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Les chuchotis du lundi : Michelin France 2022 : la belle fête et le grand foutoir, où sont les femmes ? Alain Ducasse plaide pour la France, carton plein pour Stéphane Manigold, le Fouquet’s à New York, Benjamin Brial à Genève, un Bouillon Chartier gare de l’Est

Article du 28 mars 2022

 

Michelin France 2022 : la belle fête …

Le triomphe des 3 étoiles © GP

Le lancement du Guide Michelin France 2022 mardi dernier, 22 mars, à Cognac : une fête gourmande, avec les maisons de spiritueux (Martell et ses ateliers de mixologie, Courvoisier, Rémy-Martin, Hennessy) en vedette, les produits des deux Charentes, la maritime et la terrienne, en ligne de mire, avec annonce des résultats en grandes pompes au théâtre de la ville par le directeur du guide Gwendal Poullennec, raide comme la justice, mais sans doute moins ampoulé qu’à l’ordinaire. Ce fut, en tout cas, une réussite médiatique, avec son lot d’influenceurs rapportant de belles images, des journalistes rendant compte très vite et avec emphase des promotions nombreuses, celles des deux « trois étoiles » – celle annoncée et prévue de longue main du chef et saucier virtuose Arnaud Donckèle au Cheval Blanc Paris, celle – surprise et très applaudie de Marielle et Dimitri Droisneau à la Villa Madie de Cassis, plus six nouveaux « deux étoiles » et quelque quarante et un nouveaux « une étoile », dont celles, remarquées, des frères Pourcel qui signent leur grand retour à Montpellier, celle, qui aurait pu être double, de Jean Imbert au Plaza Athénée, sans oublier les six nouvelles étoiles en Bretagne… mais où l’on note sept chutes d’étoiles en parallèle. On relève d’ailleurs 55 suppressions d’étoiles, même si une moitié d’entre elles correspondent à des changements de concept ou des fermetures. D’autres, qui constituent des rétrogradations pures et simples, comme celles de Jacques Chibois à la Bastide Saint-Antoine à Grasse ou de Anthony Jéhanno de Terre Mer à Auray, laissent perplexe… Et gâchent un tantinet la fête…

Les frères Pourcel et Jean Imbert à Cognac © GP

Michelin France 2022 : le grand foutoir

 

Le guide Michelin France 2022 ne se contente pas d’être collector. Il a le mérite d’exister physiquement, d’être vendu en librairie 25,90 € (pour 1114 pages). Mais c’est peu de dire qu’on ne s’y retrouve plus guère. Jadis, on l’achetait pour l’avoir sur son bureau, sa valise ou sa voiture et y chercher les adresses les plus diverses avec clarté. Aujourd’hui, s’il se veut novateur, apportant des éclairages sur les chefs ou les produits, se référant, comme l’an passé, à une classification régionale et non plus alphabétique, il semble se tirer une balle dans le pied en supprimant purement et simplement ses « assiettes » qui définissaient les bonnes tables sans étoile,  et surtout les couverts, qui, de un à cinq, certains en rouge pour le charme, définissaient sinon le style, mais le degré de confort, entre simplicité et luxe de l’établissement, mais encore les hôtels, qui ne sont désormais plus consultables qu’en ligne. Inutile donc d’acheter le guide rouge pour trouver un établissement simple et une auberge sans chichi… Certaines régions semblent ainsi réduites à la portion congrue cette année et ne semblent pas avoir été visitées, comme l’Alsace, sans nouveauté aucune, même si certaines maisons ont été gratifiées d’un hochet de rattrapage, comme ce titre de meilleur sommelier  à celui de Julien Binz à Ammerschwihr et cette étoile verte de l’éco-responsabilité à la Table du Gourmet de Jean-Luc Brendel à Riquewhir. C’est maigre pour une région qui fut jadis la plus étoilée de France … Alors que Auvergne-Rhône-Alpes et PACA, avec huit « trois étoiles » chacune, affirment fièrement leur primauté côté province.

Michelin France 2022 : où sont les femmes ?

Rébecca Lockwood à l’Agapé © GP

« Nous aurions aimé récompenser plus de femmes« , a déclaré le directeur du guide rouge Gwendal Poullennec au théâtre municipal de Cognac, en ouverture de sa remise des étoiles. Notre consoeur Estérelle Payany de Télérama, note ainsi que, «  cette année encore, le Michelin a oublié les femmes. Enfin, pas tout à fait : Pic et Darroze ajoutent chacune une étoile de plus à leur brillant palmarès (vous noterez que je ne les ai pas appelées par leur prénom), et l’on ne peut que se réjouir qu’Alessandra del Favero décroche sa première étoile partagée avec Olivier Piras du Carpaccio (au Royal Monceau). Mais enfin. Trois femmes pour (laissez moi compter) 49 nouvelles étoiles : 6,12%. Et dire que ces dernières années, on en était presque à se réjouir quand on frôlait les 10%. Voyons, ne lâchons pas le mot quota, qui risquerait de faire douter du talent de celles qui pourraient en bénéficier. Questionnons-nous plutôt et toujours sur la grille de lecture du Michelin : oui, la gastronomie française telle qu’elle est ici représentée est mâle et blanche. » Citons parmi les postulantes à une étoile Charlotte Bringant chez Allard comme Alessandra Montagne chez Nosso à Paris, Sophie Reigner de Iodé à Vannes. Mais aussi Georgiana Viou à Nîmes. Et, pour le second échelon, notons que Lydia Egloff patiente depuis trop longtemps à la Bonne Auberge de Stiring Wendel à Vienne, Virginie Basselot pourrait retrouver celle qu’elle détenait il y a peu au Négresco à Nice, que Adeline Grattard fait feu de tout bois chez Yamtcha aux Halles à Paris, comme Amélie Darvas à Vailhan dans l’Hérault chez Aponem et que la nouvelle cheffe de l’Agapé dans le 17e, Rebecca Lockwood, que nous évoquions la semaine passée, pourrait bien créer la surprise l’an prochain. Allez, Gwendal, un petit effort pour traduire vos paroles en actes !

Alain Ducasse plaide pour la France

Alain Ducasse et le Michelin © GP

Il est l’un des rares chefs qui « ose l’ouvrir » et donner le fond de sa pensée lors des sorties du guide rouge, conserve son franc-parler et ne bride pas sa liberté d’expression. Un palmarès ne lui plaît pas ? Il le dit. Jadis, c’était en 2016, il avait tancé en scène Claire Dorland-Clauzel et Michael Ellis qui n’avaient pas accordé trois étoiles, mais seulement deux, à Joël Robuchon à la Grande Maison à Bordeaux. Cette fois, il a clairement dit son fait à Gwendal Poullennec en des propos rapportés par notre confrère Laurent Guez des Echos : « Après l’annonce du palmarès, hier soir, le chef le plus étoilé du monde a signifié son mécontentement à la direction du Michelin. Alain Ducasse, qui a décroché un macaron pour son nouveau restaurant à l’hôtel Le Grand Contrôle de Versailles, a réclamé vertement à Gwendal Poullennec, le directeur international des Guides, plus de “générosité” dans sa distribution d’étoiles. “La France est le pays de la gastronomie, a-t-il argumenté, entouré de quelques amis triplement étoilés. Il aurait fallu attribuer une troisième étoile à Jérôme Banctel, à Jean-François Piège, à Alexandre Couillon, à Alexandre Gauthier !” Pour le directeur du Guide, les étoiles sont décernées avec les mêmes règles partout dans le monde, donc pas question de favoriser la France. » Alain Ducasse, n’hésite jamais à dire tout haut ce que le petite monde de la gastronomie pense tout bas.

Carton plein pour Stéphane Manigold

On n’arrête pas Manigold ! Le patron du groupe Eclore a fait carton plein, mardi dernier à Cognac, remportant trois étoiles, pour ses trois jeunes maisons gourmandes et ses chefs dans le vent : Matthias Marc chez « Substance », Tom Meyer, le surdoué du groupe, avec « Granite » (à qui l’on prédisait déjà deux étoiles, et le duo Kevin de Porre et Erwan Ledru pour « Contraste » ont pu fêter ensemble leur victoire mardi soir au Chai Monnet, en compagnie des autres nouveaux étoilés. On ajoute que la Maison Rostang, où exerce le chef mis en place jadis par Michel Rostang, Nicolas Beaumann, a conservé ses deux étoiles. Ce qui fait, si on compte bien, cinq étoiles pour un gourmet/gourmand ambitieux et malicieux, jadis directeur des ventes chez Audi à Mulhouse, quasi inconnu sur la planète « Food », il y a seulement quatre ans, et devenu depuis, le meilleur interlocuteur de la profession auprès des pouvoirs publics. Stéphane Manigold, qui a été élu président de la branche restauration Umih Paris et Île-de-France, vient de publier un ouvrage au titre éloquent (« Vivre ses rêves afin de rêver de sa vie« ) où il conte ses passions, ses combats, revenant sur ses origines modestes, celles d’un gosse de la Zup de Mulhouse, placé en famille d’accueil, puis en foyer, devenu ce touche-à-tout passionné, travailleur et exigeant, doté d’une incroyable force de vivre et d’une souveraine volonté de réussir qui convainc sans mal ses interlocuteurs. Son livre qui évoque son itinéraire, l’enfance dans les quartiers pauvres, un premier travail dès 11 ans sur les fêtes foraines, l’accumulation de petits boulots, comme livreur de pizzas, animateur radio, DJ, enfin responsable grands comptes automobile, avant d’être restaurateur frappé par la crise économique due à la pandémie qui devient le porte-parole de la profession, se lit avec passion. Et on attend déjà Stéphane Manigold pour ses prochains projets. Notamment chez l’ex-Tante Marguerite du groupe Loiseau, rue de Bourgogne, pour lequel il a embauché Victoria Boller, l’ex seconde de Virginie Basselot au Négresco, qui sera la première femme cheffe du groupe Eclore. Rendez-vous mi-avril.

Le Fouquet’s à New York

Roof Top du Fouquet’s NY © DR

Ce sera l’événement hôtelier de la fin de l’été à New York : l’ouverture d’un hôtel Fouquet’s Barrière dans Tribeca, avec 97 suites et chambres (dont 65 chambres, 29 suites, plus un penthouse), sur 8 étages, décorées par le designer Martin Brudnizki dans un style glamour et flamboyant,. On y trouvera divers espaces de restauration dont une brasserie Fouquet’s, ouvrant sur Desbrosses Street, à la carte franco-française, mais avec des produits US, signée Pierre Gagnaire, une formule plus simple, mais non moins soignée, le « Par Ici Café », plus un renversant « roof top » très panoramique  qui devrait constituer l’une des belles surprises du lieu.

Benjamin Brial à Genève

Benjamin Brial © DR

Il fut le premier chef du Lutetia nouvelle manière, venu de Londres et du Four Seasons. Benjamin Brial, qui avait quitté le palace de la rive gauche l’an passé, était devenu consultant itinérant. Le voilà enfin arrimé à une nouvelle adresse de prestige: la Réserve à Genève, où il sera chef exécutif et aura notamment en charge la table gastronomique maison, le Loti. Recruté par le DG Didier Bru et Michel Reybier le propriétaire du groupe la Réserve soi-même, il aura pour mission de développer le nouveau concept de restaurant axé sur les voyages et le lancement du restaurant « Le Lodge » qui ouvrira en juin pour la saison, en apportant sur l’ensemble des cuisines, son expérience acquise entre Shanghai, Hong Kong, Londres et Paris.

Un Bouillon Chartier gare de l’Est

Christophe Joulie au zinc du Bouillon Chartier Gare de l’Est © GP

Après le succès  du Bouillon Chartier historique des grands boulevards et celui, plus récent, du boulevard Montparnasse, ex Rougeot, ex Assiette au Boeuf, ex Brasserie Montparnasse 1900, qui a conservé son cadre Art nouveau, Christophe Joulie transforme son Batifol, face à la gare de l’Est, qui se nomma longtemps la Strasbourgeoise, en « Bouillon Chartier Gare de l’Est ». Réouverture prévue, après travaux techniques, le 1er avril. Au programme : des plats de cuisine bourgeoise et ménagère à tout petits prix dans un cadre de brasserie ancienne, mais intemporelle.

 

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