Elle s’appelle Alma Revel, est juge antiterroriste, a 49 ans, l’âge de Karine Tuil…. Elle voue sa vie à son métier, lui sacrifie tout, voit sa famille se déliter, son mari, qui fut un écrivain à succès, lauréé très jeune par le Goncourt, s’enfoncer dans le désarroi, et elle devient la maîtresse de l’avocat de son « client » ou, plutôt, « sujet d’étude » du moment. Sa décision à prendre, celle qui donne son titre au livre : doit-elle faire libérer Abdeljalil Kacem, français et musulman, parti en Syrie avec son épouse enceinte, avant les attentats de novembre 2015, qui assure, à longueur d’entretiens, narrés ici avec une précision maniaque, sa détestation des crimes de l’EI, son innocence, son désir de refaire sa vie. Est-il sincère ? Ne dissimule-t-il rien? Alma doit-elle lui rendre sa liberté ? Ou le laisser végéter en prison, en prenant le risque de se radicaliser. Karine Tuil, que l’on suit depuis ses débuts (« Pour le pire », 2000, « Interdit », 2001, « De Sexe Féminin », 2002, « Tout sur mon frère », 2003), est, depuis l’origine, l’experte des faux-semblants, des interdits religieux et sociaux, de la mixité ethnique dangereuse (« Douce France », 2007), musclant son propos, sans dévier de sa voie originelle avec « la Domination », 2008, « Six mois, six jours » , 2010, « L’invention de nos vies », 2013, livrant un « Bûcher des Vanités » à la française avec  « L’insouciance« , et une excellent parabole sur #metoo avec « les choses humaines« . Voilà qu’elle a prend le sujet très contemporain du terrorisme pour thème central de ce thriller politico-social, qui n’oublie pas d’aborder le désarroi amoureux. C’est diaboliquement bien pesé, ficelé avec malice, jusqu’au double rebondissement final, cousu, certes, de fil blanc. Mais on n’en dira pas plus. C’est, quoi qu’il en soit, une réussite.

La décision, de Karine Tuil (Gallimard, 304 pages, 20 €).