Illhaeusern : magique Auberge de l’Ill !
Cette auberge façon « maison de paradis », on la connaît par coeur et on la vante depuis tant et temps. Y aller comme en pèlerinage, une fois l’an, c’est s’assurer un moment de bonheur sans ombre. Marc Haeberlin, le patient et discret héritier maison, a désormais soin d’indiquer le nom de ses collaborateurs de cuisine sur la carte, illustrée d’un beau dessin du parrain et regretté Jean-Pierre. Ainsi le MOF 2011 Jean-Paul Bostoen, le sage Jean Winter, l’adjoint et second au passe Guillaume Schuller, avec lesquels il s’avance à visage découvert, renouvelant le style maison, mais sans brader les classiques ni renier l’héritage.
En lisant une carte qui fait la part belle à la tradition comme à la modernité, on hésite toujours ici entre l’ancien et le nouveau, les « plats qui ont fait la renommée de l’Auberge de l’Ill » et ceux apportées par la saison et qui changeront à la suivante. On grappille, en liminaire, au jardin – l’un des plus beaux de France, sous les ombrages, face à l’Ill, les amuse-gueule exquis : croque monsieur à la truffe d’été, maki aux œufs de saumon et cornet au caviar. On se délecte ensuite de la délicate terrine de tomates avec eau de tomate et émulsion raifort qui fait une parfaite entrée estivale, fraîche, légère, désaltérante.
Les choses continuent en finesse avec les admirables langoustines poêlées et croustillantes avec leur cannelloni de courgettes sans pâte, farci au fromage frais, puis le filet de rouget poêlé aux pois chiches et aux herbes, sauce vierge. Mais on ne fait pas l’impasse sur les classiques indémodables de la demeure, comme la terrine de foie gras d’oie servie à la cuillère, avec son confit de fruits de saison et son langhopf toasté qui donne lui à un rituel service au guéridon, et, bien sûr, la fameuse mousseline de grenouilles « Paul Haeberlin », créée par le père de Marc dans les années 1960 et qui demeure une incroyable prouesse technique où le croquant des grenouilles est « enfermé » dans un appareil à quenelle, avec une chair de sandre, plus une crème au riesling citronnée et relevée de ciboulette : à pleurer de bonheur.
On n’a pas assez louangé ici le cadre somptueux à fleur d’eau, l’accueil au plus que parfait sous la houlette simple, souriante et élégante de Danièle Haeberlin, le doigté du service de salle mené en virtuose par le discret Patrick Zuccolin. Si vous venez là le week-end, vous verrez en sus le meilleur sommelier du monde, Serge Dubs, qui commentera pour vous avec une précision éblouissante, mais sans emphase, les meilleurs crus du moment, comme le frais muscat du domaine Albert Mann, le fringant et sec riesling clos Saint Landelin du domaine Muré Rouffach, ainsi que le somptueux morey Saint-Denis 1er cru la Bussiere 2010 de chez G. Roumier au nez kirsché, rappelant que la cave maison, éminemment alsacienne, a le coeur large, à des tarifs souvent bien plus raisonnables que chez les confrères du même niveau.
Ce dernier – on parle du morey saint-denis de Roumier – , avec ses notes sauvages, se marie évidemment parfaitement avec le filet de chevreuil au champignons sauvages, flanquée de sa galette de pomme de terre à la livèche, comme avec le tendre boeuf wagyu avec sa sauce « retour de Nagoya », grattons laqués, bouillon de légumes et tamago. Il accompagnera aussi, merveilleusement, la divine pêche Haeberlin, pochée, avec son sabayon et sa glace pistache, ou encore le petit vacherin glacé grand-mère, modèle du genre ancien, toujours actuel. Mais un vieux kirsch de chez Windholtz à Ribeauvillé cuvée Lucienne fera un contrepoint ultime de grande classe. On réclame le maximum d’étoiles pour cette demeure hors pair!
Auberge de l’Ill
68970 Illhaeusern
Tél. 03 89 71 89 00
Menus : 190 (végétal), 220 (estival et dégustation) €
Carte : 200-300 €
Horaires : 12h-13h30, 19h-21h
Fermeture hebdo. : Lundi, mardi
Site: www.auberge-de-l-ill.com