg (et pas 1,1 ou 1,3 kg) . Il me le fait » « idem pour les morceaux de boeuf qu’il me découpe comme je le souhaite » Les qualités qu’on demande à un fournisseur : flexibilité, écoute, personnalisation en sur-mesure. Voilà ce que Romain trouve là.

Caviar et blinis © MR

Pour les poissons, son fournisseur de prédilection est Armara pour les langoustines, turbots, saumon, soles, homards bretons…  « Je traite directement avec Jean-Philippe Bataille directeur grand comptes, devenu un ami, qui insiste pour que je ne passe que par lui. Je l’appelle à 23h et il fait toujours preuve d’une réactivité incroyable. » Dernière commande en date : 10 colis de langoustines  – qui seront agrémentées à la carte d’une sauce aux épices douces. « En ce moment, j’essaye de bloquer les prix » ajoute-t-il en riant. Ajoutant encore : « leurs homards bretons sont toujours superbes. IL y a peu, il m’a livré un sacré spécimen de 3kg « un monstre » ! Comme je fais des ravioles au homard, c’était tout simplement parfait pour tailler de beaux médaillonsLa sole meunière (que j’avais un peu perdue de vue) a un succès fou. Les clients adorent le cérémonial avec la découpe »  Armara ayant le chic de les livrer en portions parfaitement calibrées. « On fait notre propre saumon fumé pour lequel je leur prends une variété bien particulière : le saumon Bømlo » pas trop gras, issu d’aquaculture à faible densité «  Je le fais en gravlax avec un mélange de baies roses, poivre de Timut, puis il reste au frigo la nuit avant d’être lentement fumé 12h avec du bois hêtre »

Colvert de chasse en deux cuissons, tomate fermentée © MR

La Poularde Saint Martory est son fournisseur pour toute la volaille et le gibier. Il l’était à l’Allenothèque dont Romain était le chef. Cette entreprise familiale basée à Ivry-sur-Seine « une localisation offrant flexibilité et réactivité pour les dépannages & livraisons de dernière minute » emploie une quinzaine de personnes. Tous leurs produits sont livrés et réceptionnés dans les frigos de Rungis et ces spécialistes du beau gibier à plume de Sologne mais aussi des viandes rouges (Angus ou Simmental) et des charcuteries de choix (Mayté dans Sud Ouest et Conquet à Laguiole) fournissent quantité de belles maisons comme Ledoyen de Yannick Alléno, le Meurice ou le Plaza Athénée.

St-jacques, poivre Timut, vinaigrette moderne, truffe © MR

Romain note encore : « le poulet frites est un incontournable chez Drouant, impossible de l’enlever. Désormais la Poularde nous fournit des superbes volailles du Gâtinais. ». Le Comptoir du Caviar – entreprise de la famille Gardinier, propriétaire de Drouant, sélectionne les meilleurs caviars, les re-conditionne tout en fabriquant son propre tarama dans son atelier à Mulcent, dans les Yvelines auquel vient s’ajouter pour les gourmets une « table de la mer » épicerie parisienne dans le 8ème au 23, boulevard Malesherbes. Chez Drouant, sont à l’honneur sur la carte, trois variétés (Osciètre, Baerii, Schrenkii) – avec les huitres, en dégustation seule avec des blinis ou encore sur la tarte fine dédiée à Romain Gary (seul double lauréat Goncourt, sous son nom et celui d’Emile Ajar). « Ce n’est pas le plus cher, mais celui que je préfère travailler en ce moment c’est le Schrenkii (Gold) », note-t-il, précisant: « il possède un grain magnifique, j’aime beaucoup l’utiliser avec les huîtres et dans les sauces »

Omelette norvégienne, flambée au Grand Marnier © MR

Pour la truffe, il fait confiance à la Maison Bellor, comme pour les champignons. « En ce moment il a « de la belle truffe noire, avec des prix qui ne se sont pas encore complètement envolés (900€ le kg) » « La blanche est encore un peu chère » « Dans le temps, je lui prenais aussi de magnifiques pigeons de Racan » Les fromages sont signés du maestro Cyrille Hardouin au marché d’Aligre dans le 12e arrondissement, fournisseur historique de la maison. Romain précise : « depuis que je suis arrivé, on travaille des sélections plus pointues (superbe brie de Meaux) et j’essaye d’étoffer avec des fromages hors des sentiers battus comme des comtés bien affinés ou mon coup de coeur du moment pour le Laguiole… En ce moment, ajoute-t-il, je fais aussi un cabillaud avec une sauce au scarmoza, un fromage fumé italien, un délice ».

Romain Van Thienen ouvrant la porte du salon Goncourt © MR

Pour le foie gras, il s’adresse à Traditions et Gourmandises à Boissy Saint-Léger spécialiste « des foies gras en sur-mesure » dont Romain fait son miel.  « Pour les menus de fête, j’ai choisi un foie gras d’oie que l’on fait maturer. Cela donne un goût totalement différent ». Enfin pour le tarama, « on le fait nous même avec les oeufs de cabillaud  » de JC David à Boulogne-sur-Mer. Ce passionné à bien cent cordes à son arc…

Souvenirs du prix Goncourt de 2018 à Nicolas Mathieu © MR

 

Drouant

16/18 rue Gaillon
Paris 2e
Tél. 01 42 65 15 16
Carte : 70-150 €
Horaires : 8h-23h
Fermeture hebdo. : Ouvert tous les jours
Métro(s) proche(s) : Quatre-Septembre, Pyramides
Site: www.drouant.com

 

 

 

 

 

 

 

 

A propos de cet article

Publié le 15 décembre 2022 par

La Crème de la Crème – Romain Van Thienen : « Je reste obstinément fidèle à mes fournisseurs ».” : 2 avis

  • Justine

    Sans jugements aucun, ce sont bien uniquement des fournisseurs / distributeurs qui sont mentionnés dans l’article, avec pour certains une étiquette de « gros supermarché de la restauration parisienne » , cela offre en effet l’avantage de la flexibilité et du tout « tout de suite » en pouvant même faire fi des saisons. Une conception ancienne de la gastronomie pour moi, par exemple quand c’est la « crise des cèpes », c’est que ce n’est pas le moment. Point. Je préfère largement des chefs ou cheffes travaillant avec des producteurs (et non fournisseurs, la différence est énorme), qui n’ont peut-être pas la réactivité d’un gros distributeur qui peut faire « tout tout de suite » mais qui connaissent bien leurs produits qu’ils produisent en respectant les saisons, les limites, la nature… Dommage cet article qui promeut ce type de restauration (le terme gastronomie devient moins adapté) , un peu à contre courant…

  • Xavier

    Bonjour,

    Très bel article, merci.

    Juste quelques rectifications à apporter au sujet de La Poularde Saint Martory :
    – Nous sommes basés à Ivry Sur Seine et non Issy Les Moulineaux.
    – Nous ne travaillons pas avec Eric Ospital mais avec Mayté dans le sud ouest, avec Conquet dans le Laguiole…
    – Nous ne fournissons malheureusement pas le Bristol mais Le Plazza Athénée, Le Meurice, La Monnaie de Paris et bien d’autres.

    Merci de attention.

    Bien cordialement,

    Xavier Arnaud de Foïard

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !