Les chuchotis du lundi : l’avènement de Nolwenn Corre, Alessandra Montagne se dédouble, Cécile Lévy fait feu de tout bois chez Tekes, Etienne Berg à Saint-Germain-en-Laye, Julien Marseault prince gourmand de Saint-Renan, Florys Barbier retour chez René
L’avènement de Nolwenn Corre
Elle est l’étoilée du bout du monde, de la fin des terres, à deux pas de son phare et de son abbaye en ruine, elle a rénové, avec son frère Tanguy, de belle manière, l’hostellerie familiale devenue moderne et panoramique. On vous parlé du bistrot relaxe et gourmand. Mais sa table de haute volée vaut le détour et l’éloge. Le décor a été épuré. On a gardé la cheminée, mais éliminé les nappes et l’on goûte sur tables de bois une cuisine très « bretonne nouvelle vague ». Nolwenn Corre, 32 ans, formée à l’Institut Bocuse d’Ecully, qui a travaillé chez Jean Luc l’Hourre, Yannick Alléno et Christian Le Squer, joue une partition terre/mer de bon aloi, relayée en salle par un service d’exception, avec le maître d’hôtel Christophe Cotton et le sommelier Anthony Etandin. Les vins sont choisis avec nez, sont tarifés avec sagesse, et les menus font l’effet de sonates harmonieuses. Nolwenn a le doigté fin, un sens du sourcing parfait, des idées à elles, bien enracinées … comme ces saint-jacques de la rade de Brest, servies compressées, pochées, avec des crackers au sarrasin, un beurre blanc au Noilly-Prat et caviar : une dinguerie à goûter absolument! Cette Bretagne, vagabonde, délicate et légère, a bien du charme …
Alessandra Montagne se dédouble
Formidable Alessandra Montagne ! Rue Clisson chez Tempero, elle oeuvrait dans un lieu trop petit pour son talent. Elle a déménagé non loin, à deux pas de la BNF dans le 13ème, dans un espace moderne plein de clarté et de gaieté qui va comme un gant à cette cheffe pleine d’allant. Et elle s’apprête à ouvrir, d’ici trois mois, une vaste épicerie moderne qui fera aussi traiteur et portera le nom de son ancienne maison (« Tempero »). Voilà, en tout cas, cette native de Rio de Janeiro, élevée dans la ferme de ses grands-parents dans le Minas Gerais, au coeur du Brésil, qui a quitté son métier d’assistante de direction pour épouser et partager sa passion, au fait de son sujet : la cuisine, qu’elle a apprit notamment aux côtés de William Ledeuil (Ze Kitchen Galerie) et de Adeline Grattard (Yam’tcha), sans omettre un stage en pâtisserie chez Benoît Castel. Autant dire que tout ce qu’elle propose ici, sucré, salé, vineux, avec la complicité du sommelier Aurélien Gil Artagnan qu’on vit jadis à la Réserve de Jérôme Banctel, est frappé du sceau de l’invention, de l’équilibre et du talent. Les mets condimentés, les saveurs exactes et le goût juste, les cuissons douces et les épices utilisés avec un réel sens de la mesure, sur des idées venues de France, du Brésil et d’ailleurs : tout cela triomphe dans son nouveau cadre. Le nom du lieu, « Nosso« , autrement dit « Nous » en portugais, en dit beaucoup sur l’art du partage édicté par cette cheffe charismatique qui a toujours des idées issues de l’air du temps à mitonner à sa sauce. On ajoute que son menu du déjeuner (27 € la formule, 34 € la complète) s’impose comme le rapport qualité/prix roi de son quartier.
Cécile Lévy fait feu de tout bois chez Tekes
On les a aimé chez Balagan, puis chez Shabour. Les voilà qui frappent fort. C’est la même équipe de cuisiniers israéliens (Dan Yosha, Assaf Granit, Uri Navon) et leur compère de salle Tomer Lanzmann à la manoeuvre, avec une équipe déléguée de grand talent, juste en face de leur dernière maison, avec un lieu plus vaste, ses tables et banquettes, ses comptoirs face à la cuisine, sa cour intérieure. Cela s’appelle « Tekès », autrement dit « cérémonie » en hébreu, autour des légumes. La cheffe en titre s’appelle Cécile Lévy, elle a 34 ans, est née à Marseille, a passé 17 ans en France, 17 ans en Israël, où elle a eu le temps de voir ce qui faisait vibrer le neuf esprit gourmand de Tel Aviv (notamment à l’hôtel Norman avec le chef Barak Aroni ) et de Jérusalem (avec les amis de Mah’né Yehuda, ici présents) dont elle a bien compris l’esprit vif, drôle, ludique, très technicien, avec des légumes en folie, des épices au faite de la mode, des clins d’oeil à des mets de tradition de toute origine revus sur le mode végétalien. On y ajoute l’usage, comme la cuisson à la braise, le grill en version douce. Ce qui se traduit avec des appellations allusives drôles et vives. La cuisine ici ? Une cérémonie, un spectacle, une fête du goût.
Etienne Berg à Saint-Germain-en-Laye
Etienne Berg? Il fut quasiment dix sept ans à la cave Lavinia, à Paris, côté boulevard des Italiens, à laquelle, en tant que chef, il donna ses lettres de noblesse gourmande. Ce quadra dynamique, passé à l’école Ferrandi, puis chez Lenôtre, Dalloyau, Potel et Chabot, mais aussi aux côtés de David Martin et du MOF Gilles Pauillac, à l’enseigne de l’Auberge, vient de prendre la cuisine de la Maison du Val, petit paradis hôtelier, sis au coeur de la forêt de Saint-Germain-en-Laye. Il y propose, reprenant le concept des Maisons de Campagne, une formule de buffets bistronomiques de haute volée avec un choix de vins pas bêcheurs, mais de haute tenue, des desserts enlevés et des plats du jour changeants, dont un lieu noir du Guilvinec avec ses topinambours et chicons braisés ou filet mignon de porc du Perche avec sa purée de navets caramélisés et sa sauce à la moutarde Fallot à se pourlécher. On en reparle vite.
Julien Marseault prince gourmand de Saint-Renan
Julien Marseault ? Cela fait belle lurette que l’on suit ce Breton voyageur, qu’on découvrit jadis en Corse, à Porto Vecchio, à U Santa Marina. Formé à l’Agape à Sainte Marine avec Patrick Le Guen, passé à Paris chez Guy Savoy, puis à nouveau en Corse à Cala Rossa, enfin au Beau-Rivage de Lausanne, avant de revenir en pays brestois au Château de Sable, il fut un bref temps le chef de l’Hôtellerie de Crillon-le-Brave en Provence. Désormais installé à son compte à Saint-Renan, une petite cité de caractère aux abords de Brest, dans une table drôle, vive, moderne, doublée d’un hôtel, il cuisine selon son coeur des mets de partage. Le lieu se nomme d’ailleurs « Partage », le cadre, bichonné par un artisan ébéniste local, a le chic contemporain, la carte des vins impressionne, le service est vif, enthousiaste, plein d’allant et les meilleurs produits bretons, de la terre comme de la mer, mitonnés au plus près de leur justesse, de leur fraîcheur et de leur vérité, avec une bonne dose de créativité, souvent frottés aux épices d’ailleurs, ont ici droit de cité. L’étoile est toute proche…
Florys Barbier retour chez René
On l’a connu chez Georgette dans le 9e, où il pratiquait l’art du pâté en croûte comme chez Jean Ducloux à Tournus. Florys Barbier, briscard vagabond, formé jadis chez Ledoyen époque Legay puis Trocellier, passé à Londres au Dolphin Square, au Régence du Plaza Athénée à New York, puis à Anguilla aux Antilles pour Jo Rostang, second de Paul Minchelli, avenue de la Tour Maubourg, puis doublé d’Olympe Versini à sa Casa Olympe, il avait intégré la sphère des « bistrots parisiens », au Bistrot du Dôme, puis, après Georgette, au Bistrot de Paris que créa jadis Michel Oliver. Le voilà désormais chez René, boulevard Saint-Germain, repris par la famille Paul, pratiquant les oeufs mayo, la quenelle de brochet à la lyonnaise (béchamel et fromage en gratin!) et le rognon de veau entier à la moutarde. Son île flottante aux pralines est un monument. Jack Lang, qui y vient en voisin depuis l’IMA, adore!