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Les chuchotis du lundi : la Cour Jardin selon Jean Imbert, la disparition d’Antoine Alléno, une rue pour André Daguin, Thomas Cabrol le magicien de la Montagne Noire, les petits secrets de Werner Küchler, Séverine Pailhès la bonne fée de Simorre, le groupe Annie Famose reprend le Quai des Artistes à Monaco

Article du 16 mai 2022

La Cour Jardin selon Jean Imbert

Jean Imbert et son équipe à la Cour Jardin © GP

Et de trois ! Après « le Relais Plaza » et « Jean Imbert au Plaza Athénée », récemment couronné d’une étoile chez Michelin, voilà la troisième table de Jean Imbert au sein du palace de l’avenue Montaigne, cette « Cour Jardin », qui constitue sans nul doute le plus beau patio de Paris, avec sa terrasse végétalisée, son service jeune et élégant, sa carte dédiée à un jardin de Provence idéal. Le lieu garde le même esprit apparent que l’ancienne table supervisée par Alain Ducasse, avec notamment tomates et burrata (rafraîchi ici d’un granité de tomate et d’un bouillon végétal) ou le chèvre de René Pellegrini. Mais l’esprit snacking est là avec le croc’tourteau ou le pain à la tomate, le triomphe des légumes avec l’artichaut au chèvre, les fleurs de courgettes à la ricotta ou encore l’étonnant maïs/maïs/maïs. Bref, le Plaza Athénée poursuit son aggiornamento et son rajeunissement et la belle clientèle de Paris est bien là au rendez-vous!

La disparition d’Antoine Alléno

Antoine Alléno © AN

Il avait tout pour lui : la jeunesse, l’énergie, le talent, l’enthousiasme, la beauté, avait voyagé dans le monde entier, pratiqué les grandes cuisines de Lasserre, du Pré Catelan, du Clarence, du Ledoyen, du 1947, avait créé avec son père, « Burger père et fils » dans l’ex Allénothèque. La disparition d’Antoine Alléno, fils cadet du trois étoiles de Ledoyen et Courchevel, 24 ans, tué par un voleur de voiture récidiviste, a provoqué un tsunami dans le milieu de la gastronomie et des médias. De nombreux chefs étoilés, d’Alain Ducasse à Marc Veyrat, des personnalités éminentes du monde politique (Brigitte Macron, Bruno Lemaire) et du monde des affaires (comme Bernard Arnault, pdg du groupe LVMH) ont assisté en la Collégiale Notre-Dame de Poissy, à un hommage solennel d’une grande dignité rendu à Antoine et à toute la famille Alléno. Yannick dans un discours émouvant a évoqué le chauffard qui a provoqué le drame et brisé la vie de son fils et celle de sa famille. Le discours de la compagne d’Antoine, Anja, qui était sa passagère sur le deux-roues motorisé, percuté par le chauffard, a bouleversé toute l’assistance. Yannick Alléno va lancer une association portant le nom de son fils, destinée à soutenir les victimes des multi-récidivistes. Nous lui adressons, ainsi, qu’à sa famille, à Laurence sa belle-mère, à Thomas frère d’Antoine ainsi qu’à Isabelle sa mère toutes nos condoléances dans le douloureux malheur qui les frappe. RIP Antoine.

Auch : une rue pour André Daguin

La famille Daguin à Auch, vendredi 13 mai © DR

D’André Daguin, on vous a tout dit, qu’il était le mousquetaire valeureux du Gers, mettant Auch au premier plan de ses préoccupations, demandant qu’une piste de l’aéroport de Toulouse-Blagnac soit allongée jusqu’à chez lui… Il inventa le magret de canard, en ayant l’idée de prélever le filet du volatile roi du Sud Ouest pour en faire « le steak régional » qui donna ainsi ses lettres de noblesses au canard tout azimut. Sa chère ville d’Auch lui a rendu hommage, ce vendredi 13 mai, en baptisant une rue à son nom, là où jadis il recevait les gourmets du monde entier venu chez lui se faire fête. Ses trois enfants, Anne, qui créa le Petit Duc à Saint-Rémy-de-Provence, Arnaud, son fils rebelle, qui fut aussi aubergiste étoilé au pays basque, aux Platanes de Biarritz, puis dans sa ferme auberge d’Hasparren, et avec qui il publia« 1 canard 2 Daguin »,  Ariane, qui a fêté les 35 ans de d’Artagnan, sa société new-yorkaise, défendant vaillamment foie gras, magrets et produits du Gers aux USA, étaient présents, avec leur mère, pour ce baptême. Arnaud Daguin lui a rendu un bel hommage sous la forme d’un poème que nous reproduisons, in extenso, ici même. Gloire aux Daguin qui savent que « le bonheur est dans le Gers ».

« ANDRÉ…
André, un jour que j’étais jeune et con, tu m’as prédit que je finirai à la rue.
Perdu ! C’est toi !
Tu fais même encore mieux :
tu es la Rue !
Tu es la voie !
Te voilà voie !
Suivons ta voie !
Tu es Rue comme d’autres avant toi sont devenus avenue, place, boulevard, venelle, ruelle, promenade…
Déjà, tu n’es pas une artère et ça, c’est une veine !
Tu es un passage.
Un pas du tout sage !
Un absolument pas sage.
Tu as des passants et bien sûr, des passantes.
Tu es une adresse, toi qui n’en manquais pas.
Tu as des numéros, sacré numéro va!
En tant que fils, je connaissais ton côté pair.
Je vais maintenant découvrir ton côté impair.
Tu es bitume, pavé, trottoir, asphalte, caniveau…
On t’arpente, on te traverse. 
On t’emprunte… Et encore une fois on ne te rembourse pas.
Es-tu impasse, cul de sac ? Es-tu sans issue ?
Y a-t-il un quai dans ta Rue ? Y a-t-il un trou dans ton quai ?
Et dans ta Rue, y a-t-il un coin ? Dans ton cas, ça serait plutôt un coin coin !

Tiens, ça m’inspire un refrain !

Une chanson de rue, en quelque sorte :
« Ne va jamais
pisser au coin
De la rue Daguin,
coin coin coin coin »
(S’il y a ici un artiste pour me la mettre… Pour me la mettre EN MUSIQUE, je suis chaud)
Bref. Pour conclure, André, tu es maintenant une rue et c’est très bien.
Être une rue c’est beaucoup mieux que d’avoir l’air d’un pont !)

Arnaud Daguin »

Thomas Cabrol le magicien de la Montagne Noire

Thomas Cabrol © GP

Dans le Tarn, côté Sud, entre Causse et Montagne Noire, dans un environnement de pins, une villa et son cuisinier artiste, pur autodidacte, fut élu meilleur bar à vin du monde trois fois à Toulouse : c’est Thomas Cabrol, qui a ouvert la Villa Pinewood. Il y a là trois chambres contemporaines, une piscine, puis la table ouverte cinq soirs par semaine, seulement, du mardi au samedi, avec ses douze couverts au comptoir, face à la cuisine ouverte et à un écran plat pédagogique, qui décrit, vante et raconte tout ce qu’on mange. Anne, l’épouse de Thomas, le relaye au service des vins. Chaque assiette est peaufinée, bichonnée, comme une sorte de moment ludique et artiste. Les produits sont d’exception, les goûts sont nets, les cuissons parfaites. Le menu est unique. Le choix de vins varie. Les petits accompagnements frôlent aussi la perfection comme ce pain confectionné ici même avec un levain rafraîchi chaque semaine avec un verre d’Yquem, ce tartinable aux chénopodes, ce beurre à la berce spondyle, cette crème fermière à la vanille boréale aux fleurs de mélilot. On ne va pas vous raconter toute la carte avec sa dizaine de belles assiettes où le végétal est en fête, les herbes, les plantes et les graines de la Montagne Noire. Sachez que, voilà en tout cas, « la » table du moment à découvrir pour qui veut s’étonner entre Toulouse et Pau.

Les petits secrets de Werner Küchler

Cela s’appelle « 25 avenue Montaigne », cela paraît le 18 mai chez Albin Michel, et ce sont les mémoires en forme de « petits secrets », savamment distillés de Werner Küchler qui, fut, durant près d’un demi-siècle, le directeur irremplaçable et irremplacé du Relais Plaza au Plaza Athénée. Gainsbourg et ses dîners tardifs et musicaux qui n’en finissaient pas, Alain Delon récalcitrant au dress code de la maison qui finira par enfiler un blazer, Pierre Bergé qui reçoit une gifle violente d’un dîneur – que Werner aurait pu empêcher -, une princesse  qui s’éprend de ce crooner joli cœur, beau comme Curd Jürgens, des bacchanales très érotiques auxquelles se livrent un groupe de rock et leurs groupies dans une suite et que le jeune Werner est invité à rejoindre : voilà, entre autres anecdotes joyeuses, ce que l’on découvrira dans ce plaisant livre d’heures qui se lit comme un roman vrai et une suite de confidences distillées à mi-voix. La gastronomie n’y est pas oubliée, ni les chefs de la maison, même s’ils passent là en figures d’ombres. En vedette, le public qui a du talent et les « people » qui donnent au Relais son air de paquebot Art déco passant les modes avec talent. The show must go on… Voilà ce que nous apprend le délicieux Werner, qui conte ici l’odyssée d’un jeune bavarois débarqué sans le sou et sans ses papiers (dérobés durant le voyage par un malandrin) dans la capitale, qui passera sa première nuit parisienne sous le pont Alexandre III avant de devenir à son tour un des rois de la ville lumière. Ce livre, qui relate une success-story vive et joyeuse, traversée par des moments de doute et quelques drames, rompt assez finement avec la chronologie. Si bien que passée la page ultime, on a bien envie d’entendre les autres secrets du roi Werner…

Séverine Pailhès la bonne fée de Simorre

Séverine Pailhès © GP

La belle émotion gourmande du village historique de Simorre, avec son église revue en château néogothique par Viollet le Duc, ses demeures à colombages, sis à 35 km d’Auch : celle qu’offrent Séverine et Arthur Pailhès dans leur « BAO » (comprendre le Bouche à Oreille). Elle, parisienne et ancienne danseuse, autodidacte fervente en cuisine et ex-stagiaire chez Alain Passard à l’Arpège, lui, régional de l’étape, ancien libraire à Roussillon en Vaucluse, reconverti en aubergiste multiforme, vantant avec verve les vins naturels d’ici et de guère loin, forment un duo de choc très performant. Ces deux passionnés font de leur café de village, qui joue également la salle de concert et le lieu de rencontres, un QG gourmand de qualité. Le prix des menus filent doux (16,50 € au déjeuner!), les assiettes sont belles fines et choisies. Ainsi l’exquise feuille de blette farcie d’asperge, lait d’amande, huile de livèche, la basse côtes de vache jersiaise gersoise bio maturée, flanquée de sa purée de pommes de terre fumée, de petit légumes du potager comme ces petits pois croquants et parfumés et, en issue, le petit chou a la crème aux herbes du potager avec son coulis de fraise et son sorbet rhubarbe citron fermenté. On en reparle vite!

Le groupe Annie Famose reprend le Quai des Artistes à Monaco

Francis Poidevin et Pascal Rambaud © AA

Insatiable ! Avec plus de vingt-cinq restaurants à Courchevel, Avoriaz, Biarritz, Saint-Barth et Saint-Tropez dont La Petite Plage et l’Italien, dont la carte est signée par Éric Frechon, le Café sur la place des Lices, le Girelier, l’Opéra, le groupe de restauration dirigé par David Brémond et présidé par sa mère Annie Famose, ancienne championne du monde de slalom et double médaillée aux Jeux Olympiques, s’apprête à investir Monaco. Il reprend au pied du Rocher, le Quai des Artistes de Francis Poidevin et Pascal Rambaud, sorte de Coupole monégasque avec son cadre Art déco, ses plats canailles et son banc de fruits de mer. Le premier a fait ses armes au Camélia à Bougival dans la brigade de Jean Delaveyne, et fut chef de Jean-Pierre Coffe à La Ciboulette avant le Café de la Jatte à Neuilly. Le second a ouvert le Pacific Palissade dans les Halles et le Totem au Trocadéro. Avec la vente de leur restaurant, c’est 28 ans de travail en commun qui s’achève, mais aussi d’autres opportunités à venir. Jusqu’à la fin de l’année, le restaurant restera identique à lui même, avant que d’importants travaux lui donnent une nouvelle identité.

A propos de cet article

Publié le 16 mai 2022 par

Les chuchotis du lundi : la Cour Jardin selon Jean Imbert, la disparition d’Antoine Alléno, une rue pour André Daguin, Thomas Cabrol le magicien de la Montagne Noire, les petits secrets de Werner Küchler, Séverine Pailhès la bonne fée de Simorre, le groupe Annie Famose reprend le Quai des Artistes à Monaco” : 4 avis

  • Merci, cher Gabriel, de votre intérêt. La route, on la faite puisque la photo est signée de nous. On vous en parle très vite. Un peu de patience… Un chuchotis n’est pas une critique…

  • Gabriel

    La Villa Pinewood on aimerait en savoir davantage!! Une visite s’impose. D’autant plus que c’est davantage entre Castres et Mazamet, que sur la route de Pau à Toulouse. Gilles, prenez la route et racontez nous en détails!

  • Lionel

    Il est a mourir de rire ce poème, merci!

  • Merlin Gilles

    Très intéressant
    Super condensé. Très pratique

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