Trois soeurs de Laura Poggioli
Krestina, Angelina et Maria Khatchatourian avaient respectivement dix-neuf, dix-huit et dix-sept ans quand, en juillet 2018, elles ont tué leur père Mikhaïl Sergueïevitch, brutal, violent, qui avait déjà chassé leur mère de la maison après l’avoir brûlé au visage. La police de Moscou, alertée plusieurs fois sur les violences conjugales chez les Khatchatourian , n’avait guère levé le petit doigt, demandant aux protagonistes de « régler leurs problèmes chez eux ». Toute la Russie s’est divisée sur leur cas. Coupables ou non? Après avoir été, battues, violées, torturées, les trois soeurs – clin d’oeil à celle de Tchekhov – étaient-elles en état de légitime défense? Laura Poggioli se penche sur leur cas, évoque leur martyr en prenant son temps, intercalant le récit avec le sien propre, lorsqu’à vingt ans, jeune angevine d’origine italienne, amoureuse de la langue russe, elle part pour Moscou et tombe sous la coupe d’un jeune sibérien séducteur, fou de jalousie. « S’il te bat, c’est qu’il t’aime« , dit un proverbe russe. Avec ce premier roman militant, Laura Poggioli évoque le problème des violences conjugales et domestiques apparemment admises dans un pays qui a pourtant, très tôt, émancipé socialement les femmes. Passionnant, troublant, dérangeant, nécessaire.
Trois Soeurs, de Laura Poggioli (L’Iconoclaste, 251 pages, 20 €).