« Cinquante-sept ans chez Gallimard et trente-cinq ans d’enseignement et de recherche, plus de mille livres édités, sept volumes des Lieux de mémoire, quarante ans à la tête du Débat, en faut-il davantage pour justifier mon titre ?« : tout est presque dit en liminaire dans son avant-propos. Homme de débat, fondant la revue qui porte ce nom, historien et homme de pensée, « marginal central« , faisant le lien entre des gens apparemment dissemblables sinon totalement opposés, des intellectuels en devenir et des universitaires au long cours, Pierre Nora fit le succès de « Montaillou, village Occitan » d’Emmanuel Leroy-Ladurie autant que celui du « Dimanche de Bouvines » de Georges Duby. Jouant l’arbitre éclairé des discussions bagarreuses entre Claude Gallimard et Michel Foucault, entre deux fureurs, il rend au passage hommage au modeste et toujours pertinent Marcel Gauchet comme à la si précise Mona Ozouf. A 90 ans, avec ce second tome de ses mémoires, il s’affirme, à son tour, homme de lettres et de pensée, écrivain à part entière, remplaçant le plaidoyer pro domo par un sain éloge de la tolérance.

Une étrange obstination, de Pierre Nora (Gallimard, 344, 21 €).