Le Meurice - Alain Ducasse
« Paris 1er : la magie Bouhours au Meurice »
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Le Meurice ? On l’avait un peu oublié dans la sphère des grands restaurants de la capitale, qui n’ouvrent désormais que le soir, hélas. Le chef maison a changé, même si le signataire de la carte est le même. Sous la griffe d’Alain Ducasse, Le jeune Amaury Bouhours, 33 ans, mince comme un spaghetti, est aux commandes des fourneaux, ayant succédé à Jocelyn Herland, parti depuis au Plaza Athénée. Le Meurice est toujours un lieu un peu différent. La clientèle est très « fashion week », jeune et dans le ton de l’époque.
Dès 1932, Léon-Paul Fargue notait dans le Piéton de Paris : » il y a trois sortes de clientèle, la bonne, la mauvaise, et celle du Meurice « . Manière de dire que le client du Meurice est un original, voire un avant-gardiste. La mécène Florence Gould, comme l’artiste foldingue et surréaliste Salvatore Dali y furent habitués et pensionnaires. La salle, qui abrite le restaurant gastronomique, réplique du salon de la Paix du château de Versailles, a été revue sur le mode sobre et contemporain par Philippe Starck avec ses fauteuils façon Tulipe, créés par Saarinen pour Knoll dans années 1955-56, gardant son chic rétro et historique, avec ses fresques à la Watteau, ses marbres et stucs, ses mosaïques au sol.
La cuisine ? Drôle et dans le vent de l’époque, ducassienne certes, avec ses hommages éclairés à la tradition, mais aussi ses audaces mesurées, ses pointes de légèreté, sans omettre la faculté aussi d’offrir chaque plat en version végétalienne ou vegan. Un repas de fête ici même ? Cela démarre en fanfare avec les jolis amuse-bouche, comme l’espuma de chou rave et géranium, la tartelette au salsifis croustillant, la brioche perdue à l’œuf fumé et caviar sans omettre les chips de pattes de poulet frites.
Il y aussi l’huître N°3 de Quiberon de Renaud Sigrist avec son granité au gin, puis les légumes racines avec poire, épicéa, jus de fanes, mais aussi les saint Jacques quasi-crues, plongées dans leur jus, avec poireau, hareng et andouille de Guéméné, ou encore, ce morceau de bravoure classique recréé que constitue le superbe petit pâté chaud de perdreau et de foie gras, avec sa salade amère.
On embraye avec le homard bleu croustillant picotée de capucine et de main de bouddha, le turbot cuit sur la braise servi avec courge, relevé d’oursins et de citron de Menton, puis la poularde de Culoiseau dans le Perche au pot avec chou fleur, ail noir et crème au vin jaune, enfin le chevreuil rôti et seiche auquel l’oseille donne une amertume bienvenue et le caviar Kristal de la salinité.
On boit là-dessus des choses vives, élégantes et fines, avec le rosé de Moët & Chandon 2015 plein de fraîcheur et le gevrey-chambertin 2017 Ostrea du domaine Trapet au paroxysme du charme, sans faire l’impasse sur les beaux fromages affinés de l’expert du genre, Bernard Antony à Vieux Ferrette, avant le sauternes château Rieussec 2019 qui épouse si bien la gousse de vanille de Madagascar au charbon végétal et la noix de coco givrée et glacée au poivre des cîmes du maestro Cédric Grolet. Service rajeuni et motivé !