Il fut le premier MOF corse à la Villa à Calvi, le premier deux étoiles de l’île de Beauté. Christophe Bacquié, né en région parisienne, élevé à Lumio, a transporté son talent vibrant, ses idées subtiles, sa maîtrise technique, depuis treize ans déjà au coeur du Var dans le beau domaine du Castellet, qu’il s’apprête à quitter en fin d’année pour un lieu plus intime, toujours en Provence. L’ancien arpète de Louis Outhier à la Napoule, puis des frères Raimbault, à l’Oasis, passé également chez Prunier à Paris, est devenu à son tour un maître, transmettant son savoir à ses disciples.

Dans sa belle cuisine où il se déploie avec une équipe nombreuse, il revoit la Provence à sa manière docile, raffinée et ludique.  Les fringants amuse-gueule (cuiller d’artichaut à la verveine, tartelette de pastèque et vinaigre balsamique, murex et mayonnaise à l’air noir, sorbet christe-marine au caviar, sur lequel il râpe lui-même en salle de la poutargue) constituent un avant-goût de haute tenue d’un grand menu conçu comme un voyage en Provence en huit étapes.

Il y a les moules de la baie des Tamaris avec ces tomates anciennes, confites et légèrement brûlées, leur consommé de tomate infusée à la marjolaine, plus une exquise moule gratinée au beurre de tomate, comme un « umami provençal », puis le thon rouge, avec l’aloé vera en granité sur le caviar gold et la fleur de sureau en jus subtil, et encore ce chef d’oeuvre d’art populaire que représente cet aïoli moderne conçu au siphon, avec une légèreté aérienne, dans lequel on trempe, à la pince, poulpe tronçonné et légumes des maraîchers provençaux.

Il y a encore, sur le mode de la quenelle revisitée avec finesse, subtilité et légèreté, la fleur de courgette farcie de courgette et de dorade « beaux yeux », son bouillon de fleurs, puis la muge de haute mer, avec ses condiments méditerranéens confits pour saucer, ses courgettes comme une vague de lasagne al dente, enfin le saint-pierre cuit au beurre mousseux, flanqué de girolles en pickles et de truffes émincées (des truffes d’hiver, odorantes, venues du Chili).

Sur ces mets de roi, on joue le grand jeu des vins locaux en harmonie, comme le bandol Pradeaux Vespre rosé 2020 issu de saignée, au joli goût acidulé, le blanc Minna Vineyard bouches du Rhône, que domine le rolle, où percent roussanne et marsanne, avec ses notes déjà oxydées en 2013, l’élégant et racé grand blanc Gavaisson 206 cuvée Emotion, puis le grand rouge de Provence de Villars-sur-Var du Clos Saint Joseph d’Antoine et Roch Sassi en 2019, riche et fringant, avant le si séducteur Châteauneuf du Pape du domaine du Banneret 2017.

Avec le vin cuit de Provence du Mas Negrel Cadenet, déniché par le jeune sommelier ardéchois malicieux, Jonathan Pral, qui travailla jadis en Alsace, au Cheval Blanc de Lembach, on aborde aux desserts du brillant pâtissier ligérien, Loïc Colliau. Le calisson et son sorbet melon – une pièce d’orfèvre sucrée sur le mode provençal chic – , le chocolat infusé à l’estragon ou le biscuit à la farine de noisette jouent les subtiles prémices.

Le chocolat crémeux aux olives noires, le jardin de fraises au naturel et sa crème brûlée à la Raphaelle, qui est une chartreuse provençale, ou encore l’idylle divine des cerises rafraîchies de shiso avec le  poivre Voatsiperifery sont d’une subtilité franche et d’une fraîcheur sans faille. Voilà une grande symphonie provençale qui vous laisse l’esprit clair, le palais net et l’estomac léger. Une très grande fête en vérité!

Christophe Bacquié au Castellet

3001 Rte des Hauts du Camp

83330 Le Castellet

Tél. : 04 94 98 37 77

Fermeture hebdo. : lundi, mardi, déj. (sf sam., dim.).

Menus : 275  (déj., six escales), 310 (promenade en Provence en huit escales) €.

Site : www.hotelducastellet.net