Virginie Despentes et son « connard »

Article du 27 août 2022

On aurait voulu faire du « Despentes », on aurait appelé cet article « Chère Connasse« . Mais on ne va tout de même pas déchaîner contre nous l’ire des réseaux sociaux sous le prétexte d’un bon (?) mot. Provocateur, le titre du nouveau livre de l’auteur de « Vernon Subutex » et de « King Kong Theorie », fait justement référence à un échange de politesse sur Instagram. Rebecca Latté, femme sublime et actrice sur le retour, s’est vu traiter de vieille peau, ou à peu près, par Oscar Jayack, romancier de talent, lui-même assujetti aux foucades façon #metoo d’une blogueuse qu’il a tenté de séduire, la toute jeune et furibarde Zoé Katana, et qui se venge comme elle peut, lui attirant les foudres d’une « shitstorm ». Ennemis du franglais, s’abstenir. Mme Despentes, native de Nancy, qui a fait du chemin depuis (l’auteur de ces lignes étant de Metz, on comprendra que la remarque est amicale), donne les mêmes origines à ses héros qui cherchent à s’aérer dans les Vosges. Le gros du roman? Une vaste correspondance par e-mail entre Rebecca et Oscar, où chacun raconte sa vie, ses amours, ses emmerdes, ses dérives liées à l’alcool et à la drogue, au sexe et à la gloire passée, présente, à venir. Cela démarre par des insultes et de la haine, cela se poursuit par de l’introspection, de la tendresse, de la compréhension mutuelle, voire de l’amitié. Chacun se livre sans se ménager. Il y est beaucoup question de Corinne, soeur d’Oscar, lesbienne et féministe, combative et destructrice, chez qui ou grâce à qui nos trois personnages pourront, peut-être – n’en disons pas plus – se retrouver. C’est drôle, bavard, tempétueux, évidemment talentueux. Certes, il faut parfois faire partie de la tribu pour tout saisir. Mais sans être accro au shit, à la coke, à l’héroïne ou à d’autres substances nocives, on pourra apprécier à sa juste valeur ce roman épistolaire. Evidemment, Despentes n’est pas Madame de Sévigné. Mais ses personnages sont attachants. Ils souffrent, aiment et se blessent comme n’importe qui. La complainte d’Oscar, père maladroit, mari absent , amoureux équivoque, émeut son interlocutrice, comme les lecteurs de hasard. A noter que, dans « Cher Connard », il y a surtout « Cher »…

Cher Connard, de Virginie Despentes (Gallimard, 344 pages, 22 €)

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Publié le 27 août 2022 par
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