La Crème de la Crème – Emile Cotte : « le Limousin est une mine d’or »
« En Limousin, on n’a pas de caviar, mais on a des châtaignes », Emile Cotte a fait de cette formule d’Antoine Blondin sa devise. Né à Limoges en 1989, formé au Pré Catelan chez Frédéric Anton, chez Guy Savoy, au Taillevent avec Alain Solivérès, puis chef au Meating, avenue de Villiers, puis de l’Angle du Faubourg, des 110 du Taillevent, à Paris et à Londres, dépêché chez Drouant par les Gardinier pour faire revivre la maison des Goncourt et lui redonner du sens, Emile Cotte n’a jamais oublié ses origines. Il s’est mis à son compte histoire de créer le bistrot de ses rêves (« celui que je rêverai d’avoir au bas de chez moi, où l’on sert sans chichi les meilleurs produits cueillis à bonne source« ).
Il y joue le canaille avec chic, l’ardoise avec adresse, recompose sa carte chaque jour, sert des vins de soif pour les copains qui se disputent la table d’hôtes à fond de salle. Le cahors de Combel la Serre ou la syrah la Champine de Jean-Michel Gérin sont quelques unes des pépites qu’il propose façon épicerie à emporter ou en cave à manger et à consommer ici même. Sa révolution personnelle, Emile la doit à deux facteurs essentiels : son compagnonnage avec le grand Philippe Mille, lors de son travail chez Drouant, et les contraintes liées au Covid 19. Le premier, chef MOF deux étoiles des Crayères à Reims, lui a montré le bon exemple en ne cessant de parcourir le territoire de Champagne-Ardenne pour y glaner les meilleurs produits chez les artisans les plus passionnés, dont il a d’ailleurs tiré un livre plein de ferveur (l’Ame de la Champagne). Pour le second terme, Emile a profité du confinement pour revenir au pays en enfourchant sa moto et retrouver les chemins de travers de son Limousin natal, ses copains, ses cousins, ses trésors.
« Le Limousin est une mine d’or« , clame-t-il en faisant remarquer que le veau sous la mère, les escargots, les abats, les ris de veau, la tête de veau, la cervelle ou les rognons, comme les charcuteries (notamment la gridouille, qui est une andouille au lard), le cochon cul noir de Saint-Yriex, les belles terrines, les volailles et le foie gras (ceux de son cousin Didier Cotte à Blond à Haute Vienne), mais aussi les arts de la table, avec les seigneurs de la porcelaine, comme Bernardaud, ont ici pignon sur rue, sur champs et sur marché.
Tous les produits qu’il propose à la vente ont, en tout cas, l’accent de là-bas, avec, en plus, quelques clins d’oeil sudistes au pays basque. La Gauloise, cette eau de vie verte qui constitue une sorte de chartreuse locale, produite par la distillerie du Centre à Limoges, côtoie ici le Creusois, gâteau aux noix de la Creuse, la moutarde violette de Denoix à à Brive jouxte la crème au piment d’Espelette, les terrines de là-bas chantent leurs belles chansons en compagnie des vins de partout.
Côté cuisine, Emile fait appel, bien sûr, aux artisans du marché de Rungis, dont certains d’ailleurs sont de vieilles connaissances, tel Gourmet Market pour les fruits et légumes (« il suit tout ce que je fais et ce depuis mes années chez Guy Savoy« ), Armara, aussi pour le poisson du jour, un bar, un lieu, un cabillaud ou le poulpe comme les calamars à la plancha (« ils ont toujours ce dont j’ai besoin« ), sans oublier les viandes, qui forment une sorte d’empire carnassier à elles seules. Ainsi, l’épaule d’agneau du jour, le gigot que l’on tranche en salle, le canard ou la volaille qui non seulement seront cuisinés tels quels, présentés en cocotte en fonte ou sur assiette, mais qui lui serviront à confectionner son formidable pâté en croûte, l’un des mets stars de la maison.
L’artisan des viandes à Rungis pour Emile? C’est Jean-Claude Huguenin, le champion des belles viandes sélectionnées, l’un des as de son métier, discret, certes, mais précis dans ses choix, sûr de ses produits et toujours enjoué. On n’omet pas le pain du copain Jean-Luc Poujauran, ni le beurre, la crème, les oeufs et les fromages (signés Beillevaire) de la Ferme d’Alexandre, autre opérateur de Rungis de longue main, avec lesquels il travaille la « flognarde » ce clafoutis limousin, réalisé avec des cerises en saison, une pâte à crêpes sans farine mais avec oeufs façon flan (« flogne » en patois) ou encore le splendide gâteau fondant au chocolat.
« Des maisons de confiance, » note Emile qui se fait, certes, livrer mais aime passer une fois par mois au marché, « histoire d’y retrouver l’ambiance d’un village. » La réciproque est vraie … Et au Baca’v, c’est la fête comme au village, en salle, comme à l’intérieur, près du comptoir. « D’ailleurs, précise-t-il, tous mes fournisseurs sont venus manger au moins une fois chez moi, une manière d’être sûr qu’ils ne me servent que du bon. Dans le cas contraire, dit-il en riant, ils le retrouveraient dans leur assiette ».
Baca’v
Paris 15e
Tél. 01 47 07 91 25
Menus : 15 (« plat du jour ») 30 (formule), 39 (3 services), 59 €. (5 services) €
Horaires : 12h-14h30, 19h-23h
Fermeture hebdo. : Samedi, dimanche
Métro(s) proche(s) : Les Gobelins, Jussieu
Site: www.bacav.paris