Wingen-sur-Moder : les séductions du style Stradner
C’est la même maison et c’est une autre, qui a changé de chef et de directeur, demeurant dans le peloton de tête des belles maisons d’Alsace. Le chef, qui est aussi le nouveau boss de la demeure, vous le connaissez : Paul Stradner, 41 ans, natif d’Autriche en Styrie, aux abords de Graz, qui eut deux étoiles au Brenner’s à Baden Baden et travailla ici avec Jean-Georges Klein – qui a pris sa retraite l’an passé et qu’il remplace désormais en imposant son style et sa marque.
Le directeur du restaurant, c’est Hervé Schmitt, que l’on connut jadis à l’An II puis au Relais de la Poste à la Wantzenau. Il règne avec prestance sur la salle claire, moderne, imaginée par l’architecte tessinois en prolongement de la villa Art déco de René Lalique, qui abrite de belles chambres estampillées Relais & Châteaux, où se déploie un jeune service plein d’élan. La cuisine, elle, est au diapason : riche, savoureuse, esthétisante, retombant toujours sur ses pattes.
Avec cette jolie tartine aux graines de potiron – grande spécialité de Styrie – le ton est donné. Comme avec les amuse gueule en trilogie façon souvenirs de voyage : « Radler » à l’allemande (glace à la bière, mousse limonade et crème citron), tarte flambée à l’anguille fumée en clin d’oeil à l’Alsace, enfin « tafelspitz », le plat autrichien préféré de Metternich avec sa pointe de culotte de bœuf au raifort. Clair, tonique et délicieux!
Ensuite, la farandole des mets créatifs dansent la sarabande : ainsi, l’oeuf parfait, avec beurre noisette, girolles, fromage et blanc, la déclinaison estivale avec pastèque, tomate et olive, concassée, frais et en tartare, le caviar osciètre avec la truite saumonée, plus perle d’huile d’olive et mousse dashi et, comme un hommage à une boîte à bijou célèbre de René Lalique, le foie gras d’oie dit « cactus » avec rhubarbe, citron, brioche.
Il y a aussi la betterave, avec chèvre, pomme Granny et raifort, le carabinero tiédi avec crème, bourgeon de sapin et navet blanc, le sandre aux petits pois, pommes de terre et grenobloise aux câpres, puis le cabillaud des mers du Nord dit « black cod » aux poireaux, purée de pomme de terre fumée et anchois, le melon grillé aux petits pois, pomelo et reine des près.
Les instants carnassiers ? La tendre selle d’agneau revue à l’orientale avec aubergine et fleur de courgette, ail noir, pastilla, ou encore le plus régional dos de chevreuil aux brocoli sauvages, sauce orge torréfiée, gel framboise. Là-dessus, on a suivi les jolis conseils vineux de Logan Guinot-Trufley, jeune rochelais aux faux airs de Lionel Messi, qui, dans le sillage du maestro MOF maison Romain Iltis, joue l’Alsace, pas toujours la plus connue avec brio.
Frais muscat de Meyer-Fonné à Katzenthal au nez de fruit croquant, riesling iodé et « pétrolé » grand cru Kessler de Dirler-Cadé à Bergholtz ou encore somptueux pinot noir « rouge comme renard » de Henry Fuchs à Ribeauvillé, qui, en 2016, peut rivaliser sans mal avec un grand flacon de la Côte de Nuits. On n’oublie pas au passage un joli saké épousant l’oeuf parfait qui retrouve ses origines nippones (l’oeuf Onsen).
Côté desserts, le berrichon Nicolas Multon, ancien des Templiers aux Bézards, du Buerehiesel à Strasbourg, de l’Amphitryon à Lorient et de l’Arnsbourg à Baerenthal, entre en scène avec ses brillantes idées sur le thème des fruits comme ces abricots de kriegsheim en marmelade, sorbet etmousse végétale à la reine des près, rhubarbe, zeste orange et infusion rhubarbe, cerises également de Kriegsheim avec leur jus infusé au géranium, avant de brillantes mignardises. Bref, voilà une grande maison qui séduit avec panache.
Villa René Lalique
67290 Wingen-sur-Moder
Tél. 03 88 71 98 98
Menus : 90 (déj.), 130 (sem.), 180, 230 €
Carte : 200-300 €
Fermeture hebdo. : Mardi, mercredi, samedi midi
Site: www.villarenelalique.com