Le Maroc de Leila Slimani
Un conseil d’abord : lisez en Folio le premier volet de cette grand saga (« le pays des autres, la guerre, la guerre, la guerre ») où Leïla Slimani conte l’histoire du Maroc à travers la saga de sa propre famille, ou plutôt en suivant le destin de personnages librement inspirés de ses grands-parents, parents immédiats, tantes et oncles. Le tome 1 évoquait la fin de la seconde guerre mondiale, de 1944 aux prémices de l’indépendance – 1954 correspondant à la décolonisation du pays, 1956 à son indépendance officielle. Le deuxième tome s’ouvre en avril 1968 et s’achève lors de l’hiver 1974. Et c’est passionnant de bout en bout. On rappelle que le chef de famille, l’aîné des Belhaj, est Amine, qui a été spahi, a réussi à s’échapper d’un camp en Allemagne, rencontre Mathilde en Alsace, l’épouse et l’emmène avec lui à Fez. Il y deviendra un important paysan propriétaire. Le premier volet de la saga était centré autour de Mathilde (qui apprend qu' »ici, au Maroc, c’est comme ça » et qui finit par s’adapter) et, bien sûr, d’Amine. L’intérêt du second tome lui se déplace autour de leurs enfants, Aïcha, étudiante en médecine à Strasbourg, et son jeune frère Selim, fasciné par les hippies qui débarquent à Essaouira, l’ancienne Mogador. Le chic de Leïla Slimani, son élégance, est de placer le destin de ses personnages, Amine, ses frères et soeurs, comme Omar, le futur policier au service du régime, Selma, en quête de liberté, au coeur de l’histoire mouvante de leur pays. Les années de plomb, l’attentat de Skhirat, la fin d’Oufkir, tout cela est raconté avec tact, mais précision, dans un roman qui n’oublie jamais de mettre ses personnages en avant. L’Histoire avec un grand « H » est là en toile de fond, à la fois décor et matière mouvante. On ne peut tout raconter. Mais on suit avec passion l’évolution d’Aïcha, son métier, de pionnière de la médecine dans un pays où les femmes sont surtout infirmières ou aide-soignantes, sa destinée amoureuse et la conquête de sa liberté, comme les atermoiements de Selim, aux prises avec les rythmes et la drogue qui emporteront les fans et les mânes de Jimmy Hendrix. De ce deuxième volet, riche, coloré, bigarré, servi par une écriture vive, franche, sensuelle, où Léïla Slimani a mis le meilleur d’elle-même, on retient un Maroc mouvant dont les citoyens peinent à trouver leur vérité, même s’il la recherchent avec courage et abnégation. On attend avec impatience la suite…
Regardez-nous danser, Le pays des autres 2, de Leïla Slimani (Gallimard, 365 pages, 21 €).