Le Bistrot du Mois – Paris 20e : le bonheur du Baratin
Est-ce le meilleur restaurant du monde ou de Paris ? D’autres ont déjà répondu à notre place. Notre ami François Simon dans le Figaro, jadis, et sur son blog, notre pâtissier chéri Pierre Hermé, le rénovateur de la cocotte en fonte Francis Staub, deux habitués du lieu, comme notre cousin à la mode de Bretagne Bruno Verjus, autrefois dans « Food Intelligence », avant de devenir le chef deux étoiles de « Table », mais aussi l’insolite Inaki Aizpitarte qui, dans son livre « Tocino de cielo« , voit en Raquel « le meilleur chef de Paris », placent ce rade improbable et sa cheffe autodidacte au sommet du genre dans la capitale. Et ils n’ont pas tort. Loin de là!
Depuis 34 ans, exactement, Raquel Carena, argentine d’origine, native de Cordoba, devenue mère parisienne sans perdre une miette de son bel accent latino, taquine le produit noble ou canaille avec la même dextérité, place l’abat réputé vulgaire en haut du panthéon parisien des gourmands, prouve, à coups de tête de veau et de cervelle, de queue et de joue de boeuf, qu’elle est bien une cuisinière artiste de son registre, tandis que Philippe Pinoteau, dit « Pinuche », qui exerce au bar l’art de la sommellerie avec la dextérité d’un montreur d’ours, vous déniche des crus de roi.
Vrai, tout ce qui se mijote ici vaut le détour et la montée vers ce haut 20e, puis la descente vers la mince rue Jouye-Rouve. Le miracle est que tout ce que proposent Raquel et Philippe est tarifé, au déjeuner, jusqu’au jour d’aujourd’hui (mais cela peut s’augmenter de 2€ en suivant le fil de l’inflation) au tarif sage de 20 €. Pour ce tarif, fort raisonnable, on vous offre, c’est le mot, à ce niveau de qualité, les oreilles de cochon croustillantes, le flan (moelleux aux oeufs) de cervelle de veau, le bouillon de poisson et ses légumes, l’estouffade de queue de bœuf au vin rouge et aux agrumes avec son fin gratin dauphinois ou encore l’exquis collier d’agneau aux épices douces.
Cela change, bien sûr, et le jour de votre venue, tout sera sans doute rayé de la carte, au plutôt effacé de l’ardoise, au profit d’autres propositions canailles. On ajoute que des produits plus « chics », sinon plus sophistiqués, comme le rouget ou le ris de veau, pour ne citer que ceux présents le jour de notre venue, figurent là en supplément ou plutôt « hors menu ». Manière de dire que si l’on peut faire des économies au Baratin, on peut venir ici casser sa tirelire. D’autant que Philippe a toujours des crus en or à vous faire découvrir et qu’on le suit aisément d’un vignoble l’autre.
Un vouvray « nature » de chez Sébastien Brunet, comme un morgon côte du py 2017 de chez Jean Foillard (un grand beaujolais au franc nez de bourgogne) vous transportent au paradis. On ajoutera que le solide se marie ici de fort jolie façon avec le liquide, que le doigté fin de Dame Raquel est d’une évidence vigoureuse et que les habitués maison qui viennent faire bombance ici à peu de frais comme les gourmets fouineurs venus le soir gentiment se ruiner savent bien où ils mettent ici les pieds.
L’art de Raquel ne s’arrête pas au salé, ni aux produits tripiers. On n’en veut pour preuve ces merveilleux desserts « bonne femme » revu à sa manière légère, comme le bouleversant fondant de poires, la délicieuse compote de pommes au citron Meyer, avec le riz au lait à la vanille, la « corona de frutas » à la mode argentine ou ce royal et si original pudding aux noix de pécan. Un ban pour le merveilleux Baratin !
Le Baratin
Menu : 20 (déj.) €
Carte : 45-75 (dîn.) €
Que du bonheur chez Raquel et Philippe !!!
Oui que du bonheur chez Raquel et Philippe !!!