Les chuchotis du lundi : Guy Savoy convoite le Petit Rétro, connaissez-vous Rebecca Beaufour ? The Marcel selon Denis Martin à Sète, Valère Diochet à Narbonne, Mory Sacko remplace Jean Imbert à St-Tropez, Régis Campana au Théâtre Edouard VII, Lilian Grimaud à Noirieux, adieu à Jacqueline Lorain, Bernard Bach à Villemur-sur-Tarn

Article du 13 juin 2022

Guy Savoy convoite le Petit Rétro

Le Petit Rétro © Maurice Rougemont

Rien n’est encore acté, ni officiel (du moins avant fin août). Mais tout le monde (dans tout le 16e chic au moins) en parle: Guy Savoy s’apprêterait à racheter le Petit Rétro, ce bijou de bistrot tout en mosaïques classées et millésimé 1904, avec son zinc chic et alerte, ses deux salles (dont la première est authentique), sa belle cuisine de tradition et son équipe motivée. Il pourrait y placer son lieutenant Irwin Durand, en charge actuellement de l’étoilé Chiberta de la rue Arsène Houssaye dans le 8e. La cuisine future du lieu ? Elle devrait rester fidèle à la tradition gourmande d’un vrai bistrot parisien. Comme le précise avec justesse le trois étoiles de l’hôtel de l’hôtel de la Monnaie: «  dans un tel décor, on ne peut que respecter l’esprit du lieu« …

Connaissez-vous Rebecca Beaufour ?

Rebecca Beaufour © GP

Le patron du guide Michelin, Gwendal Poullennec, expliquait en mars dernier à Cognac qu’il n’y avait pas assez de femmes étoilées et qu’il désirait se pencher sur le sujet afin d’élargir sa palette. On l’envoie donc dare dare se régaler à l’enseigne de Dante, au 14 de la rue de Paradis, dans le 10e arrondissement parisien, où il découvrira la cuisine de Rebecca Beaufour. Cette jeune cheffe de 28 ans, a fait des études d’économie, en choisissant son stage en entreprise chez Alain Passard à l’Arpège où elle aura la révélation de la cuisine dont elle fera son métier. Elle suit les cours de l’école Ferrandi, repart en stage chez Passard, puis au Ritz, à l’Espadon, aux côtés de Nicolas Sale, avant le Grand Véfour avec Guy Martin, avant le Sénat où elle se frotte à trois MOF, dont le Bocuse d’Or Fabrice Desvignes, futur chef du président de la République. Elle y apprend la rigueur, l’humilité, le produit, sa saisonnalité. Voilà qu’elle reprend l’ex 14 Paradis, qui se nomma auparavant le Paradis, dans la rue du même nom, qu’elle a dédié à l’auteur italien de l’Enfer, et dont elle a fait une table de charme, contemporaine, pleine de tonus, y proposant un petit menu de midi à 28 €, mais aussi une carte plus onéreuse avec de belles assiettes à partager. Les asperges blanches avec œufs de truite et mimosa d’oeuf, le ceviche de daurade au leche de tigre, le poulpe et piquillos ou encore le bao de porc confit avec le merlu entier en croûte de sel et de thym montrent de quel bon bois elle se chauffe. Voilà un vrai talent en devenir.

The Marcel selon Denis Martin à Sète

Eric Martin © GP

The Marcel ? Vous connaissiez cette table Art déco d’allure, sise près des quais de Sète, à laquelle Fabien Fage donna son étoile. Son  second, Denis Martin, 33 ans, natif d’Avignon, qui était à ses côtés depuis quatre ans, notamment dans le groupe Charial-Baumanière, et qui a également travaillé à l’Hôtel d’Europe, puis pour Daniel Boulud au Ritz-Carlton de Montréal et chez Michel Kayser chez Alexandre à Garons près de Nîmes, l’a remplacé au pied levé avec alacrité, prodiguant une cuisine vive, créative, ensoleillée, de bon aloi, pareillement étoilée, portant haut les couleurs sétoises et celles du Grand Midi. A son programme, des idées de mer et de saison, qui chantent la gloire des coquillages et de la Méditerranée, comme un rouget signature ou une baudroie d’anthologie. En prime, le dynamique Eric supervise un comptoir avec quelques tables au légendaire marché sétois où il raconte la gourmandise locale au quotidien. Nom du lieu, ouvert tous les midis : « The Marcel aux Halles ».

Valère Diochet à Narbonne

Valère Diochet au Méditerranéo © GP

Vous souvenez-vous de Valère Diochet ?  Ce Vendéen intrépide, gagné à l’amour de l’Alsace, demeuré quinze ans sous la férule d’Antoine Westermann, au Buerehiesel, après des classes – tenez vous bien – chez Guy Savoy à Paris, Bernard Loiseau à Saulieu, le Cerf à Marlenheim, sans omettre le Négresco au temps de Jacques Maximin, puis du maestro Dominique le Stanc, fut l’artiste de la Krutenau à Strasbourg rallié aux vertus du bon rapport qualité/prix, s’affirmant comme le champion du genre, avec un menu à moins de 20 € à l’enseigne du Pont aux Chats. Depuis six ans, il avait disparu de nos écrans radars et était devenu le chef exécutif de Karl O »hanlon, au château Les Carrasses en Languedoc. Voilà qu’il est devenu le chef signataire de la demeure gourmande de haute volée au Château Capitoul de Narbonne, créé par le même investisseur irlandais. La table (le Méditerranéo) porte son nom en sous-titre, la carte est bien la sienne, même s’il bénéficie du coaching très occitan de Lionel Giraud, le deux étoiles de Narbonne à la Table de Saint-Crescent. La partition qu’il exécute, avec deux arpètes en cuisine, pour une vingtaine de couverts, témoigne d’une rigueur et d’une précision sans faille. Bref, on sent que l’étoile qui manque encore à sa panoplie est toute proche.

Mory Sacko remplace Jean Imbert à Saint-Tropez

Mory Sacko chez Louis Vuitton © LV

Un « top chef » chasse l’autre. A Saint-Tropez, sur la mythique place des Lices, Mory Sacko prend la place de « To Share » de Jean Imbert dans le cadre de l’hôtel White 1921, appartenant au groupe LVMH, sous la marque Cheval Blanc. Son concept, parrainé par Louis Vuitton, l’une des marques de luxe du groupe : un cuisine largement locavore, très végétale, mixant esprit voyage, avec les produits d’ici et épices d’ailleurs. Avec, au déjeuner,  des variations autour de l’ekiben, plateau repas légendaire des gares et trains japonais, mais aussi des taiyaki, dorayaki, grillades et kakigori, autres japonaiseries raffinées et gourmandes. Le nom du lieu : « Mory Sacko at Louis Vuitton ». L’ouverture : le 17 juin.

Régis Campana au Théâtre Edouard VII

Régis Campana et le cacio e pepe © GP

Régis Campana ? On a connu ce gentleman restaurateur, qui fut le beau fils du regretté Rocco Anfuso, au Veramente dans le 7e arrondissement parisien, où il recevait le meilleur monde de la capitale dans un cadre de trattoria boudoir pour des agapes italiennes de qualité. Le voici devenu l’hôte et le gérant de la table à succès, sous le nom de Lazzi, du Théâtre Edouard VII où officiait il y a peu Juan Arbelaez avec le Moma Group de Benjamin Patou sous le nom de Froufrou. Le lieu, en terrasse, avec ses colonnades et ses tables dressées face à son square fermé possède un côté magique. Avec un peu d’imagination, on s’y croirait  à Rome entre la Fontaine de Trevi et la Via Veneto et on pourrait y voir recréer les fastes de la Dolce Vita façon Federico Fellini. La mise de table est soignée, la carte des vins a de la ressource, les pâtes sont maison, les produits de qualité et les plats (italiens) défilent avec charme et précision. L’artichaut poivrade au parmesan est très recommandable et les spaghetti façon cacio e pepe, préparés au guéridon en sur mesure, avec pecorino romano et poivre figurent au top du genre, pas seulement à Paris, mais aussi à Rome…. Qu’on se dise !

Lilian Grimaud à Noirieux

Lilian Grimaud à Noirieux © DR

Noirieux ? A quelques pas d’Angers, à fleur de Loir, cette gentilhommière tranquille du XVIIe, avec ses annexes fermières, sa pierre de tuffeau, ses toits d’ardoise, son parc de neuf hectares, sa terrasse avec vue sur la verdure, offrant calme, douceur, repos, affiliée aux Relais & Châteaux, avait été longtemps marqué par Anja et Gérard Côme, qui en furent longtemps les aubergistes châtelains et étoilés, puis dynamisé par  Marco Garfagnini, qui, depuis, a rejoint le groupe les Airelles de Courchevel à Saint-Tropez. Le nouveau chef patron de la maison est un régional de l’étape : Lilian Grimaud, natif de Doué-la-Fontaine, qui eut jadis son étoile à Cholet, au Passé Simple, avant de devenir chef consultant itinérant. Il revient ainsi en pays angevin avec la volonté de redonner son lustre gourmand à cette noble demeure.

Adieu à Jacqueline Lorain

Jacqueline Lorain avec Catherine et Michel en 2011 au RIve Gauche © GP

Elle était notre tante bourguignonne, notre marraine faubourienne. « Je suis née dans l’Faubourg Saint-Denis/Et j’suis restée une vraie gosse de Paris« , chantait-elle à tue-tête ce refrain de Mistinguett en riant, rappelant ses origines parisiennes et populaires. Née en avril 1936, réfugiée durant la guerre avec ses parents à Joigny (Yonne), elle était tombée amoureuse à 18 ans de son cuisinier de mari qu’elle poussera jusqu’aux trois étoiles à la légendaire Côte Saint-Jacques, créée par les parents de ce dernier. Jacqueline Lorain ne fut pas seulement l’épouse de Michel durant quelque 65 ans et la maman de Jean-Michel, né en 1959, et de Catherine, née en 1965, elle était surtout une bâtisseuse, à qui on devait la déco chic du lieu dans les tons bleus (sa couleur préférée) et le fameux tunnel sous la route menant le restaurant vers le fleuve. Elle était aussi, bien sûr, une sommelière hors pair et une haute figure du monde du vin en Bourgogne, une goûteuse émérite dont son mari ou ses amis, comme Bernard Loiseau qui nous la fit connaître en 1981, vantait le « palais exceptionnel« . Un pommard clos des Citeaux de Jean Monnier, un volnay de Lafarge, de de Montille ou de Potel, un chablis de Raveneau, de Dauvissat ou d’Adhémar Boudin (comme « l’homme mort », à la GAEC  Chantemerle à la Chapelle Vaupelteigne, qu’elle contribua tant à faire connaître) lui arrachaient des commentaires justes et précis livrant des moments d’intenses plaisirs à ses interlocuteurs. Elle aura rejoint Michel moins d’an après le décès de dernier, en  juillet 2021, comme un dernier acte de fidéité. Chère Jacqueline, tu resteras présente avec chaleur dans nos coeurs. On lève nos verres en pensant à toi. Condoléances à Jean-Michel et Catherine, qui continuent ton oeuvre d’hospitalité fervente.

Bernard Bach à Villemur-sur-Tarn

Bernard Bach et la jeune équipe de la Garrigue © DR

Il « trahit » le Gers pour le Tarn ! Bernard Bach, qui a confié les fourneaux de sa maison deux étoiles de Pujaudran à son neveu et second William Candelon, ne prend pas sa retraite pour autant. Il vient d’être embauché comme chef consultant à l’Alto la table gastronomique du Château de la Garrigue à Villemur-sur-Tarn dont il devient le « coach » gourmand pour une jeune équipe au taquet. Le but? Décrocher très vite l’étoile, avec son disciple Mourad Ouabdeslam, et des mets dans l’esprit du grand Sud Ouest revisité comme le foie gras de canard cuit au parfum d’épices avec miel, poires et pignons de pin ou encore la pintade fermière de Labajeu en deux cuissons avec son cromesquis, son endive caramélisée et son jus de noix. Affaire à suivre…

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