Lisez Utopia Avenue !

Article du 30 mai 2022

Attention chef d’oeuvre ! Vous allez y passer une semaine, au moins, le lire par petits bouts, les pages vont se décoller par paquets (j’en suis resté avec trois dans les mains!), la couverture, géniale, elle aussi, drôle, va se gondoler, se ramollir. Le livre, lui, ne va pas faiblir, l’intrigue ne ralentira pas. Ce sera comme un piège/sortilège qui se refermera sur vous. Et, avec lui, toute la magie, la folie, la démesure des swinging sixtees. David Mitchell, né en 1969 conte, magnifiquement, en prenant son temps, une époque qu’il n’a pu connaître. Cela démarre en 1967 dans un Angleterre que les Beatles et les Stones, mais aussi les Animals d’Eric Burdon, affolent. Quatre personnages aux origines et aux destinées diverses vont créer, avec l’aide d’un impresario canadien, Levon Frankland, un groupe éclectique, fragile, poétique, rock-pop-psychédélique. Il y a Jasper de Zoet, le guitariste solo génial et timbré, bâtard d’une riche famille hollandaise, Elf Holloway, l’organiste/compositrice libre d’allure, Dean Moss, la bassiste fils d’un alcoolique, héros de la working classe et séducteur au long cours, Griff le batteur sombre et ombrageux. Tous les quatre, si différents d’allure, démontreront comme l’explique leur premier album que « le paradis est la route du paradis« . Tout est inventé, y compris leurs titres percutants (on pense notamment à « Mona Lisa sings the blues« ), mais l’époque ne l’est pas. Passent, au moins, en silhouettes précises et seconds rôles bien campés, Brian Jones, John Lennon, Franck Zappa, Leonard Cohen ou Janis Joplin. Mille anecdotes parsèment la très résistible ascension de ce groupe passionnant et passionné. On n’en citera qu’une seule, la plus drôle, la plus jubilatoire et qui se situe vers la fin de l’ouvrage, mais qui illustre bien la cohésion de ce groupe apparemment hétéroclite :  le moment où ils se révoltent sur un plateau télé contre un animateur grossier, vulgaire, anglophobe et homophobe sur la tête duquel l’un des membres du groupe (on ne vous dira pas lequel) fracasse une guitare factice. Si vous arrivez déjà là, cela veut dire que vous aurez déjà passé plusieurs heures d’heureuses lectures. Please, ne loupez pas « Utopia Avenue », passionnant jusqu’à la fin, superbement rédigé de bout en bout, traduit avec mille malices, informé avec passion. Un chef d’oeuvre, on vous le précisait en liminaire, auquel on pardonnera ici et là quelques longueurs… mais qui se digèrent vite…

Utopia Avenue de David Mitchell, traduit de l’anglais par Nicolas Richard (éditions de l’Olivier, 752 pages, 25 €).

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Publié le 30 mai 2022 par
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