Les chuchotis du lundi : Romain Meder à Primard, Fabrice Giraud chez Beslay, Camille Saint M’leux à la Villa 9 Trois, Nicolas Lormeau à Bizanos, Dominique Bouchet quitte Paris pour Tokyo, Martino Ruggieri arrive, Jean Imbert on the road again, Jean-Louis André historien de la France à table

Article du 11 avril 2022

 

Romain Meder à Primard

Romain Meder © Nathalie Carnet

C’est la nouvelle gourmande de la semaine passée : l’arrivée de Romain Meder à Primard. On avait connu les débuts gourmands sous la houlette d’Eric Frechon de ce beau domaine signé du groupe Fontenille et ancienne propriété de Catherine Deneuve à Guainville, en Eure-et-Loir, à une heure de Paris, côté ouest. Ce sera à l’ex chef d’Alain Ducasse au Plaza Athénée, formé chez Potel et Chabot, puis comme sous-chef chez Hélène Darroze, qui, depuis 2006 a intégré le groupe Ducasse, travaillant notamment à Doha et à l’île Maurice, de faire ses preuves, sur un mode végétal, avec céréales et légumes issus des potagers de Primard sur un mode « naturalité » qui n’est pas sans évoquer sa manière au Plaza Athénée avec AD. Ajoutons que Romain Meder avait lancé Admo, expérience éphémère et ducassienne au restaurant les Ombres au Quai Branly, avec Albert Adria, et qu’il demeure chef consultant et associé chez Sapid, qui délivre une cuisine « terrienne, nomade et durable » au 54 Rue de Paradis. Manière de dire qu’il ne quitte pas totalement le groupe Ducasse. Premier service signé Romain Meder chez Primard le 11 avril prochain.

Fabrice Giraud chez Beslay

Fabrice Giraud © GP

Fabrice Giraud? On connaît de longue main ce « mercenaire de la cuisine », quinqua et expérimenté, qui fut durant plus de six ans le maestro de la Maison Blanche avenue Montaigne, après avoir oeuvré chez Alain Ducasse à Monaco, aux côtés de Jean-Louis Nomicos à la Grande Cascade, mais aussi au Château Grand Barrail à Saint Emilion, avant de passer au Shangri-La à Shanghaï puis à Istanbul, et avoir été formé à Londres chez Andrew Harvey. Ce quinqua natif de La Ciotat, qui a gardé l’accent du soleil, témoigne d’une maîtrise technique sans faille. Voilà qu’il met son talent au service d’un neuf hôtel de charme du 11e, sise dans une ancienne fabrique de chaussures dont il a gardé l’aspect de loft devenu champêtre (l’hôtel des deux Girafes), dont la table séduisante et contemporaine joue la bistronomie de belle tenue. Ses menus sont alléchants, ceux de midi sont des cadeaux (26 et 32 €) et toutes ses propositions sont fines, légères, fraîches, épatantes. On en reparle. En attendant voici l’adresse : 67 avenue Parmentier. Et le tél. : 01 83 75 11 71

Camille Saint M’leux à la Villa 9 Trois

Camille Saint-M’leux © GP

C’est un chef de 26 ans qui fait souffler un vent (de Bretagne) de force 5 sur le 9.3. Dans la belle villa années 1920 qui porte ce nom (Villa 9 Trois) , dans son jardin, comme un îlot de charme au coeur des demeures modernes et HLM de Montreuil et de la Seine-Saint-Denis, le jeune Camille Saint-M’leux joue sa partition fraîche, légère, subtile, iodée aux couleurs du grand Ouest. Natif de Nantes, avec des ancêtres malouins (son nom dérive de celui de la cité corsaire), ayant travaillé à Londres chez Brett Graham au Ledbury, à Paris au Taillevent avec Alain Solivérès, au Shangri-La avec Christophe Moret et le pâtissier Michaël Bartocetti, mais aussi et surtout au Cinq avec son compatriote breton Christian Le Squer, sans oublier de voyager en Australie, ce « coming man » du grand ouest mérite déjà plus d’une étoile… qu’il n’a pas encore. Le maître d’hôtel-sommelier Jérémie Chemama vous fait miroiter toutes les belles bouteilles d’une cave imposante; manière d’accompagner avec entrain une cuisine vive, légère, subtile, dans le vent de l’époque, très « Bretagne nouvelle vague ». Sur le thème des coquillages, des poissons, des oursins, c’est une vraie fête marine qui se propose là. On y revient vite.

Nicolas Lormeau à Bizanos

Nicolas Lormeau et Laure Puech © GP

La table qui monte aux abords de Pau, sur le mode gastronomique? Celle de Nicolas Lormeau, à Bizanos,  qui a déménagé son « Esbérit » sur la route de Tarbes. Ce Gersois de 37 ans, né à Condom, formé chez Michel Trama à Puymirol, passé chez Gilles Goujon à Fonjoncouse, Gérald Passédat à Marseille et chez Bernard Bach, dans son département d’origine, au Puits Saint Jacques de Pujaudran, a investi avec chic une ancienne maison particulière qui fut une école franco-américaine fréquentée par Saint-John-Perse, alias Alexis Léger, qui résida non loin. La façade a le chic néo-colonial, avec sa vue sur le jardin. L’intérieur est moderne, cosy, aménagé avec charme. La cuisine se laisse deviner depuis sa baie vitrée donnant sur la salle. Un large menu du midi à 39€ permet de faire le tour de la question et deux le soir (à 50 et 75 €) démontrent plus avant les ambitions du chef, qui eut jadis un bib gourmand et guigne ici l’étoile. Et les conseils vineux de la sommelière Laure Puech sont précieux. Affaire à suivre !

Dominique Bouchet quitte Paris pour Tokyo, Martino Ruggieri arrive

Dominique Bouchet en cuisine © DR

Il quitte Paris pour Tokyo, où il dirige une table prestigieuse portant son nom. Dominique Bouchet, charentais discret, formé chez Joël Robuchon, passé à la Tour d’Argent, au Crillon, au Moulin de Marcouze, star au Japon avec deux étoiles, étoilé discret face au marché de l’Europe, a vendu sa maison. Il en confie les clés à Martino Ruggieri, 35 ans, natif des Pouilles, qui fut le candidat italien au Bocuse d’Or en 2019, et qui était jusqu’ici chef adjoint de Yannick Alléno chez Ledoyen.

Martino Ruggeri en cuisine© DR

Jean Imbert on the road again

Jean Imbert sur le VSOE © DR

Saint-Barth (Cheval Blanc), Saint-Tropez (To Share), Paris (la grande table du Plaza Athénée, le Relais Plaza, Monsieur Dior, Sables où il conseille de loin son frère Léo et le copain de ce dernier) ne lui suffisent plus … Voilà l’infatigable Jean Imbert reparti sur les routes. Depuis quelques mois, il publiait des photos sur son compte instagram en compagnie de ses amis,  comme Omar Sy, JR ou Pharrell Williams, le montrant cuisinant sur le VSOE. Le voilà donc devenant officiellement le chef exécutif de ce train de prestige qui relie Paris à Venise et à quelques autres cités de rêve. Il s’en explique avec précision. « Cela fait deux années qu’avec les équipes du « Venice-Simplon-Orient-Express » et les miennes nous travaillons sur ce projet. Jamais je n’oublierai l’héritage de ce train, mais nous sommes repartis d’une feuille blanche en changeant la vaisselle, la lumière, la direction artistique etc.. et après plusieurs voyages tests nous démarrerons samedi 23 avril prochain avec un Rome-Paris et pour plusieurs années de voyage! Merci -LVMH & Belmond, Andrea, Dan, Gary, Pascal et toutes les équipes de me faire confiance, votre train est mythique et nous allons tout faire pour être à la hauteur de sa légende »

Jean-Louis André historien de la France à table

Cela s’appelle « Dis moi ce que tu manges » et le sous-titre est explicite : « Une histoire de la France à table ». En 230 pages, Jean-Louis André, normalien, gastronome, réalisateur et auteur de documentaires sur FR3 et Arte, journaliste au Monde et à Saveurs, écrivain ayant rédigé d’excellents livres entre promenades et gourmandises (le Passant de Paris, Cuisine des Pays de France, le vrai goût de New-York), dresse un bilan des Français à table, depuis 1945, de leurs habitudes alimentaires, de leurs modes, de leur prise direct avec la modernité. Tout y passe, de l’influence de la nouvelle cuisine, du rôle de Paul Bocuse pour faire sortir les chefs de leurs fourneaux et de les passer au rang de stars. L’anecdote s’y mêle à la réflexion, l’expérience personnelle donne chair à la statistique et nourrit un récit passionnant, vif, lucide, riche d’enseignements variés. Si l’on mange aujourd’hui moins et mieux, c’est que le cheminement fut difficile. Ce livre riche et bigarré en rend compte avec brio.

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