Les chuchotis du lundi : Alexandre Gauthier le roi du Nord, l’Arborescence brille près de Lille, Pascal Hainigue quitte le Bristol, Claire Vallée jette l’éponge chez ONA, Romain Van Thienen régale les Goncourt, la Fontaine Gaillon change de mains, Marc Veyrat transmet sa Maison des Bois et s’installe à Megève

Article du 7 novembre 2022

Alexandre Gauthier le roi du Nord

Alexandre Gauthier à la Grenouillère © GP

D‘Alexandre Gauthier, vous savez tout ou presque : qu’il est l’un des grands chefs de l’époque, un créateur hors pair, le magicien de la Côte d’Opale, le sourcier et le sorcier des Hauts de France, concevant ses menus qui comptent officiellement une quinzaine d’étapes – en réalité, plus d’une trentaine – comme une photographie de sa région et de la saison, du moment présent et de celui à venir, jouant à la fois l’hommage à la tradition (« elle n’est pas le culte des cendres, mais la préservation du feu« , affirme Gustav Mahler, selon une formule qu’il s’approprie avec ferveur) et la volonté d’aller de l’avant, de jouer le modernisme à tout crin. Alexandre, lui, qui a su établir là son mini-empire, avec ses chambres d’hôtes (Pieux), son très tendance et si gourmand Grand-Place Café, sa conviviale et carnassière Froggy’s Tavern, sa classique, malicieuse et moderne à la fois, Anedocte, est devenu le petit roi paisible, à la fois suractif et apaisé, de sa région. En attendant sa prochaine table marine dans la station balnéaire de Merlimont (ce devrait être en début d’année prochaine). Mais il est bien ce cuisinier artiste qui règne en créateur exigeant et chef d’orchestre aguerri avec sa brigade nombreuse sur sa grande table de la Grenouillère à laquelle chaque visiteur ébloui promet les trois étoiles pour l’an prochain. Eric Frechon, le chef trois étoiles du Bristol a d’ailleurs clamé haut et fort, sur son compte instagram le 19 septembre dernier : « @lagrenouillere_ de @alexandregauthier_ est une immense table qui mérite très largement 3 étoiles. J’y ai fait un dîner inoubliable et émouvant. Bravo Alexandre j’ai beaucoup d’admiration pour ce que tu construis. » En attendant, Alexandre parraine les manifestations qui auront lieu en 2023, sacrant les Hauts-de-France « région européenne de la gastronomie« . Producteurs, chefs, artisans du goût variés prouvent que cette « côte d’Azur de l’Angleterre » figure bien au top de son registre, assurant la pérennité de ses traditions, valorisant les savoir-faire régionaux, transmettant un riche patrimoine culinaire aux futures générations, mariant innovation et durabilité avec talent.

L’Arborescence brille près de Lille

Félix et Nidta Robert © DR

C’est la future étoile du Nord ! Parmi les nouvelles tables qui ont émergé depuis moins d’un an du côté des Hauts-France, celle-ci semble faire l’unanimité des bruits autour d’elle. L’Arborescence à Croix ? La maison rare de Nidta et Félix Robert, lui natif de Lille, elle thaï d’origine, se sont rencontrés à l’école hôtelière du Touquet, avant de passer chez Alexandre Gauthier à La Grenouillère, à La Maison Troisgros à Ouches, chez Ryugin, le trois étoiles de Tokyo. Ils ont créé, en mai dernier, une maison singulière, à la porte de Lille, dans le village de Croix, dans un ancien « château textile » en briques, revu un écrin contemporain signé des architectes François Muracciole et Alice Muncke (à qui on doit notamment le décor de l’Anecdote d’Alexandre Gauthier à Montreuil-sur-Mer). La cuisine ? Raffinée, créative, personnelle, avec des clins d’oeil asiatiques, comme cette raviole dragon à l’anguille fumée et aubergine grillée avec son gel à l’estragon qui fait figure déjà de hors d’oeuvre signature. A suivre de très près.

Pascal Hainigue quitte le Bristol

Pascal Hainigue © DR

Il ne sera resté finalement qu’un an et dix mois au Bristol. Pascal Hainigue, pâtissier prodige, 31 ans, venu du Baudelaire au Burgundy, part mi-janvier du palace de la rue du Faubourg Sainr-Honoré, pour une destination encore inconnue. Même si l’on sait que ce sera en province. Ce natif de Colmar, formé chez Stein à Buhl, passé, dans son Alsace natale, à l’Auberge de l’Ill d’Illhaeusern, puis chez Richon à Colmar, enfin au Chambard d’Olivier Nasti à Kaysersberg, avant le George V à Paris, est un créatif sans oeillères qui sait tout faire. Pour le Bristol, en tout cas, c’était une recrue de choix dont Eric Frechon affirmait avec force : « Pascal a un talent impressionnant, mais ce que j’aime en lui c’est qu’il est avant tout un passionné, qui n’a de cesse de progresser pour se rapprocher de la perfection. C’est sans doute la clef de son travail et de sa pâtisserie, remarquable de raffinement et d’inventivité. » On lui prêtait l’envie de revenir en Alsace. Mais ce ne sera peut être pas encore pour tout de suite…

Claire Vallée jette l’éponge chez ONA

Claire Vallée en mai 2018 © GP

On vous en avait parlé il y a quatre ans déjà. Claire Vallée, native de Nancy, diplômée de l’université Montpellier en archéologie, titulaire d’un doctorat de 3e cycle, qui a envoyé ses études par dessus les moulins pour embrasser la belle carrière de cuisinière, a travaillé huit ans à Crans-Montana dans le Valais, puis un an en Thaïlande, avant d’ouvrir sa propre table. Elle a fait l’événement en devenant la première cheffe vegan étoilée – c’était l’an passé. Mais l’euphorie sera de courte durée. Malgré le succès venant après l’étoile et le flot de réservations à Arès, chez ONA (« origine non animale« ), dans sa maison douce des bords du Bassin d’Arcachon, elle se plaignait de la pénurie de personnel et surtout de la difficulté à trouver des logements pour abriter ses collaborateurs. Cette fois-ci, c’est plutôt un changement d’air dont elle affirme le besoin, lançant un grand message à ses amis, supporters et soutiens qui l’ont suivie dans son aventure avec passion, annonçant la fermeture définitive de son établissement et son départ. « Vous m’êtes apparus tout d’abord sous les traits de crowfunders, d’amis et de petites fourmis bénévoles. Puis fournisseurs, clients, équipiers, presse et pour finir institution Michelin vous ont rejoint. VOUS êtes ma famille, VOUS êtes ONA. C’est en ce sens que ONA ne peut mourir. Une famille ne s’éteint pas, elle s’intensifie, elle se soutient, elle grandit ensemble, plus forte, plus résistante que jamais. Regardez… tout ce chemin parcouru en seulement six ans. D’une question est née une action, d’une action est née une famille. Fermez les yeux … imaginez à présent tout ce qu’il est possible de réaliser ensemble ces six prochaines années ! Ah vous y êtes ! voilà … Il ne reste qu’à écrire ce nouveau chapitre et j’y crois, aussi fort que j’ai cru en ONA, VOUS. L’Humain et la vie sont incroyables de résilience.« ‘

Romain Van Thienen régale les Goncourt

Romain Van Thienen © GP

Nouvelle donne chez Drouant où le nouveau maestro de cuisine se nomme désormais Romain Van Thienen. Ce jeune ancien de chez Cyril Lignac, puis du Peninsula, qui fut chef de l’Allénohèque de Yannick Alléno à Beaupassage, puis du groupe Mersea pour le deux étoiles breton Olivier Bellin, a succédé sans heurt à Thibault Nizard, qui lui même avait pris la place d’Emile Cotte (devenu chef-patron de Bacav’). Le 3 novembre dernier, c’était son baptême du feu avec le repas des Goncourt. Il fallait un brin de diplomatie gourmande pour mettre d’accord un jury qui s’était fortement divisé, ne se départageant qu’au 14e tour, grâce à la double voix du président Didier Decoin départageant la lauréate Brigitte Giraud (« Vivre Vite » chez Flammarion) de Guliano Da Empoli (« le Mage du Kremlin » chez Gallimard) déjà lauréé par le grand prix du roman de l’Académie Française, couronnant ainsi la 13e femme en 120 ans. Le menu du jour ? La belle alliance des huîtres de chez Yvon Madec à Prat ar Coum n°2, avec son tartare de boeuf Charolais et caviar Schrenkii, les saint Jacques au naturel avec poivre Timut et amarante, les ravioles de homard avec bisque à la cardamome, poudre de corail, aspic de pinces de homard aux fleurs ou encore canard colvert avec suprême rôti, cuisse confite, tapenade, poudre d’olives, cassolette de salsifis, tomates et cébettes, avant le Brillat-Savarin truffé avec sa compotée de cassis et enfin le douillon de poire, avec crème dite « sublime » très vanillée, plus glace marron poire. Une réussite !

La Fontaine Gaillon change de mains

Joseph Effendene © GP

Ce fut la maison de Gérard Depardieu avec Laurent Audiot aux fourneaux puis celle de Marc Veyrat et de Benjamin Patou du Moma Group. La Fontaine Gaillon vient d’être rachetée par le groupe Caviar Kaspia, qui a placé une équipe qui était partiellement en place comme le chef Joseph Effendene, qui fut l’ancien sous-chef puis chef ici même, sous l’égide de Marc Veyrat. D’origine camerounaise, âgé de 33 ans, qui a travaillé chez Hélène Darroze, à l’Atelier Robuchon Etoile, à la Tour d’Argent, mais aussi au château d’Augerville dans le Loiret et à la Gauloise avenue de la Motte Picquet dans le 15e parisien, connaît tous les registres et joue ici le classique sans faille (pâté en croûte maison, foie gras et son chutney, mulet noir et jus de vin rouge, côte de boeuf fumée au foin et pommes Pont Neuf, baba au rhum ambré et crème vanillée) qui cadre bien avec le charme XVIIIe de ce lieu historique.

Marc Veyrat transmet sa Maison des Bois et s’installe à Megève

Marc et Elise Veyrat à Manigod © DR

Marc Veyrat avait promis de transmettre sa Maison des Bois de Manigod à ses enfants. C’est sa cadette, Elise, 25 ans, qui s’y colle et la reprend en la rebaptisant « le Hameau de mon Père ». Cette ancienne de l’école hôtelière Vatel, passée en apprentissage chez son père, devient propriétaire de la demeure même si son père veille toujours sur la carte et inspire les plats du futur menu unique à 130 euros qui propose une cuisine de plantes et de montagne bien dans la manière Veyrat. Ouverture prévue le 16 novembre. Le grand Marc continue lui de multiplier les projets. Il sera cet hiver à Megève en compagnie de Benjamin Patou du Moma Group, où il reprend l’exploitation de la Côte 2000, sur les hauteurs du Mont d’Arbois et propriété du groupe Rothschild. Ce nouveau « Rural by Marc Veyrat », qui se doublera d’une partie festive (« Schuss by Rural ») ouvrira pour la saison d’hiver, soit fin décembre.

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