Prunier

L’entrée © GP

Que Prunier change de style, renouant avec son glorieux passé, on vous l’avait déjà annoncé il y a quelques semaines. La maison fête son cent cinquantenaire – elle a été créée par Alfred Prunier en 1872 (c’était alors rue d’Antin dans le 2e) et sa devise était « tout ce qui vient de la mer ». Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts. La maison qui avait déménagé, en 1875, rue Duphot, a été revue par Jean-Claude Goumard et son successeur Philippe Dubois, devenant Goumard. Cette dernière enseigne vient d’être vendue et va être transformée en bureaux. En revanche, la légendaire maison Prunier continue sur le mode Art déco, millésimée 1924, sous l’historique façade de mosaïques vertes de la rue Traktir, à l’angle de l’avenue Victor Hugo dans le 16e . Le groupe Caviar House et Prunier, désormais propriété du groupe OLMA, avec Stéphane Petrossian et Philippe Der Megreditchian à la barre, a haussé le niveau, confiant la cuisine maison à Yannick Alléno.

Oeuf Christian Dior © GP

Le déco a été revue avec chic par l’architecte d’intérieur Alexandra Saguet, épaulée par les Studios Gohard et L’atelier du Mur. Et la cuisine signée du chef trois étoiles de Ledoyen, mais aussi de l’Abysse et du Pavyllon, qui a l’art de se dédoubler avec souplesse (il l’a prouvé à Pavie du côté de Saint-Emilion et à Monaco en son Pavyllon de l’Hermitage) a conçu une carte marine de haute tenue, où le caviar, issu de l’élevage maison de Gironde, est mis en valeur avec hardiesse. En cuisine, officie le chef Fabien François, ancien de l’école Robuchon, que l’on vit il n’y a pas si longtemps au restaurant Dassaï rue du Faubourg Saint-Honoré.

Huîtres gratinées au beurre maître d’hôtel © GP

La partition qui se joue ici en finesse, entre ancien et moderne, avec moult références à la grande tradition Prunier, est d’une séduction totale. Ainsi, l’exquis tarama Prunier et blinis en amuse-gueule, les jolies huîtres Cadoret, à Riec-sur-Belon, gratinées au beurre maître d’hôtel, le fameux oeuf Christian Dior avec grains de caviar et gelée de jambon, comme le saumon Balik à la parisienne « comme l’aimait Yves Saint-Laurent », caviar Saint James et mayonnaise à la livèche, font partie des nouveaux classiques maison.

Saumon à la parisienne comme l’aimait Saint- Laurent © GP

Il y a encore la provocante glace à l’artichaut et quenelle de caviar, la gelée de courge à la crème de ferme et caviar aux graines salées, les huîtres spéciales au lait d’amande et à l’aneth ou le bar de ligne à l’assiette au céleri et caviar sans omettre le merlan frit qu’ailleurs on nommerait « Colbert », mais qui se dit ici « à la façon Prunier », avec son tartare de thon et caviar. On n’omet pas, in fine, les jolies pâtisseries parisiennes  (exquis éclair au café), la glace au lait sur chouquettes et figue, ni la ganache signé Alleno & Rivoire.

Bar de ligne à l’assiette au céleri et caviar © GP

Que du bon, du très bon, du vif, du frais, du léger, à tous les prix. A grappiller au bar, au comptoir, au premier étage, revu chic et sobre, ou au rez-de-chaussée rénové en beauté sur le mode Art déco. La carte des vins, concoctée par le sommelier de Ledoyen, contient de beaux flacons, démarrant au verre à 9 €, comme ce château Campuget blanc de la famille Dalle, issu de viognier 2021 en IGP Gard, qui constitue la belle affaire du lieu. Mais les bourgogne de la côte chalonnaise ou de la Côte de Beaune du domaine Chanzy, tel le mercurey blanc le Bois Cassien ou le santenay les Cornières domaine Chanzy, valent le lever de coude. Ce Prunier nouveau a bien du charme.

Eclair au café © GP